CHRONIQUE ''L'autre bout de la lorgnette !''
Ignorance fiscale ou simple déficit d'attention ? (2e partie)
2007-03-22


Par Philippe Poitras
Chroniqueur
cyberlorgnette@gmail.com

J’avais conclu la chronique précédente en me posant le plus sérieusement du monde une question à savoir si le groupe des 20-64 ans (63,5 % de la population du Québec) était simplement ignorant de la fiscalité 101, ou s’il ne souffrait pas d’un déficit d’attention aigu, ou pire, s’il faisait preuve de négligence citoyenne.

Loin de vouloir prétendre répondre à cette épineuse question (en fait la présente campagne électorale québécoise y répond indirectement…), cette deuxième chronique se décline comme une suite logique à la première en vous présentant d’autres réalités totalement méconnues des Québécois, mais qui sont paradoxalement d’ordre public et très bien documentées pour quiconque prend quelques minutes pour s’y attarder. Or, c’est ce que j’ai fait récemment un dimanche soir dans la solitude, au lieu de me geler les neurones devant Tout le monde en parlefinancé en grande partie par nos impôts par ailleurs… J’ai d’abord scruté un document produit par les ministères des Finances et du Revenu du Québec intitulé Statistiques fiscales des particuliers, année d’imposition 2003.

Vous le trouverez en dix secondes en copiant/collant ce titre dans Google.

D’abord, sachez que l’univers se divise en deux camps aux yeux du ministère des Finances du Québec. Il y a d’abord les contribuables imposables, qui paient des impôts sur le revenu, et les contribuables non imposables qui n’en paient pas… Je ne savais pas que l’on pouvait être contribuable sans contribuer, mais enfin...

En 2003, dernière année de compilation de données disponible, 41% des 5,7 millions de personnes ayant produit une déclaration de revenus étaient des contribuables non imposables, contre 59% dits imposables. Ces derniers ont payé la totalité des 16 milliards $ (G$) d’impôts sur le revenu des particuliers prélevés par Québec cette année là.

Première mauvaise nouvelle, seulement 16% des contribuables imposables déclaraient un revenu total supérieur à 50 000$, soit 925 000 personnes, dont seulement 135 000 gagnant plus de 100 000$. Retenez bien votre souffle, cette minorité de 16% payait en 2003, oui, 64% du 16 G$ d’impôt sur le revenu, soit 10,4 G$!

Ça vous laisse ni chaud ni froid?

Laissez-moi en rajouter en mentionnant que la proportion de contribuables non imposables n’a cessé d’augmenter entre 1980 et 2003, passant de 23% à 41% du total des contribuables. En d’autres termes, pendant que le nombre des contribuables imposables augmentait « faméliquement » de 28% en 23 ans, celui du camp des non imposables, lui, triplait (+290%). Architecturalement, voyez ça comme une pyramide construite à l’envers…vous resteriez dans ça vous ?

Architecturalement,
voyez ça comme une pyramide construite à l’envers…
Vous resteriez dans ça, vous ?

J’ai aussi repéré pour vous d’autres trouvailles bien enfouies dans le coffre du trésor public québécois et qui prennent la forme de dépenses fiscales. Les dépenses fiscales ont pour but d’accorder des allégements fiscaux à des groupes déterminés de particuliers relativement à certaines activités. Elles ont pour effet de réduire ou de différer l’impôt autrement payable par les contribuables par le biais d’exemptions, de déductions, de crédits ou de reports d’impôt.

Le rapport Dépenses fiscales- Édition 2006 du ministère des Finances établit qu’elles ont réduit de 15,7 G$ les impôts des particuliers en 2006. C’est presque autant que les 16 G$ d’impôts payés en 2003. Elles ont presque doublé (+87%) passant de 6,7 G$ à 12,6 G$ entre 2001 et 2006, ce qui est plutôt curieux - ou irresponsable, c’est selon - étant donné les besoins financiers criants de l’État québécois qui continue de creuser le trou de sa dette, année après année.

L’examen des dépenses fiscales révèle de plus certains paradoxes fort intéressants (plutôt inquiétants en fait) des choix qui sont faits par nos élus dans le contexte des inévitables investissements colossaux à venir d’ici 2020 avec :

  1. le vieillissement à vitesse grand V de la population québécoise;
  2. le maintien du régime public gratuit d’assurance-maladie;
  3. l’éducation et la formation des travailleurs;
  4. l’intégration d’une immigration qui ne fera qu’augmenterer;
  5. le renouvellement de nos infrastructures publiques, et
  6. l’adaptation obligatoire de notre économie aux défis de la mondialisation.

Ainsi, entre 2001 et 2006 : 

Ø      Le crédit d’impôt en raison de l’âge et le crédit d’impôt pour revenus de retraites, qui s’appliquent au 65 ans et plus, ont coûté 1,2 G$ au trésor public québécois, soit presque trois fois plus que le crédit d’impôt accordés pour frais de scolarité (450 M$), qui est un investissement dans l’avenir qui générera des revenus fiscaux pour les 50 prochaines années.

Comment justifier ce choix passéiste en 2006 alors que le Québec se trouve à la croisée des chemins sur le plan de son positionnement dans l’économie mondiale? Cela d’autant plus que le bien-être financier des aînés s’est considérablement accru depuis 1980 et que l’incidence de faible revenu chez les 65 ans et plus est maintenant bien inférieure à celle prévalant chez les 18-64 ans, pour qui le bien-être financier est loin d’être assuré à moyen et à long terme. 

 

Dans le contexte de la mondialisation, l’éducation et la formation devraient être davantage encouragées par la fiscalité. Il faut inverser ce sablier!

 

 

Dans le contexte de la mondialisation,
l’éducation et la formation devraient être davantage encouragées par la fiscalité.
Il faut inverser ce sablier!

 

Ø      L’exonération à vie des gains en capital sur les actions de petites entreprises a coûté 460 M$ aux contribuables, tandis que le crédit d’impôt pour cotisations syndicales et professionnelles a, quant à lui, coûté presque deux fois plus à 800 M$.

 

Comment expliquer ce choix alors qu’il est largement reconnu que ce sont les petites et moyennes entreprises (PME) qui génèrent la richesse et créent, justement, les emplois au Québec dont une minorité seulement (43%) sont syndiqués?  C’est cette exonération qui enrichit ultimement les entrepreneur(e)s propriétaires de PME. C’est en quelque sorte leur propre coupe Stanley, suite à 10, 20, 30 et même 40 ans de sacrifices et d’efforts.

 

Le message envoyé ici est que Québec récompense davantage les centrales syndicales pour la création de richesse générée par la détermination, la créativité, les efforts, le courage et la résilience des entrepreneur(e)s!

 

À l’instar de l’exemple précédent, c’est le monde à l’envers ! L’État devrait renverser la situation et promouvoir la création d’entreprises en offrant encore plus d’avantages fiscaux aux entrepreneur(e)s qui créent des emplois (salaires imposables) et de la richesse taxable.

 

 

Le message envoyé ici est que Québec récompense
davantage les centrales syndicales
pour la création de richesse (...)

 

C’est le monde à l’envers ! L’État devrait renverser la situation
et promouvoir la création d’entreprises
en offrant encore plus d’avantages fiscaux
aux entrepreneur(e)s...

 

Ø      Finalement, la non imposition des gains de loterie et du jeu nous a collectivement coûté près de 3 G$ depuis 2001, soit 500 M$ environ par année.

 

Comment tolérer une telle aberration alors que le Québec peine à payer décemment (comparativement aux autres provinces canadiennes) ses médecins spécialistes, ses infirmières, ses enseignants et autres travailleurs indispensables de l’État ? Vous vous rendez compte qu’un contribuable qui gagne 5 000$, 10 000$, 100 000$ ou même plusieurs millions à la loterie, au casino ou à l’hippodrome ne paiera pas un sou d’impôt, alors qu’un contribuable qui travaille à la sueur de son front, même au salaire minimum, paiera de l’impôt sur un revenu annuel aussi maigre que 10 000$.

 

Mise à part, peut-être, la non imposition des gains de loterie et de concours visant à financer des organismes de charité, cette mesure est intégralement aberrante et inacceptable. Au point de rupture où en est rendu le Québec, cette vache sacrée devrait être carrément abattue pour nourrir la patrie!

 

 

Mise à part, peut-être,
la non imposition des gains de loterie et de concours
visant à financer des organismes de charité,
cette mesure est intégralement aberrante et inacceptable.

Au point de rupture où en est rendu le Québec,
cette vache sacrée devrait être carrément abattue
pour nourrir la patrie!

 

 

Si vous pensez que la classe politique et vos médias électroniques préférés vous offriront des analyses fines et des solutions audacieuses et intelligentes en matière de fiscalité, vous rêvez d’un 30 degré Celsius en janvier au Québec! Cela n’arrivera que lorsque les contribuables imposables s’occuperont un peu plus de leurs affaires fiscales. Il ne faut surtout pas compter sur les contribuables non imposables, indifférents par définition.

 

Il y a un an, près de 200 000 Québécois signèrent en quelques semaines une pétition en ligne pour faire accroître la superficie des aires protégées au Québec… Cette campagne s’intitulait « On dort comme une bûche », un titre accrocheur…

 

J’aimerais en démarrer une en fiscalité afin de déclencher un éveil collectif.  J’aimerais la baptiser «Comment réveiller les morts?»

À chacun de croire ou non en la résurrection!

 

Fait à Vancouver le 20 mars 2007.


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