CHRONIQUE " Veille et Vigie "
Retour sur Élections 2007 au Québec
2007-05-15


Par Richard Legendre
Chroniqueur
legendre@siiq.qc.ca
Veilleur technologique et courtier en information

La campagne électorale conduisant aux élections du 26 mars 2007 au Québec représentera un moment important pour l’utilisation du cyberespace dans une bataille politique. En effet, par le passé les utilisations du web au Québec n’étaient que le lot de quelques individus politiquement impliqués ou non. Cette fois-ci, on a remarqué une plus grande utilisation du web, soutenue par les médias électroniques et écrits. Évidemment, la plupart de ces médias proposaient aux internautes des bulletins d’informations et des analyses.

LA BIDIRECTIONALITÉ
Ces sites web, importants en termes d’achalandage, offraient aux citoyens une place pour exprimer et confronter leurs opinions dans les zones blogues animées par des journalistes. Ces derniers lançaient le débat  par la rédaction d’un commentaire quotidien. Rapidement, on observait un grand nombre de citoyens réagir au commentaire du journaliste. Par la suite, les commentaires faisaient l’objet de critiques ou d’applaudissements de la part d’autres citoyens blogueurs. Afin d’éviter les dérapages, les médias exigeaient que les citoyens s’inscrivent et s’engagent à respecter certaines règles du jeu visant à respecter la liberté d’expression de chacun sans nuire à celles des autres. En cas de transgression de ces règles, la punition consiste à voir son message retiré ou encore ne pas être mis en ligne, car plusieurs blogues ne rendaient publiques les messages qu’après une lecture par le  modérateur du blogue. Le plus long délai que j’ai observé a été d’environ six heures.

Le plus long délai que j’ai observé
a été d’environ six heures

Les médias électroniques, tant à la radio qu’à la télévision, proposaient également une forme de «vox pop» sous la rubrique «question du jour» ou «sondage Internet du jour». Dans la région de Québec, ce petit rituel quotidien pouvait donc proposer un total de près d’une dizaine de questions par jour, où le citoyen n’a qu’à sélectionner parmi un choix de réponses. D’après les statistiques rapportées par les médias, on pouvait compter entre 700 et même 2 000 répondants par question. C’est donc plus de 7 000 citoyens qui exprimaient ainsi, sur une base quotidienne, leur opinion. Certains diront que les partis politiques peuvent tenter de prendre possession de ces tribunes du cyberespace. Bien que possible, la multiplication du nombre de tribunes où l’opinion publique peut s’exprimer complique grandement le travail de noyautage.  

ET LES PARTIS POLITIQUES...
Nous avons probablement eu droit à une première phase de changement d’attitude quant à l’utilisation du cyberespace pendant une campagne électorale. Par le passé, les partis politiques nous proposaient des sites web statiques où - dans le meilleur des cas - on retrouvait des documents de références comme le programme politique et la plate-forme électorale, ainsi que la liste des candidats.

La campagne de 2007 a donc permis de consolider la présentation de documents comme le programme politique et la plate-forme électorale. Plutôt que de simples listes de noms de candidats, on pouvait voir le visage et une courte biographie de chacun des candidats. Malheureusement, on ne retrouvait pas suffisamment d’information dynamique pour le volet local décrivant les activités au quotidien de chacun des candidats. Les sites web des partis politiques ont, tout comme pour les médias traditionnels (presse, radio et télévision), trop concentré leur contenu sur la campagne des chefs. Encore ici, le web ne fait que refléter la réalité de la société.

Le Parti libéral du Québec et le Parti québécois ont relevé le défi d’introduire la communication bidirectionnelle, en proposant aux citoyens des blogues sur leur site de campagne. Les libéraux ont même poussé l’audace en laissant visible sur leurs différents blogues thématiques des opinions négatives de partisans des autres partis. Ces opinions divergentes permettaient d’intéressantes discussions entre les militants libéraux et ceux des autres partis. Tout comme pour les blogues des médias, des règles de conduite incitaient les participants à faire preuve de respect des règles de base de la Net étiquette. Un modérateur pouvait effacer ou retirer des commentaires haineux ou non respectueux. 

Tel que mentionné précédemment, les trois principaux partis politiques offraient une grande quantité d’informations quant à la campagne au quotidien de chacun de leur chef respectif, et ce, sous la forme de textes ou de capsules vidéo.

Les cybercitoyens pouvaient donc avoir accès à l’information en provenance des partis politiques sans le filtre des médias traditionnels. Heureusement, car on a déploré (particulièrement durant la première partie de la campagne) l’attitude des médias traditionnels qui faisaient plus « d’info-spectacle » que d’information en recherchant - et même en inventant des «pelures de bananes» - ou en surfant sur des clips de huit secondes. Certains observateurs condamnaient les médias traditionnels en affirmant que paradoxalement, il n’y a jamais eu autant d’espace média consacré à la campagne électorale dans les journaux, la radio et la télévision et pourtant le citoyen ne pouvait apprendre que peu sur les enjeux électoraux et les solutions proposées par les partis.

ZONES GRISES
Plusieurs internautes ont utilisé des sites de blogues personnels ou comme du genre de You Tube pour diffuser de l’information visant à favoriser ou défavoriser l’une ou l’autre des formations politiques. Il sera intéressant de voir les analyses et recommandations du  Directeur général des élections du Québec (DGE), afin de baliser cette zone grise où le personnel et le publique se côtoient. Évidemment, les sites web des candidats doivent se retrouver dans les dépenses électorales comptabilisées et afficher les mentions prévues à la loi électorale. Bien que certains blogues personnels peuvent s’apparenter à des médias en laissant la place aux idées de plusieurs partis ou de leurs militants, qu’en est-il des blogues ou sites web personnels qui ne font la promotion que d’une seule option ? Devront-ils obtenir la permission d’un agent officiel d’un parti ou d’un candidat ? La glace est mince entre le personnel et le publique dans le cyberespace. La loi électorale ne vise pas à brimer la liberté d’opinion individuelle, mais à empêcher que des groupes puissent prendre des moyens détournés pouvant ainsi augmenter le montant maximal de dépenses alloué à chaque candidat ou parti politique. Le Directeur général des élections est intervenu à quelques reprises durant la campagne et il sera intéressant de suivre ses conclusions.

BONS COUPS
Le site web vivrelequébec.net a proposé aux internautes un «test politique» où par des questions reliées à des enjeux électoraux, le citoyen sélectionnait parmi un choix de réponses basées sur les programmes politiques des principaux partis politiques en lice. Répondre par un choix de contenu plutôt que par une étiquette politique peut conduire à des résultats surprenants. 

Un chroniqueur de Radio-Canada surveillait les blogues de citoyens et rapportait aux nouvelles télévisées les meilleurs textes observés durant la semaine. Ce geste, en plus de souligner l’importance du cyberespace dans la campagne électorale, a permis de lancer une passerelle entre le monde des médias électroniques, très visibles sur le web, et le monde moins visible d’un blogue personnel parmi la masse de blogues. Reste à souhaiter que cette visibilité à la télévision d’État  n’ait pas causé des problèmes d’achalandage aux serveurs hébergeant ces blogues citoyens.

ET LA PROCHAINE ?
À quoi peut-on s’attendre pour la prochaine élection ? Même si la durée d’un gouvernement minoritaire est plus courte, on peut croire que le cyberespace prendra encore plus d’importance lors de la prochaine campagne électorale. En fait, dès aujourd’hui, et ce, jusqu’à la prochaine élection, les partis politiques, les députés et les futurs candidats comprendront l’importance d’assurer dès maintenant une présence active et bidirectionnelle sur le web. Les médias traditionnels (journaux, radio et télévision) poursuivront le beau travail amorcé durant la campagne de 2007 et il sera intéressant de mesurer la complémentarité des informations entre la diffusion traditionnelle et leur zone web et blogue dédié à la campagne.

On retrouvera probablement encore des pancartes électorales accrochées dans l’environnement visuel. On peut espérer que leur importance diminuera au fur et à mesure que les nouveaux moyens de communication prendront leur place comme moyen d’information auprès des citoyens. La vitesse du changement suivra l’adhésion des citoyens aux nouveaux moyens de communication et à leur capacité de prendre eux-mêmes la responsabilité de s’informer personnellement sans le choix éditorial des médias. Selon la date de la prochaine campagne, peut-être verrons-nous de plus en plus la présence du cyberespace avec les différentes technologies sans fil. Les cellulaires intégrant la navigation web, les courriels ou les messages SMS bien que présent en 2007, prendront encore plus de place la prochaine fois.

Souhaitons que le web nous amènera
vers une couverture électorale de micro-marchés d’électeurs
qui se préoccupent des enjeux locaux
ou d’un sujet particulier

Dans un univers où la quantité d’information disponible ne cesse d’augmenter, le citoyen devra apprendre à s’informer intelligemment. Pour y arriver, il verra à identifier l’infospectacle de plus en plus véhiculée surtout par la télévision. Il éliminera ainsi une grande partie d’informations plus ou moins pertinentes quant aux enjeux électoraux et aux programmes politiques des partis. Le cybercitoyen s’informera à la source sur les sites des partis politiques pour y consulter les programmes et les engagements écrits; sur les sites web des médias traditionnels pour y obtenir plus d’information qu’un clip de huit secondes du journal télévisé ou pour y observer les échanges entre citoyens ne partageant pas la même opinion; sur les sites web et blogues personnels où il pourra y observer des informations théoriquement libres de tout filtre partisan ou éditorial (des idées qu'avançait déjà Jean Lanoix dans son livre INTERNET 2025 - L'importance d'imaginer le futur, publié au Québec en 2003). Évidemment, le citoyen devra dans ce dernier cas, tenter de vérifier qui se trouve derrière le site web ou blogue afin de connaître les filiations.

Qui,
le citoyen moderne
devra faire preuve de prudence et
fournir un minimum d'efforts pour s'informer

Oui, le citoyen moderne devra faire preuve de prudence et fournir un minimum d’efforts pour s’informer. Sinon, il risque de subir la charge d’une infobésité croissante où la qualité ne rime pas avec la qualité. S’il travaille bien, peut-être verrons-nous enfin un retour de balancier vers une couverture plus près des individus et des comtés, plutôt qu’une couverture trop proche d’une campagne électorale présidentielle (alors que ce n’est pas le cas chez-nous) ! Ce type de couverture s’est développé en raison des médias de masse tel que la télévision. Le web permet dans le commerce électronique d’attaquer des micro-marchés de niche. Souhaitons que le web nous amènera vers une couverture électorale de micro-marchés d’électeurs qui se préoccupent des enjeux locaux ou d’un sujet particulier. 

On dit que l’on obtient les gouvernements que l’on mérite. Cette citation risque de voir son importance augmenter avec l’utilisation du cyberespace lors de campagnes électorales. C’est à chacun de nous d’y voir !

Fait à Québec le 14 mai 2007.


Envoyer cet article à un ami

Fondé en 1997
35 000 lecteurs


Rubriques

Éditorial
Comment Québec peut parier sur la Chine?

L'EAU c'est la vie!
1ère Symphonie Grands Lacs/St-Laurent, Québec, juin 2012

Trouvez le monde...
Que faire et ne pas faire dans certains pays?

Géopolitique mondiale
Diploweb

Système d'info mondial pour le dév. durable
www.mediaterre.org

Le Convertisseur de devise
Équivalent en $CAN d'une monnaie étrangère

Créez votre "Délégué commercial virtuel"

Haute Finance/Québec?
Survivre à Londres

Profils d'entreprises technologiques (PTQM)
Industries Rocand, OpenPole, PESCA Environnement, ForwardSim, MCG3D, Immanence, Explora, IC2, Studio Virtuel Concept, dö networks

Entrevues exclusives
Plus de 30 rencontres

Mot des délégations du Québec

REPEX / ExportPro.org
François Breault nommé V-P Exécutif



Liens

Partir... pour revenir!
PopulationData.net
InfoNATION
World New Connection
Faire affaires avec l'ONU
Consultation ContactsMonde
La mondialisation jour le jour
Export alerte
Québec Monde
Ass. des économistes du Québec
Cercle Québécois des Affaires inter.
SORIQ
Quoi faire à Québec?
English Québec






Copyright 1994, cyberjournal@commercemonde.com