CHRONIQUE "TI"
Présidentielle française vue du Québec: techno oblige, la distance n'a (presque) plus d'importance
2007-05-16


Par Jacques Pigeon
Chroniqueur
jpigeon@elara.ca

Jamais campagne présidentielle n’aura été suivie aussi attentivement par les québécois. Les technologies de l’information et des communications (TIC) ont fortement contribué à ce phénomène. L’Internet, en particulier. Des coûts de télécommunications tellement faibles qu’il est maintenant possible de transmettre en direct, sans se ruiner, des débats comme celui qui s’est tenu à Paris quelques jours avant le deuxième tour. Des sites Web qui nous permettent de consulter facilement les programmes des candidats. Des blogues de tout acabit. Des communications interactives. Tout ce qu’il faut pour suivre l’évolution de la campagne tout en restant chez soi. Et que dire du message de félicitations de Tony Blair, en français, accessible sur You Tube. Cette petite introduction à la sauce technologique me donne un bon prétexte pour commenter la situation française et surtout de faire des parallèles avec la politique au Québec.

D’ABORD LES PERSONNAGES...

  • Nicolas Sarkozy : pas d’équivalent ici. C’est Mme Thatcher en pantalons. Un communicateur exceptionnel qui s’exprime avec la plus grande clarté. Un langage que tous comprennent, même les Québécois. C’est aussi un hyperactif sûr de lui, hyper exigeant et intolérant face à l’erreur. Une culture du résultat à l’américaine.
  • Ségolène Royale : Françoise David en robe du soir. Un discours dominé par les généralités mais du style, de l’élégance même. Comme André Boisclair, elle était prisonnière d’un programme passéiste. Peu d’affinités avec Pauline Marois, à part les évidences. Mme Marois affirme la nécessité de créer de la richesse avant de la distribuer, MBA oblige. Même si Mme Royal a été formée à la grande école des élites, l’ÉNA, elle combat toujours avec acharnement libéralisme économique et mondialisation.
  • François Bayrou : grande ressemblance avec Mario Dumont. Un rural, tout comme lui, confortablement assis entre deux chaises. La sienne est dans le vide quelque part entre la gauche et la droite. Celle de Mario Dumont entre le fédéralisme et le séparatisme. Une rencontre s’impose. L’avenir de Mario Dumont s’annonce cependant plus glorieux. Après tout, nous sommes de bons normands !
  • Jean Marie Le Pen : aucun équivalemment ici non plus – n’en déplaise à Pierre Arcand -  si ce n’est un seul et unique député de l’ADQ  vigoureusement dénoncé par une grappe de femmes ministres libérales.

UN PEU DE CONTEXTE
Avant de disserter et de comparer les programmes des partis, une mise en contexte s’impose. La société française est composée de deux groupes. D’abord les inclus ; ceux qui sont dans le système. Ils constituent la grande majorité, ont des emplois permanents et protégés comme nulle part ailleurs et bénéficient d’une protection sociale exceptionnelle.

Les exclus - 10 ou 15% - sont bien sûr les gens des banlieues, souvent issus de la communauté maghrébine, et tous ceux qui ne sont pas branchés et vivent en périphérie du système avec des contrats dits à durée déterminée. Des entrepreneurs, rares en France, peuvent très bien se trouver dans cette catégorie.

Durant 15 des 25 dernières années, la France a été gouvernée par les socialistes. Ces derniers ne se sont pas encore réconciliés avec l’économie de marché. En fait, se dire libéral en France, c’est comme se déclarer contre la laïcité de l’État ici. Jean-Pierre Raffarin, ancien premier ministre, a dit récemment que, sur le plan économique, le parti socialiste était encore au XIXème siècle. Comment expliquer autrement la présence de trois candidats trotskistes au premier tout ?

Durant toutes ces années, les inclus ont été gâtés : retraite à 60 ans, semaine de 35 heures policée avec moult inspecteurs du travail, salaire minimum le plus élevée d’Europe, cinq ou six semaines de vacances payées, des allocations sociales ultra généreuses. À coté de çà, le Québec, l’État le plus généreux en Amérique du Nord, fait figure de parent pauvre.

MAINTENANT LE PROGRAMME DES PARTIS
La droite de Sarkozy a proposé une rupture avec ce passé socialiste et proposé que la France dont le poids dans l’économie mondiale ne cesse de décliner, propose de rejoindre l’économie de marché mondiale et donc de déréglementer, de laisser plus d’espace au secteur privé. Mais même s’il réussit à mettre en œuvre son programme économique, l'État jouera encore un rôle bien plus important qu’ici.

J’ai écrit déréglementer. Un exemple fera comprendre. Le code du travail, en France, compte près de 3 000 pages. C’est quatre fois plus qu’ici.

Quand Nicolas Sarkozy propose de revaloriser le travail, réduire les impôts (les plus élevés d’Europe) et un plus grand respect pour la Loi, il n’y a pas vraiment de quoi énerver un Québécois. À titre d’illustration, il a proposé d’introduire la notion de services essentiels lors de conflits (très fréquents en France) dans les services publics comme le transport en commun. Radical ?

Bref, l’ADQ est à droite du parti de Sarkozy.

Les socialistes sont les vrais conservateurs en France. Leur programme a de quoi faire rêver les dirigeants de Québec Solidaire. Aux exclus des banlieues, où le taux de chômage peut facilement atteindre les 20%, on offre 500 000 emplois publics, temporaires, payés par l’État ! La part du lion va aux inclus : de meilleurs salaires, de meilleurs prestations, encore la semaine de 35 heures, des pensions encore plus généreuses, 120 000 nouveaux logements sociaux par an. À cela s’ajoute l’école obligatoire à 3 ans. Oui, j’ai bien écrit 3 ans.

La « madone » ne fait pas moins de 100 propositions aux français. Soutien scolaire gratuit pour tous, allocations autonomie pour les jeunes, création d’un service public d’orientation, « généralisation d’écoles de parents et des consultations familiales pour les aider à conforter leur autorité » (proposition 29) doublement de l’allocation de la rentrée scolaire (proposition 10).

Il y en a 100 comme çà. Faut savoir que si ici on se bat pour savoir qui aura la plus grosse part des surplus du gouvernement, en France, la situation est inversée. Le gouvernement a peine à maintenir son déficit sous la barre des 3% du produit national brut. C’est un déficit égal à celui de nos pires années. Pire, une part importante est constituée de dépenses de retraite car, en France, contrairement aux règles d’ici, les régimes ne sont pas capitalisés et émargent directement du budget annuel de l’État.

Et lorsque l’on demande à la candidate socialiste comment elle va s’y prendre pour payer tout çà, elle répond - à la Québec Solidaire - qu’elle fera payer aux riches le niveau d’impôts qui sera nécessaire. Vive Québec solidaire ! Mieux encore, le capital sera plus taxé que le travail. Ici, tous les partis se sont engagés dans la voie opposée sachant que, contrairement à ce qu’affirme le dogme socialiste français, ce ne sont pas les gouvernements qui créent l’emploi mais bien les investissements, surtout dans les PME.

VU DU QUÉBEC
J’ai un aveu à vous faire. J’écoute la radio publique. La campagne présidentielle a occupé une large place sur les ondes de Radio Canada. J’ai été renversé de voir le parti pris évident que les animateurs affichaient envers Ségolène Royal. Les René Homier Roy, Joël le Bigot, Christine Charrette, Pierre Maisonneuve et Michel Lacombe, appuyaient sans retenue la candidate et tenaient souvent des propos désagréables à l’endroit de son concurrent.

Leur ignorance des enjeux économiques est à faire pleurer (...)
et montre (...) jusqu’à quel point ils sont déconnectés
de tous ceux qui se crèvent le cour à créer la richesse économique :
les entrepreneurs, commerçants et gens
d’affaires de toutes sortes

C’est vrai qu’elle est belle et élégante, mais son programme est tellement déconnecté du monde d’aujourd’hui qu’on a peine à comprendre ce parti pris. J’ai une explication. Si ces animateurs ont une compétence certaine et une compréhension intelligente des enjeux sociaux, culturels et politiques des sociétés, leur ignorance des enjeux économiques est à faire pleurer. Elle déteint sur tout et montre, malheureusement, jusqu’à quel point ils sont déconnectés de tous ceux qui se crèvent le cour à créer la richesse économique : les entrepreneurs, commerçants et gens d’affaires de toutes sortes.

Pour les 54% de français vivant ici qui ont voté pour la candidate socialiste j’ai une explication tordue. Au cours des toutes dernières années, le nombre de succursales françaises qui s’établissent au Québec croit à la vitesse grand V. L’arrivée des socialistes au pouvoir en France et l’écrasante fiscalité qu’ils proposent d’alourdir encore pour les entreprises et leurs actionnaires ne peut qu’amplifier le phénomène. « Self serving », comme disent les chinois !

Je réponds à tous mes courriels : jpigeon@elara.ca

Fait à Montréal le 14 mai 2007.


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