CHRONIQUE : L'autre bout de la lorgnette !
Le miroir démographique
2007-09-13


Par Philippe Poitras
Chroniqueur
cyberlorgnette@gmail.com

En cette année 2007, nous soulignons au Québec le 40e anniversaire d'Expo 67, la fameuse Exposition universelle de Montréal qui donna à la collectivité québécoise une formidable occasion de prendre sa place au rang des nations modernes de l'humanité.

Quiconque ayant eu l'âge de se souvenir de l'Expo vous parlera avec nostalgie de ce moment marquant de notre histoire collective. Les plus vieux en rajouteront sur le crémage du gâteau en nous rappelant qu'au temps de l'Expo, on n'avait pas froid aux yeux. « Les choses bougeaient et on ne s'enfargeait pas dans les fleurs du tapis, dans ce temps-là », disent-ils.

Comme l'avait si bien encapsulé Beau Dommage dans son Blues d'la métropole : « En 67 tout était beau c'était l'année d'l'amour, c'était l'année d'l'Expo »!

La célébration de ce passé festif contraste comme un bananier dans un verger de pommiers avec l'impression d'immobilisme qui teinte l'époque actuelle.

La société québécoise serait-elle
bipolaire ?

La société québécoise serait-elle bipolaire, ayant vécu un « high » de 1960 à 1976 pour ensuite s'enfoncer dans une dépression post-olympique ? Je laisse ce parallèle fumeux aux psys! Mais j'ai peut-être une piste de solution intuitivement et humainement sensée pouvant expliquer notre apparente apathie collective actuelle.

 

 

 

 

 


Les grivois verront dans le graphique ci-dessus une solide érection! D'autres y apercevront plutôt la cause de la débandade à l'origine du ramollissement de notre émancipation collective à partir des années 80.

On y voit que l'âge médian au Québec était de 24 ans en 1967 contre 41 ans en 2007, soit en passant l'âge d'une large frange de nos infrastructures «chambranlantes».

Fait anodin vous direz ? Hum... comparons maintenant la situation québécoise avec celle du reste du monde :

Âge médian Québec Amérique du Nord Europe Amérique latine Asie
1950 25 ans 30 29 20 22
1975 27 ans 29 32 19 20
2005 40 ans 36 40 26 28
2050 49 ans 40 50 33 33
Sources : Institut de la statistique du Québec, Statistique Canada et Division de la population du Département des affaires économiques et sociales du Secrétariat de l'ONU (2007). World Population Prospects: The 2006 Revision. Highlights. New York: Nations Unies.

Fascinant comme le dirait l'incorruptible Monsieur Spock :

  • Entre 1950 et 1975, la population du Québec était la plus jeune du monde occidental (Amérique du Nord et Europe), tandis qu'elle est l'une des plus vieilles aujourd'hui.
  • Entre 1975 et 2005, l'âge médian des Québécois a crû de 48% contre seulement 24% pour l'Amérique du Nord et 25% pour l'Europe.

Le blanchiment de la chevelure québécoise aura été deux fois plus rapide que celui de nos comparables occidentaux.

Comparons maintenant l'évolution de la société québécoise en fonction de son âge médian avec celle d'une personne du même âge :

Quand on a entre 20 et 35 ans, on est généralement : Quand on a entre 35 et 50 ans, on est généralement :
Idéaliste - Fonceur - Énergique - Revendicateur Appartenance à des causes - Dans l'action avec moins d'analyse. Réaliste ou cynique - Prudent - Moins énergique - Accommodant/complaisant - Convictions bien ancrées - Plus de réflexion et d'analyse avant l'action.
Professionnellement et économiquement Professionnellement et économiquement
On expérimente pour s'établir et pour gagner plus d'argent et de sécurité - On est moins prudent financièrement car on a la vie devant soi pour s'enrichir - On fait des déficits pour s'instruire, fonder une famille et construire son patrimoine. Avec la séniorité (réputation/ancienneté), on a les meilleures conditions de notre carrière - On est plus prudent financièrement car on prend conscience des risques - On fait des surplus et on commence à épargner en fonction de la retraite.

Décidément, M. Spock adorerait la planète Québec car les parallèles sont éclairants et porteurs pour l'avenir :

1. Période 1960 à 1995: Un junior qui fonce ! Âge médian : 24 à 34 ans.
D'aucuns diront que dans cette période, la société québécoise aura été prodigieusement active et audacieuse avec la Révolution tranquille, l'érection (on était jeune et c'était le temps de l'amour !) de l'État québécois moderne et des infrastructures, l'Expo 67, la nationalisation de l'électricité, les olympiques de 1976, l'endettement public et les deux référendums sur la souveraineté.

Ainsi donc, cette période aura été idéaliste, énergique, revendicatrice et portée davantage vers l'action que vers l'analyse. Le Québec fonçait dans l'expérimentation avec confiance, habité par plusieurs causes dont celle de sa propre émancipation ! Finalement, on amorçait réforme après réforme et on investissait massivement pour préparer l'avenir, construire la richesse nationale et augmenter l'enrichissement collectif. Tel fut le cas d'ailleurs !

Ainsi, la société québécoise fut à l'image d'un jeune de moins de 35 ans en train de construire son identité, sa carrière et son patrimoine.

2. Période 1996 à 2007 : La prudence est de mise ! Âge médian : 35 à 40 ans.
Par consensus, le Gouvernement du Québec et les grands partenaires de l'État confirment la fin de la récréation et de l'endettement public au milieu des années 1990 (déficit zéro). C'est la quintessence du mode consensuel car on est plus conscient de notre impact sur les autres avec l'âge?

Clairement, la société québécoise a mal dans les rotules en entrant dans sa quarantaine ! « La révolution révolue, tout l'monde s'rrrmet à s'pogner l'cul » (Blues de la bêtise humaine, Plume Latraverse).

Dorénavant, on analysera, soupèsera et consultera davantage les parties prenantes avant de prendre des décisions.
Comme une personne entrant dans la période « fin trentaine - début quarantaine », la société québécoise devient plus réaliste et analyse davantage avant d'agir. Elle est moins énergique qu'avant tout en étant toutefois portée sur l'autocritique pour faire encore mieux, avant l'indubitable déclin. Situation frustrante s'il en est une?

Avec les richesses qui se sont accumulées, on expérimente moins collectivement et on devient rébarbatif au changement, surtout quand il impacte sur nos habitudes, nos acquis et nos revenus. Comme dirait le vieux sage chinois Lao Tseu: « Qui accumule les richesses a beaucoup à perdre ».

Finalement, on s'indigne moins car on relativise tout et il est de plus en plus dur de se mobiliser ou de se faire mobiliser (sauf quand NOS propres intérêts privés sont menacés).

Quelle sera notre suite collective post-trentaine ? Hôtel 4 étoiles ou motel cheap ?

3. Période 2008 à 2050 : Sérénité prospère ? Âge médian : 41 à 50 ans.
Aurions-nous de bonnes raisons d'être optimistes face à l'avenir ? Et pourquoi pas ?

Primo, il est généralement reconnu que c'est dans la quarantaine que les individus atteignent le summum de leurs compétences, de leurs habilités et de leurs qualités humaines. Pourquoi la société québécoise, en pleine quarantaine d'âge médian d'ici 2050, ne pourrait-elle pas en faire autant ?

Secundo, notre vieillissement collectif accéléré ne recèlerait-il pas de nombreuses occasions socio-économiques porteuses ?

Absolument !

Dans une perspective mondiale, pourquoi ne pas rêver que nous saurons nous inspirer de l'expérience de sociétés telles le Japon (43 ans d'âge médian en 2007), l'Allemagne (42), l'Italie (42), la Finlande (41) et la Suède (40), qui ne sont pas des deux de pique, pour transposer leurs savoir-faire en Amérique du Nord grâce à notre créativité, à notre inventivité et à notre sens de l'entrepreneurship ? Car d'innombrables opportunités de leadership et de marché il y aura, en Amérique du Nord, où le Québec sera de facto le grand frère du continent (ou la grande soeur pour faire plaisir aux féministes), avec 10 ans de plus d'âge médian que ses voisins immédiats en 2050 ! Que de technologies, services et savoir-faire à forte valeur ajoutée nous pourrions inventer, concevoir et exporter à forts prix?

Mais pour avancer, encore faudrait-il reconnaître l'âge médian de notre société et agir en conséquence au lieu de s'entêter à vouloir répéter les approches d'un passé à jamais disparu?

Mais pour avancer,
encore faudrait-il reconnaître l'âge médian de notre société
et agir en conséquence

Oui on avance généralement moins vite en vieillissant... mais cela n'empêche ni le rêve, ni la vision, ni l'accomplissement et encore moins l'avancement... lentement mais sûrement le vieil adage ne dit-il pas ?

À ceux qui auraient oublié leurs classiques avec l'âge, relisez donc Le lièvre et la tortue de Jean de la Fontaine. La sagesse de notre âge médian collectif devrait nous dicter que... rien ne sert de courir et qu'il faut plutôt partir à point!

Qu'attendons-nous alors ? La Colombie-Britannique a l'Asie, l'Alberta a le pétrole, l'Ontario a l'industrie automobile et le Québec l'électricité verte et la vieillesse.

À quand l'amorce de la Révolution environnementalo-gériatrique ?

Fait à Montréal le 13 septembre 2007.


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