ANALYSE
Pourquoi les pionniers sont-ils souvent forcés à abandonner leurs activités?
2012-05-01


Par Ronald Bannon Expert en commercialisation

Après avoir été la fierté de leur pays, affublé du nom de fleuron dans leurs industries respectives et avoir attiré bon nombre d'investisseurs, compte-tenu de leurs perspectives de rentabilité et de développement économique, des entreprises qualifiées de pionniers finissent souvent par s'isoler. Avec un savoir-faire unique, un positionnement de leader où la concurrence n'est jamais bien perçue et une culture organisationnelle, elles finissent par s’éloigner de la réalité de leurs marchés, l'innovation ayant été pourtant la source même de leur fondement et de leur croissance.

Toutefois, il est faux de prétendre que les pionniers finissent par disparaître. Prenons le cas de 3M dont les produits, issus de la R&D, garnissent les bureaux de milliers de travailleurs et de consommateurs à travers le monde. Cette société reste toujours active à cause de sa mission qui l'oblige à commercialiser bon nombre de ses innovations. Celles-ci devront se refléter directement sur le chiffre d'affaires dans un délai maximal de 5 ans : actuellement ces ventes représentent plus de 30 % et l’objectif est d’atteindre 40 % d’ici 2015 – voir article du 10 mars 2011 sur www.cafedelabourse.com intitulé « La société 3M : championne de l’innovation ».

Tous les pionniers n'ont certes pas la même mission!

Rappelons d’abord ce que nous entendons par pionnier : « Personne qui ouvre la voie à quelque chose, qui est le premier à faire quelque chose ».

Comment une Société acquiert et maintient un statut de pionnier ?
Le pionnier acquiert une position de leader dans un ou plusieurs marchés donnés avec une offre de produits et de services innovants. Assortie de brevets et d’autres propriétés intellectuelles stratégiques, elles créent une rupture, soit dans l'utilisation soit dans la livraison, de telle sorte que l’offre est unique. En conjuguant une capacité de livrer cette offre à une capacité de déploiement sans précédent au niveau des ressources, le pionnier érige rapidement d’énormes barrières à l'entrée. 

Le cas d’Apple est un bon exemple. Avec les lancements successifs des IPod, IPhone et IPad, Apple a transformé l'univers des communications intégrées sur support multimédia portable. La distribution de ses produits s'est faite tant à travers son réseau mondial de boutiques, de revendeurs à valeur ajoutée, que par son service de boutique en ligne sous forme virtuelle (e-commerce). Ces outils ont donné lieu à un nouveau marché, connu sous le nom de m-commerce, soit des achats en ligne faits à partir d'appareils portables. Ce qui permet l'acquisition de droits pour des chansons, des applications, des jeux ou autres, des films, etc.

À défaut d'avoir une entreprise concurrente capable de proposer une offre équivalente de produits ou de services qui remet en question l’offre initiale proposée, le statut de pionnier prend alors tout son sens lorsque le client (utilisateur final) n’y voit aucune autre manière de combler son besoin. L'offre du pionnier devient ainsi imbattable. La réglementation, sous forme de norme ou de standard, peut aussi aider à obtenir et maintenir ce statut lorsqu’une industrie adopte ce produit ou qu'il confère au pionnier une reconnaissance renforçant sa position de leader. Ce fut le cas du téléphone portable Blackberry de Research In Motion (RIM) lorsqu’il fut adopté par les médecins en remplacement du beeper, par les courtiers en bourse et finalement par les journalistes.

Une fois aux commandes d'un marché donné, le pionnier prend tout l'espace que lui confèrent les clients tant et aussi longtemps qu'il parvient à livrer et à satisfaire les besoins de ceux-ci. Lorsque la direction n’a plus la même préoccupation initiale d’innover et de maintenir ses avantages stratégiques en améliorant sa technologie, c’est alors que surviennent les problèmes.

À tort ou à raison, plusieurs pionniers ont connu des sorts inattendus selon leur niveau d’avancement technologique, tactique, d'endettement ou de difficultés organisationnelles à effectuer un virage stratégique et culturel nécessaire à leur pérennité.

Voici une liste d’entreprises ou d’industries qui ont été exposées à ces risques et qui ont marqué l’histoire des affaires tant en Amérique du Nord qu’en Europe :

 

·                   Avro Canada : Face à la menace soviétique grandissante, Avro Canada avait conçu et développé au Canada l’avion de combat le plus rapide au monde : Le Arrow CF-105 volant à plus de deux fois la vitesse du son. Le gouvernement canadien aurait semble-t-il céder aux pressions du Pentagone et de sociétés américaines de l’aéronautique. Ceux-ci se sentaient menacés par un avion supérieur à ceux fabriqués aux États-Unis. Malgré une entente de partenariat pour la fabrication de pièces par des sociétés américaines, la Société Avro a fermé ses portes en 1959 suite à une annulation de ses contrats par le gouvernement canadien de l’époque. Plusieurs employés, ainsi mis à pied, ont été embauchés par la NASA alors en pleine conquête de l’espace. Voir dossier complet intitulé « Avro Arrow, le rêve brisé » sur www.radio-canada.ca.

·                   Industrie de la montre suisse et la crise de 1975 à 1985 : Suite à l'apparition de la montre japonaise au quartz qui a inondé le marché mondial, aucun des chefs d’entreprises de fabrication de montres suisses n’a cru en une telle innovation, et ce malgré une production de masse de qualité. Swatch a su tirer son épingle du jeu en proposant un produit à prix abordable, esthétiquement attirant pour les consommateurs. Rolex a poursuivi sa production à la pièce pour se positionner éventuellement comme le leader mondial de la montre suisse de luxe. Les autres sociétés de l’industrie n’ont eu d’autre choix que de s’adapter. Voir article publié le 19 janvier 2011 sur www.letemps.ch intitulé « La crise horlogère suisse de 1975-1985 revue et corrigée ».

·                   Nortel (société canadienne autrefois appelée Northern Telecom: Nortel a été incapable de faire face à ses obligations financières. Sa culture monopolistique et l’absence de concurrence ont anesthésié progressivement toute l’entreprise et ses dirigeants. L’apparition de la téléphonie mobile et l’ouverture du marché à des nouveaux joueurs ont soudainement tout changé. Conséquences : obligation de liquider des actifs et de vendre ses brevets à l’été 2011, principalement en téléphonie mobile, pour plusieurs milliards de dollars à un consortium formé des géants actuels du web et de la téléphonie mobile. Lire l’article « Nortel conclut la vente de ses brevets ».

·                   Eastman Kodak : Ayant procuré des moments inoubliables à ses utilisateurs, Kodak a pourtant créé en 1975 la photo numérique. Par peur de cannibaliser ses ventes, elle a négligé d'effectuer le virage nécessaire vers les technologies numériques, d’autant plus que ses dirigeants n’y croyaient pas vraiment. Conséquences : dépôt de bilan en janvier 2012. Solution envisagée : vendre 1 000 brevets pour une somme estimée à 3 milliards $ USD. Lire l’article « Kodak : la chute annoncée d’un géant ».

·                   RIM (Research In Motion) : Le titre en bourse de RIM est en chute libre depuis près de dix-huit mois, surtout depuis l’arrivée du IPhone 3G, donnant accès au web sans restriction. La menace de boycott du Blackberry par certains pays du Moyen-Orient, à cause de son système d'encryptage hyper-sécurisé, n’a pas aidé à rassurer les utilisateurs. Le co-fondateur de l’entreprise, Jim Balsillie, a remis sa démission le 29 mars 2012.

OPPORTUNITÉS POUR LES PME
La faute est-elle due à un excès de confiance, qui se traduit par un manque de vigilance, ou par une complaisance à dénaturer toute compétitivité nécessaire pour se remettre parfois en question et à mieux se redéfinir ? 

D’autres se demanderont si le néo-libéralisme de Milton Friedman en est la cause ?

Pour ma part, je crois que l’innovation, jumelée aux progrès technologiques, est le pire ennemi pour les sociétés qui se croient en position de leader, surtout pour celles qui sont considérés comme des pionniers de leur industrie. D’où une opportunité pour les PME, notamment du Québec, et celles d’ailleurs de jouer un rôle déterminant en commercialisant leurs innovations auprès de grandes sociétés qui peinent à innover pour les raisons évoquées précédemment ou encore dont les coûts de R&D sont devenus excessifs.

Un contexte d’opportunité d’autant plus présent que nous constatons, depuis peu, que des laboratoires de recherche ferment leurs portes pour s’installer dans d’autres pays, ou encore pour consolider leurs activités de R&D.

Fait à Québec le 15 avril 2012.


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