Chronique "Affaires et Éthique"
Éthique de l'action humanitaire
2005-10-08


Par Gérard Verna
Chroniqueur
, Université Laval
professeur de management international

Site web : www.fsa.ulaval.ca/personnel/vernag
(avec la collaboration de Luc Verna[1])

Le Bureau canadien de l'éducation internationale va souligner le cheminement singulier du professeur Gérard Verna )

Cette nouvelle chronique vise à poser quelques questions, soulever quelques interrogations sur les limites éthiques qui sont souvent atteintes et parfois dépassées dans l'action humanitaire, tant il est vrai que "l'enfer puisse être pavé de bonnes intentions". Elle ne peut évidemment pas être complète car l'extrême variété des situations rencontrées, leur fréquente complexité et la diversité des solutions imaginées par des hommes et des femmes qui n'ont en commun que leur seule bonne volonté génèrent de nouveaux problèmes plus vite qu'on ne peut les décrire et encore moins leur proposer des solutions.

Nous sommes donc partis, après une brève présentation des acteurs et des principes en jeu, d'un ensemble de constatations faites dans deux endroits du monde suffisamment difficiles pour que l'on y rencontre matière à débat : la République serbe de Bosnie et l'Afghanistan. Nous verrons, en deuxième partie, comment organiser des faits pour en tirer quelques idées - ou questions - générales.


LA THÉORIE
La présentation des acteurs sera assez rapide. Rappelons sommairement qu'il s'agit là d'un jeu à quatre partenaires, enfin presque, car le quatrième, qui est la population que l'on vient aider, est très rarement partie prenante des débats. Il reste donc surtout trois groupes, ayant chacun des cultures, des objectifs, des intérêts, des règles de fonctionnement, voire même des lois, complètement différents quand ils ne sont pas opposés.

  • Les bailleurs de fonds financent des projets conformes à leur plan global d'intervention définis dans la partie humanitaire des politiques générales des États qui les soutiennent. (Ils sont gérés par des fonctionnaires et des technocrates dont les critères de succès sont "bureaucratiques" au sens noble du terme, c'est-à-dire conforme aux règles générales et aux rythmes de fonctionnement des administrations dont ils dépendent, en particulier dans le domaine budgétaire.)
  • Les ONG recherchent d’abord des fonds pour subsister et pour, ensuite, continuer à mener des actions conformes à leur mission et leur culture.
  • Quant aux autorités locales, conscientes des bénéfices qu’elles peuvent retirer de cette aide étrangère, elles cherchent à en maximiser le profit, en principe dans le seul intérêt des populations. En principe…

Tout cela se déroule le plus souvent sur des terrains difficiles, dans des environnements hostiles, en faveur de populations souvent traumatisées, toujours démunies[2]. Et il apparaît fréquemment que se pose la problématique "légalité-légitimité" que nous avons présentée dans une rubrique précédente (http://www.commercemonde.com/040/chroniques/c030.html)


LA PRATIQUE: CONSTATS SUR LE TERRAIN
Les trois groupes d’acteurs principaux : bailleurs de fonds, ONG et autorités locales, sont chacun à l’origine de situations discutables dues le plus souvent à la difficulté de choisir entre le légale et le légitime, ou à la difficulté de faire accepter ses choix par les autres acteurs. Mais nous verrons aussi apparaître certains comportements purement et simplement condamnables et nous nous poserons la question de savoir si certains aspects de l’action humanitaire peuvent les expliquer, voire les faire comprendre.

Les errements imputables aux bailleurs de fonds
Ces errements sont essentiellement de trois types : les lourdeurs bureaucratiques, les rigidités technocratiques et le fait de l'incompétence. Car les bailleurs de fond sont avant tout des administrations, situées le plus souvent dans des pays développés. Les personnes qui y travaillent sont là, dans leur immense majorité, pour gagner leur vie, faire une carrière et tirer le maximum d’avantages possibles de leur fonction, ce qui est d’ailleurs légitime. Rares sont celles qui se sentent personnellement concernées par la finalité de leur action, sinon aux échelons hiérarchiques supérieurs, et elles travailleraient de la même façon dans la grande distribution, les assurances ou la production manufacturière si on leur faisait des offres intéressantes. Il ne faut donc pas être surpris que chacun travaille à sa cadence et se soucie de faire correctement son travail, c’est-à-dire de ne pas avoir d’ennuis…

Les lourdeurs bureaucratiques  : La conséquence la plus fréquente est l’incapacité des bailleurs de fonds à répondre dans des délais raisonnables aux demandes de financement de projets d'urgence, entraînant des retards dans l'exécution des programmes qui peuvent avoir de lourdes conséquences tant sur le plan de la qualité des programmes mêmes que sur la réaction des populations ciblées. Les bénéfices peuvent en être grandement diminués ou la situation de crise en être augmentée. Ce fut le cas du programme de "Food for work" dans le Hazarajat (Afghanistan, 2000). Une ONG dépose au début du printemps, auprès de l’organisation européenne ECHO, une demande de financement pour un programme de distribution de 2500 tonnes métriques de blé en échange de travaux d'intérêt collectif. La demande de financement précise clairement que les travaux devront commencer au plus tard à la mi juin pour qu’ils puissent être terminés avant les grands froids. Le contrat ne sera signé par ECHO que fin juillet, qui plus est accompagné de conditions nouvelles entraînant des délais supplémentaires.

Pour des raisons bureaucratiques qui limitent l’action des décideurs et leur impose de pouvoir justifier chaque décision, les ONG subissent aussi de la part des bailleurs de fonds ou des agences onusiennes des contraintes définies sur la base de données statistiques ou de critères politiques sans tenir compte de certaines particularités locales. Des classements un peu rapides et trop définitifs peuvent cataloguer comme « bons » ou comme « mauvais » des groupes sociaux sans se soucier du fait qu’il peut y avoir des victimes de part et d’autres tout comme des profiteurs aussi. (Nombreux exemples au Rwanda ou en Bosnie.)

On peut enfin évoquer certains programmes définis et mis en œuvre en fonction des politiques générales du bailleur, mais sans réelle consultation des autorités locales ni des populations bénéficiaires et pouvant avoir des contre-effets économiques, sociaux ou environnementaux. Ceci peut concerner, par exemple, certains programmes visant la promotion des femmes ou certaines clauses relatives à la promotion des femmes dans des programmes plus généraux.

Les rigidités technocratiques : Il arrive que certains programmes soient mis en œuvre à distance par des agences gouvernementales ou internationales sans véritable préparation ni enquête d'impact honnête à cause de l'obligation de résultat. Ainsi, dans la zone Panjsheer - Shamali (Afghanistan, 2000), le Plan Alimentaire Mondial (PAM) décide de faire une distribution alimentaire destinée à soutenir la partie la plus vulnérable de la population. Ce projet est supervisé par un de ses expatriés soucieux de quitter la région avant la supposée prochaine reprise des combats entre les Talebs et l'Alliance du Commandant Massoud. L'identification des bénéficiaires, faite en un temps record, laisse tout le monde sceptique quant à la fiabilité de la méthode utilisée. Aucune enquête d'impact ultérieure ne sera faite non plus pour vérifier que les objectifs ont été atteints. L'expatrié en charge du programme sera rapatrié à Kaboul par le CICR longtemps avant la reprise des combats.

Le financement de certains programmes peut être refusé par les bailleurs de fonds sur la base de critères politiques, sans tenir compte de la situation humanitaire de la population ciblée. À Srebrenica (Bosnie, 1997), ville martyre et en grande partie détruite, la population musulmane a été remplacée par les réfugiés serbes fuyant les zones tombées sous contrôle musulman. Ces gens vivent dans des conditions telles que dans n'importe quelle autre ville, telle que Gorazde par exemple, déclarée zone de sécurité pour les populations musulmanes en 1993, l'aide aurait été déversée sans mesure. Mais les bailleurs de fonds et les agences de l'ONU se sont comportés comme s’il n'y avait pas eu urgence pour la population de Srebrenica qui n'avait pourtant pas grand chose à manger. Toutes les demandes de financement de projets humanitaires dans la ville ont été rejetées et le PAM est même allé jusqu'à envisager de réduire sa contribution, qui ne couvrait pourtant pas les besoins du moment, sur la base de critères statistiques appliqués à l'échelle du pays et démontrant que la situation était globalement bonne.

Il faut enfin souligner la fréquente incapacité des cellules de coordination mises en place par les délégations de l’ONU à établir une organisation concertée des prises de décision et de la répartition des zones d'activité entre les différentes ONG travaillant dans une même région. Il en résulte souvent une mauvaise répartition de l'aide humanitaire sur un territoire donné.


Le fait de l'incompétence: L’application la plus frappante réside certainement dans le gaspillage des budgets d'agences internationales et onusiennes en frais de fonctionnement et du fait de la multiplication des intermédiaires inutiles entre les bailleurs de fonds et les ONG. Ainsi, en Bosnie (1996–1997) une part importante de l'aide humanitaire apportée après les Accords de Dayton était affectée à des programmes de réhabilitation de maisons, de dispensaires, d’écoles … Le Haut Commissariat aux Réfugiés, qui était financé par l’organisme européen ECHO pour participer à ce type de programme, a financé une agence appelée IMG (International Management Group) pour réaliser en directs des projets de réhabilitation. Incapable de la moindre réalisation, IMG s'est rapidement transformée en un intermédiaire obligatoire et dépensier entre les ONG et le HCR pour l'obtention de budgets. À part cela, IMG fournissait une base de données, rarement à jour, récapitulant les projets de réhabilitation réalisés ou en cours, ainsi que des besoins identifiés.

On constate aussi de nombreux gaspillages de fonds internationaux attribués pour la mise en œuvre de programmes humanitaires à des agences internationales ou des ONG ayant des moyens logistiques insuffisant ou, plus généralement, mal utilisés. Exemple en Afghanistan (2000) : L'UNICEF et l'OMS coopèrent dans le cadre de programmes de vaccination en zone rurale. Étant donné leur manque de capacité opérationnelle, ces deux agences font appel aux ONG pour "sous-traiter" certaines parties de leurs programmes, en particulier dans le Hazarajat. Mais collaborer avec deux agences est synonyme de multiples complications: retards de salaire - allant jusqu'à un an - pour les vaccinateurs (qui gagnent l’énorme somme de 24 $US par mois !), incapacité de livrer le matériel minimum pour assurer la chaîne du froid entraînant régulièrement des pertes de vaccins, transport des vaccins et du matériel de vaccination dans des minibus loués par le personnel local pendant que les expatriés gardent les véhicules tout terrain 4X4 pour se déplacer dans Kaboul … De plus, lorsqu'un représentant de l'UNICEF ou l'OMS vient en visite sur le terrain - ce qui n'est pas si fréquent - c'est en général pour modifier l'organisation du programme sans toujours en discuter au préalable avec les responsables de l’ONG sous-traitante qui se retrouve devant le fait accompli et n'a plus qu'à gérer la situation.


Les errements imputables aux ONG
On retrouvera dans cette partie les problèmes découlant du comportement individuel de certains expatriés sur le terrain, mais aussi de certains comportements organisationnels fort discutables des ONG en général, ainsi que de leur éventuelle incompétence.

Le comportement du personnel : Alors même que l’immense majorité des expatriés de l’humanitaire est constituée de volontaires fortement engagés par leur convictions et se caractérisant généralement par une très forte conscience sociale, il subsiste malheureusement une minorité d'entre eux qui semblent parfois perdre de vue la finalité de leur action et céder à certains vertiges. Il est vrai que le caractère dramatique de certaines situations peut ébranler beaucoup de monde, mais la générosité n’excuse pas tout.

En tous cas, elle n’excuse pas certains comportements irresponsables ou irrespectueux des expatriés ou de leurs équipes vis à vis des institutions locales et des autorités civiles, militaires ou traditionnelles. Ceci peut en effet avoir un impact sur les programmes et, donc, sur les populations bénéficiaires. Ainsi, en Afghanistan, à l’automne 2000: une ONG italienne, jusque-là implantée uniquement dans le Panjsheer où elle travaille dans la chirurgie de guerre, décide d'ouvrir une clinique généraliste à Kabul. Le ministère de la santé publique, déjà réputé pour ses ingérences dans les programmes humanitaires, est mis devant le fait accompli. Il réagit brutalement et cela entraîne des brimades et des contraintes supplémentaires pour l'ensemble des ONG impliquées dans des activités médicales ou paramédicales qui ont déjà beaucoup de mal à assurer le bon fonctionnement de leurs centres.

Il existe également des risques liés aux fonctions des employés locaux: Certains d’entre eux, du fait des responsabilités qui leurs sont confiées et du contexte dans le lequel ils travaillent, peuvent être placés en situation de conflit avec les autorités ou la population locales. Dans une clinique du Hazarajat (district de Panjab, Afghanistan, été 2000), un docteur est accusé par les autorités locales d'avoir eu des "attouchements" avec plusieurs patientes, ce qui est un crime particulièrement grave dans ce pays. Ce docteur, qui avait pour instructions de son ONG d’éviter absolument toute prise de position politique a, malgré toutes les pressions exercées par les autorités locales, refusé plusieurs fois de faire un faux témoignage sur l'origine de blessures faites à des personnes proche du gouverneur local. Celui-ci a réagi à sa façon et de nombreuses personnes - qui sont venues s'excuser par la suite - ont alors été contraintes de signer de fausses déclarations mettant en cause le comportement de ce docteur. Après plusieurs semaines de négociations avec les plus hautes autorités de la région avec en toile de fond le risque de voir le docteur exécuté, celui-ci a finalement pu être évacué sur Kabul. La clinique a cessé ses activités durant plus d'un mois et un an de formation et de confiance ont été balayés par le caprice de ce gouverneur.

Il y a enfin, en ce qui concerne les personnes, les conséquences de l’écart cultutrel existant entre certaines habitudes occidentales et la réalité du contexte humanitaire. Les ONG et les organisations internationales adoptent en général les règles locales, légales ou traditionnelles, pour l’organisation du travail. Les horaires et les conditions de travail imposés aux personnels locaux ou à certains de leurs bénéficiaires par des ONG, sont donc souvent très loin de ce qui serait tolérable selon nos critères occidentaux. Par exemple, dans le cadre de programmes d'aide d'urgence dits "food for work" ou "cash for work" mis en place par de nombreuses ONG dans le Hazarajat, (Afghanistan, 1999–2000) les bénéficiaires employés sur des chantiers d'utilité publique ont dû faire un travail manuel particulièrement éprouvant (nivelage de la route, dépierrage, portage de pierre, construction de divers ouvrages en pierres…). Ces travaux, contrepartie obligatoire au versement d'un salaire, sont peut-être "normaux" pour des gens habitués à souffrir, mais choquent profondément les occidentaux venus visiter les chantiers, malgré les mesures prises pour éviter le travail des enfants de moins de 16 ans et des hommes de plus de 60 ans.

Cependant, il ne faut pas perdre de vue que les bénéficiaires de ces programmes sont régulièrement amenés à faire le même type travail à la demande des autorités locales, mais cette fois sans aucune contrepartie.

Des ONG en délicatesses avec la loi et l’ordre : Combien de fois des effets pervers, possibles ou avérés, ont-ils été occultés lors de la préparation ou du lancement de programmes ou lors de leur renouvellement par des ONG ?

Quelle est l’ONG qui n’a pas, un jour ou l’autre, été tentée de changer ses devises fortes en devises locales au marché noir pour obtenir de meilleurs taux ?

Combien de fois aura-t-on maquillé des résultats d'enquêtes d'impact pour assurer la continuité du financement de certaines ONG ou agences internationales ?

Combien de fois aura-t-on vu des équipes locales non contrôlées procéder de bizarre manière?

En Afghanistan, certaines ONG ayant pour politique de "nationaliser" autant que possible les postes à responsabilité en deviennent incapables de contrôler efficacement le travail de ces équipes locales. Celles-ci, pratiquement livrées à elles-mêmes face aux autorités et à la population, dans un contexte culturel où rendre service à la famille et aux amis est une obligation morale et sociale absolue, sont absolument incapables de faire une sélection des bénéficiaires et des projets de façon non discriminatoire.

Combien de fois aura-t-on vu des ONG importer du matériel sous couvert d'organisations internationales comme le PAM ou l’UNICEF pour bénéficier de leur exonération des diverses taxes liées au transport comme celles qu’impose par exemple le gouvernement pakistanais pour les médicaments à destination de l'Afghanistan qui doivent transiter obligatoirement par le Pakistan. Certes, les ONG se défendent en disant que leur argent est mieux employé directement sur le terrain. Mais n’aurait-il pas été possible et plus simple d’intégrer ces dépenses dans les budgets lors des demandes de financements plutôt que de tenter ensuite de contourner la loi pour y échapper ?

Certaines ONG achètent du matériel volé au marché noir et stimulent ainsi le vol et les attaques. De nombreuses ONG d’Afghanistan se fournissent en matériel de communication ou autres au Pakistan dans la "zone tribale", zone hors contrôle des autorités pakistanaises à la frontière pakistano-afghane. Tout le matériel vendu dans cette zone a été volé, généralement à d’autres ONG, parfois même à l’organisation qui vient racheter ce qu’il lui faut.

Il faut enfin parler de la précarité de l'emploi des personnels locaux, bien que de plus en plus d'organisations internationales et ONG s'imposent des règlements intérieurs drastiques afin de limiter les abus de la part des expatriés ou d’assurer simplement des conditions décentes de licenciement. En Afghanistan, le Hazarajat est une région où il n'est possible de travailler que sept à huit mois par an, les conditions climatiques interdisant l'accès à la zone le reste de l'année. Durant la période d'inactivité, les ONG obtiennent généralement peu de budget pour assurer le paiement des salaires et sont, la plupart du temps, contraintes de licencier une grande partie de leurs équipes locales jusqu'au printemps suivant. Outre l’aspect humain fort difficile, ceci relève d’une certaine incompétence de gestion en augmentant le risque de ne pas retrouver le personnel déjà formé et de devoir investir dans la formation de nouveaux embauchés. La plupart des ONG sont simplement incapables d’assurer le paiement des salaires sur fonds propres pendant ces périodes de transition.


Les ONG incompétentes : Il n’est pas scandaleux d’affirmer que les ONG sont parfois incompétentes, tant il est vrai qu’à s’autoproclamer « sauveur du monde » on risque souvent d’avoir bien du mal à tenir ensuite tous ses engagements.  Il est bien plus scandaleux de laisser croire que tout va bien et que ces organisations parfois montées de bric et de broc sont capables d’affronter toutes les situations et de régler tous les problèmes, permettant ainsi à bien des gens de cultiver leur bonne conscience. L’incompétence des ONG se traduit souvent dans les effets pervers de leur action, par un développement durable qui dure peu, par une difficile cohabitation avec le contexte local et par la grande difficulté de rester neutre.

a) Les effets pervers de l’action des ONG sont des effets que personne ne souhaitait, mais qui sont cependant souvent les conséquences qui auraient pu être évitées de décisions mal mûries. Il en va ainsi de la déstabilisation du marché alimentaire local du fait du "pillage" des réserves locales par les ONG qui veulent les redistribuer aux catégories les plus défavorisées. Le cas s’est produit lors de l’ouverture de plusieurs centres nutritionnels supplémentaires – ou centres nutritionnels thérapeutiques dans la zone Panjsheer - Shamali (Afghanistan, printemps 2000). Ces centres étaient destinés à apporter un soutien nutritionnel aux catégories identifiées comme étant à risque soit surtout les jeunes enfants et les femmes enceintes. Le complément nutritionnel à base de farine de maïs et de soja, de sucre et d'huile végétale devait être livré par le Plan Alimentaire Mondial. Après une première livraison de 12 tonnes, le PAM ne fut plus en mesure de poursuivre l'approvisionnement et les produits importés durent être remplacés par d'autres, achetés localement (haricots rouges, riz, huile végétale, lentilles …).

À la même période, les commandants de Massoud achetaient tout ce qui était disponible comme produits de base sur le marché local, en prévision de la reprise des combats avec les Talebs, créant ainsi un début de pénurie et de flambée des prix. L'essentiel des produits destinés au programme nutritionnel purent finalement être acheminés à grands frais à travers la ligne de front depuis d'autres régions mais certains durent être achetés sur place pour ne pas interrompre le programme, aggravant ainsi potentiellement la situation économique constatée par le biais d'enquêtes régulières sur les stocks alimentaires et les prix.

Il arrive aussi que les ONG changent d'importantes sommes d’argent et déstabilisent considérablement la monnaie locale, ou en épuisent les disponibilités souvent limitées dans les zones reculées. Dans la plaine de la Shamali (Afghanistan, 2000), zone de combats entre les force Talebs et l'Alliance de Massoud, les flux de devises, essentiellement des $US, sont particulièrement faibles du fait de l'enclavement de la région et les disponibilités des changeurs sont relativement peu importantes. Les quelques organisations humanitaires présentes sont obligées de changer leurs devises sur place. Elles ont de très lourdes charges par rapport au niveau local d’activité et il n'est pas rare que leurs achats provoquent d'importantes fluctuations du taux de change et une pénurie de monnaie locale durant plusieurs jours.

L’arrivée d’une ONG peut entraîner une déstabilisation du marché local, alimentaire, immobilier ou autre, du fait de sa demande soudaine et relativement importante. Dans la zone Panjsheer – Shamali (Afghanistan, 2000), les quelques organismes humanitaires présents ont eu largement tendance à accepter des prix d'achat et de location sans négocier, ou trop peu sous prétexte que ces prix n’étaient initialement pas très élevés. Les commerçants locaux ont rapidement vu le parti qu'ils pouvaient en tirer et les prix ont flambé de façon extravagante. Il est ainsi devenu difficile de trouver dans certains villages de quelques centaines de familles une maison de cinq pièces à louer pour moins de 200, voire 300 $US par mois alors qu’on considère dans cette région que 80 ou 100 $ représentent déjà un très bon salaire mensuel.

La réalisation de programmes de développement rural ou urbain peut avoir un impact potentiellement négatif à terme sur les ressources naturelles locales. Dans le Hazarajat (Afghanistan, 2000), région montagneuse du centre du pays touchée plusieurs années consécutives par la sécheresse, de nombreuses organisations humanitaires travaillent dans le cadre de programmes de "sécurité alimentaire". Le but de ces programmes est double: d'une part, assurer la survie à court terme des populations à risque, c'est-à-dire leur permettre de passer l'hiver, et d'autre part, améliorer certaines infrastructures de façon à limiter les effets de la sécheresse. Pour cela, les bénéficiaires sont employés dans le cadre de travaux d'intérêt collectif et rémunérés en blé, base alimentaire des populations rurales en Afghanistan. La majeure partie de ces travaux d'intérêt collectif consistait à augmenter la quantité d'eau captée, soit depuis les rivières, soit dans des sources naturelles dites "Karezes". Dans l'urgence de la situation, aucune organisation humanitaire n'a pris la peine de réaliser une étude d'impact à long terme de l’augmentation du débit d'eau captée. Va-t-on créer une sécheresse définitive ?

Les distributions alimentaires trop massives ou mal ciblées peuvent mettre en difficulté des petits producteurs et commerçants locaux. Toujours dans la région du Hazarajat, durant la période allant de juin à décembre 2000, plusieurs dizaines de milliers de tonnes de blé ont été distribuées par les ONG. De telles quantités dans une région aussi enclavée font considérablement chuter le cours du blé, qui est l'aliment de base. Dans certains districts, l'effet a été positif puisque le début de pénurie due à la sécheresse avait fait monter les prix prématurément comparé à une année normale. Mais dans d'autres zones, cet afflux a plus ou moins affecté les commerçants et les transporteurs mais aussi et surtout les producteurs.

b) Un développement durable qui dure peu : Certains programmes de développement "durable" nécessitent des matériaux introuvables ou de l’outillage non disponible ou non réparable sur place: il n’y aura donc pas de continuité d’action après le départ de l'organisation. Ainsi, en Afghanistan (1999–2000), dans le cadre des programmes "food for work" et "cash for work" mis en place dans le Hazarajat par des ONG, de nombreux ouvrages devant assurer la protection des routes et des terres cultivables ont été construits avec du béton et des gabions. Les populations qui ont bénéficié de ces programmes étant particulièrement pauvres, il ne leur sera jamais possible de construire d’autres ouvrages de ce type, ni même d'assurer l'entretien de ceux qui ont été réalisés.

D’autres programmes de développement "durable" mettent en œuvre des matériaux et de l’outillage ou des équipements effectivement disponibles localement mais de mauvaise qualité ou inefficaces. Toujours en Hazarajat, pour pallier l’inconvénient précédent, d’autres ONG ont eu pour politique de n'employer que des matériaux et des techniques locales pour la protection des terres cultivables (murs de protection en pierres sèches avec un simple cadre constitué d’un assemblage de poutres de bois). Ces procédés se sont avérés parfaitement inefficaces contre les crues moyennes ou fortes. La protection des terres cultivables, partie fondamentale du mandat des ONG dans ce type de programme, n’est donc pas assurée.

Il peut également arriver que des programmes ponctuels d'ONG ou d'entreprises modifient des habitudes d'hygiène et d'alimentation des populations bénéficiaires, sans continuité garantie pour les bénéficiaires au terme de ces programmes (exemple des bébés qui refusent le lait maternel après s’être habitués au lait en poudre).

Des ONG se lancent parfois dans des programmes lourds sans avoir la capacité de réaction nécessaire en terme de logistique, de ressources humaines ou de trésorerie. Dans la vallée du Panjsheer (Afghanistan, 2000), une ONG a obtenu un budget de l'Union européenne (ECHO) pour assurer de meilleures conditions de vie aux populations déplacées ayant fui les zones de combat dans la plaine de la Shamali. Du fait de problèmes importants de trésorerie, l'ONG a été incapable de payer ses fournisseurs locaux et ses ouvriers avant plusieurs mois, provoquant même des manifestations. En 1997, l'ONG française ÉquiLibre, très impliquée en Bosnie pendant et après la guerre, souffrait de graves problèmes de gestion et se trouvait très endettée. Ayant obtenu d'importants budgets pour réaliser des projets de réhabilitation d'écoles et d'habitations, la mission Bosnie a signé de nombreux contrats avec des entreprises locales du bâtiment et a lancé les travaux. Les sommes versées par ECHO au siège lyonnais de l'association ne sont jamais arrivées sur le terrain, ayant servi presque exclusivement à payer des arriérés de salaires et des dettes en France. Mise en redressement judiciaire, l'ONG a finalement déposé le bilan, entraînant avec elle plusieurs entreprises sous-traitantes bosniaques et laissant derrière elle plusieurs centaines de milliers de deutsche marks de dettes en Bosnie.

c) La difficile cohabitation avec le contexte local : La coopération avec les autorités locales civiles ou traditionnelles pour la mise en œuvre de certains programmes n’est pas toujours aisée. Il arrive souvent que pour des programmes de distribution de vivres, par exemple, il soit impossible de maîtriser l'accès aux bénéficiaires. Dans la région du Hazarajat (Afghanistan, 1999), une ONG faisant de la distribution "gratuite" de blé (c’est-à-dire sans contrepartie en travail) dans le district de Shahrestan a décidé d'intégrer à sa liste de bénéficiaires les instituteurs, peu ou pas payés par les autorités. Cette ONG n'ayant pas le temps de s'occuper de cette nouvelle partie de la distribution à cause de l’aggravation des conditions climatiques, les autorités locales en furent chargées. Celles-ci déclarèrent ensuite que tout avait été distribué. Mais selon des sources appartenant à la population secourue, les instituteurs ont reçu peu de blé, voire pas du tout.

Il en va de même pour la réalisation de programmes placés sous la direction d'équipes autonomes composées de personnel local, sans réel contrôle d'une équipe expatriée. Celles-ci sont en effet soumises à de très fortes pressions sociales ou politiques qui rendent pratiquement inévitables les détournements ou les "services" rendus, et empêchent presque toujours l’atteinte des objectifs.

La primauté exacerbée des intérêts individuels au détriment des intérêts collectifs peut être une source de déstabilisation des structures sociales traditionnelles. Dans la région du Hazarajat (Afghanistan, 2000), où les conditions de vie sont extrêmement précaires, les communautés organisées par villages ou groupes de villages ont toujours agi de façon collective pour faire face aux contraintes naturelles. Ces communautés étaient autrefois "dirigées" ou guidées par des sages, généralement des hommes ayant fait le pèlerinage du hadj et étant reconnus pour leur implication dans la communauté. Ces « sages » ont progressivement perdu leur crédit et leur représentativité à force de se soucier ouvertement de leurs intérêts privés plutôt que des intérêts communautaires. Le résultat de cette évolution se voit clairement à travers les infrastructures collectives plus ou moins abandonnées ou peu entretenues telles que les canaux d'irrigation dans un pays qui affronte la sécheresse. Aujourd'hui, lorsque l'on veut mettre en place un programme humanitaire dans cette région, il est clair que l'on ne peut plus compter sur leur intégrité et la population n'a que rarement recours à eux pour présenter ses requêtes ou faire valoir ses droits.

Le fait de réaliser des programmes dans le cadre desquels les habitants de la région sont impliqués individuellement et non collectivement renforce encore cette évolution en poussant les individus à défendre leurs intérêts particuliers au détriment du collectif. Il apparaît clairement dans les enquêtes d'impacts qu'un individu correspondant aux critères de sélection des bénéficiaires, mais qui aurait été "oublié", ne recevra pas ou peu de soutien de la part des autres bénéficiaires.

Certaines agences s’avèrent incapables d’endiguer les phénomènes de corruption dans le cadre de leurs programmes, essentiellement de distribution, au-delà d'une certaine taille. À Kaboul, le CICR a mis en place en 2000 un vaste programme de distribution alimentaire. L'ampleur de ce projet impose que sa gestion soit en grande partie déléguée aux équipes de personnel local, ce qui s'est fait sans réel contrôle expatrié. Lorsqu'un expatrié a finalement réalisé qu'une part importante de la nourriture distribuée n’allait pas à de vrais bénéficiaires mais était collectée par des groupes plus ou moins mafieux, il a tenté d'assainir la situation en modifiant les règles du programme. Après d'importantes manifestations de bénéficiaires, largement manipulés, devant les bureaux de l'organisation, l'expatrié a reçu des menaces plus ou moins directes qui l'on contraint à quitter le pays. Le statu quo ante a été rétabli.

Il peut être difficile de mettre en œuvre un programme dans un contexte de tension entre différentes communautés locales. Dans le cadre d'un programme de "food for work" dans le Hazarajat (Afghanistan, 2000), plusieurs villages, dont les habitants les plus vulnérables étaient des bénéficiaires, ont refusé de travailler ensemble, poussés par quelques individus extrémistes sous le prétexte qu'ils étaient en conflit et qu'il y aurait certainement des affrontements, voire des morts s'ils devaient travailler ensemble. Certains préféraient même ne pas travailler du tout plutôt que d'avoir à collaborer. Il a donc fallu scinder les zones de travail et les équipes, compliquant encore d'avantage la supervision du travail.

La mafia locale est souvent incontournable si l'on veut atteindre ses objectifs dans les délais impartis sans dépassement de budget. Le PAM est un des principaux clients des transporteurs en Afghanistan du fait des milliers de tonnes de nourriture, essentiellement du blé, qu'il importe dans le cadre des programmes de sécurité alimentaires mis en œuvre par les ONG et des distributions directes. Afin d'obtenir des tarifs acceptables dans des délais raisonnables, il est contraint de passer par une organisation à caractère mafieux qui centralise les compagnies de transport et dispatche le fret entre elles. En 1999, une ONG a tenté de conclure un contrat de transport au départ de Kaboul directement avec une compagnie de transport, en court-circuitant l'intermédiaire mafieux. Le transport n'a finalement pas eu lieu, le responsable de la compagnie ayant disparu, puis réapparu... mort!


La difficulté de rester neutre : Les prises de positions politiques par des ONG tournent toujours mal, ce qui confirme que cela n'est pas dans leurs attributions. Dans la vallée du Panjsheer (Afghanistan, 2000), une ONG affichant clairement son soutien inconditionnel à l'Alliance du Commandant Massoud, aussi bien sur place qu'en Europe, et allant jusqu'à utiliser les hélicoptères militaires de son « ami », met les autres ONG travaillant dans la région dans une position délicate. En effet, ce comportement empêche les autres ONG de prétendre rester neutre et d'afficher leur volonté de travailler équitablement des deux côtés de la ligne de front, car les autorités locales sont toujours mieux disposées à l'égard des organisations qui les soutiennent.

Le problème de la sélection des bénéficiaires, au sein d'un même groupe ou entre catégories différentes (Réfugiés / Locaux …) peut générer des tensions ou des affrontements. Dans le programme "food for work" déjà cité dans le Hazarajat, l'un des critères de sélection des bénéficiaires était la superficie de terres cultivables qu’ils détenaient, seuls les "sans-terres" et les petits propriétaires étant sélectionnés. Cela a parfois posé un problème dans la mesure où les propriétaires moyens, même s'ils étaient moins touchés par les effets de la sécheresse, s'estimaient en droit d'être sélectionnés comme bénéficiaires. Par ailleurs, les "sages" qui servaient parfois d'interface avec les populations ciblées s'attendaient également à recevoir une rétribution en nature pour les services rendus. L'impossibilité matérielle et morale d'accepter cela a parfois détérioré les relations entre les ONG et la population.


Le comportement des autorités locales
Des autorités locales qui ne disent pas que la vérité… : La mise en place de programmes peut se faire sur la base d'informations provenant des autorités locales, servant leurs intérêts personnels, militaires ou autres sans vérification approfondie de la part des donateurs. En 2000, l'agence du PAM, basée à Kaboul et dont les représentants ne se rendaient que rarement et brièvement dans la zone Panjsheer - Shamali, a mis en place un programme de distribution alimentaire basé sur des informations fournies par les autorités locales. Ces informations n’ont pas pu être vérifiées car cela aurait demandé des délais importants qui n'ont pas été consentis. La distribution des cartes de bénéficiaires a donc été faite suivant une liste établie à la va-vite et parfois avec complaisance pour certains bénéficiaires. À l'issue de cette distribution, le sentiment généralement partagé par la population était qu'il fallait être riche pour obtenir une carte de bénéficiaire…

Certaines situations d'urgence humanitaire sont carrément des mises en scène faites par les autorités locales pour forcer les ONG à accroître leur action dans une direction imposée, tout comme d’ailleurs la manipulation de résultats d'enquêtes. Dans la zone Panjsheer – Shamali (Afghanistan, 2000), Yunus Kanoony, un des porte-parole du commandant Massoud, était chargé des relations avec les ONG et avait créé un organisme local de contrôle des populations déplacées. Cet organisme, chargé entre autres de recenser les déplacés ("IDPs"), s'est toujours efforcé de présenter une situation d'urgence humanitaire en gonflant le nombre de IDPs, en exagérant la précarité de leur situation … au cours de réunions de coordination avec les ONG.

Des autorités locales qui manipulent : La contribution involontaire des ONG et agences internationales à la "fixation" de personnes déplacées ou réfugiées, sert les intérêts de certaines autorités locales et peut déstabiliser durablement l'économie et l'environnement locaux. Dans la zone Panjsheer - Shamali, ECHO a financé une ONG pour réaliser un programme de construction d'abris temporaires pour les populations déplacées. Ces abris ont été construits en pierre et si leur surface habitable était très réduite, ils étaient équipés de latrines, ce qui est rarement le cas des habitations locales. Ils présentaient ainsi toutes les caractéristiques de bâtiments permanents. De plus, les habitants de ces "abris" recevaient régulièrement de l'eau chlorée et de la nourriture, bien qu'en quantité réduite, ce qui n'était sans doute pas pour les pousser au départ. Par ailleurs, certains de ces abris étaient construits à proximité d'un bâtiment du commandement militaire de l'Alliance de Massoud bien que les bombardements aériens soient fréquents dans cette zone.

La contribution involontaire des ONG et agences internationales à la "fixation" de personnes déplacées ou réfugiées, sert les intérêts de certaines autorités locales et peut déstabiliser durablement l'économie et l'environnement locaux. Dans la zone Panjsheer - Shamali, ECHO a financé une ONG pour réaliser un programme de construction d'abris temporaires pour les populations déplacées. Ces abris ont été construits en pierre et si leur surface habitable était très réduite, ils étaient équipés de latrines, ce qui est rarement le cas des habitations locales. Ils présentaient ainsi toutes les caractéristiques de bâtiments permanents. De plus, les habitants de ces "abris" recevaient régulièrement de l'eau chlorée et de la nourriture, bien qu'en quantité réduite, ce qui n'était sans doute pas pour les pousser au départ. Par ailleurs, certains de ces abris étaient construits à proximité d'un bâtiment du commandement militaire de l'Alliance de Massoud bien que les bombardements aériens soient fréquents dans cette zone.

Des autorités locales qui profitent : Certaines agences procèdent à l’attribution de "services" à des personnalités locales impliquées politiquement ou militairement dans un conflit (tels que transport par avion, etc.). En 2000, l'antenne afghane du CICR fut financée par ECHO pour louer un avion de façon permanente afin de faciliter son travail et celui des autres ONG. Ces vols étaient supposés être réservés aux seuls expatriés et personnels locaux des ONG, mais il arriva régulièrement que des "diplomates" pakistanais, qui passaient pour être parfois des conseillers militaires, prennent ces vols. Il fut ensuite difficile de refuser aux autorités pakistanaises et afghanes ce qui avait déjà été accepté.

Certaines agences procèdent à l’attribution de "services" à des personnalités locales impliquées politiquement ou militairement dans un conflit (tels que transport par avion, etc.). En 2000, l'antenne afghane du CICR fut financée par ECHO pour louer un avion de façon permanente afin de faciliter son travail et celui des autres ONG. Ces vols étaient supposés être réservés aux seuls expatriés et personnels locaux des ONG, mais il arriva régulièrement que des "diplomates" pakistanais, qui passaient pour être parfois des conseillers militaires, prennent ces vols. Il fut ensuite difficile de refuser aux autorités pakistanaises et afghanes ce qui avait déjà été accepté.


BILAN POUR CONCLURE
Quel bilan tirer de tout ce qui précède, dont la liste pourrait être allongée sans rien prouver de plus ? Certainement pas un constat d’échec ! Certes, pour le bénévole pur et dur de l’action humanitaire qui s'engage en coopération comme on le faisait autrefois en religion, la déception doit être grande en constatant toutes ces imperfections, ces détournements, ces faiblesses. Mais de quoi s’agit-il d’autre que d’actions humaines, inévitablement imparfaites ? Quel bilan tirer de tout ce qui précède, dont la liste pourrait être allongée sans rien prouver de plus ? Certainement pas un constat d’échec ! Certes, pour le bénévole pur et dur de l’action humanitaire qui s'engage en coopération comme on le faisait autrefois en religion, la déception doit être grande en constatant toutes ces imperfections, ces détournements, ces faiblesses. Mais de quoi s’agit-il d’autre que d’actions humaines, inévitablement imparfaites ?

Certaines agences procèdent à l’attribution de "services" à des personnalités locales impliquées politiquement ou militairement dans un conflit (tels que transport par avion, etc.). En 2000, l'antenne afghane du CICR fut financée par ECHO pour louer un avion de façon permanente afin de faciliter son travail et celui des autres ONG. Ces vols étaient supposés être réservés aux seuls expatriés et personnels locaux des ONG, mais il arriva régulièrement que des "diplomates" pakistanais, qui passaient pour être parfois des conseillers militaires, prennent ces vols. Il fut ensuite difficile de refuser aux autorités pakistanaises et afghanes ce qui avait déjà été accepté.Certaines agences procèdent à l’attribution de "services" à des personnalités locales impliquées politiquement ou militairement dans un conflit (tels que transport par avion, etc.). En 2000, l'antenne afghane du CICR fut financée par ECHO pour louer un avion de façon permanente afin de faciliter son travail et celui des autres ONG. Ces vols étaient supposés être réservés aux seuls expatriés et personnels locaux des ONG, mais il arriva régulièrement que des "diplomates" pakistanais, qui passaient pour être parfois des conseillers militaires, prennent ces vols. Il fut ensuite difficile de refuser aux autorités pakistanaises et afghanes ce qui avait déjà été accepté.

On pourrait, bien sûr, renforcer les contrôles en augmentant une bureaucratie qui, d’ores et déjà, parce qu’elle s’exerce sans discernement et trop loin du terrain, est insupportable à la plupart de ceux et celles qui vivent au contact des populations et de leurs souffrances. Mais, même en le voulant, ce qu’à Dieu ne plaise, on ne le pourrait sans doute pas car les gens de terrains suffisamment professionnels et fiables sont rares et ils ont mieux à faire que d’en surveiller d’autres.

Il faut donc optimiser, entre contrôle et utilisation des rares ressources expatriées, d’autant plus rares que le terrain est difficile et donc les manquements à l’éthique probables de la part de personnes souvent abandonnées à elles-mêmes  avec des niveaux de responsabilité peut-être excessifs !

Il ne faut pas, non plus, négliger l’effet de contagion d’un environnement sur une ou des personnes. Nos jeunes volontaires sont à l’image de nos sociétés, toujours plus permissives, toujours plus près des droits et plus loin des devoirs. Ils sont à l’image de la société mais probablement de ce qu’elle produit de meilleur. Cependant cela ne suffit pas pour résister à la pression permanente et multiforme de centaines ou de milliers de personnes qui vont voir en eux la clé de la porte d’entrée dans un monde d’abondance ou, pour le moins, d’accès à quelques faveurs, maigres à nos yeux, mais représentant parfois d’incroyables privilèges pour elles.

Il faut avoir fréquenté de près l’extrême misère et vécu pendant un certain temps la constance de ces pressions, sollicitations, invitations, tentations, occasions, intimidations ou compromissions possibles, pour savoir ce qu’elles peuvent avoir d’usant, de déstabilisant et de troublant !Pour que nos jeunes coopérants fassent moins d’erreurs, il faudrait les faire travailler dans un monde meilleur, mais dans un monde meilleur il n’y aurait pas besoin d’eux !

 

Consciente à la fois de l’existence des problèmes évoqués ci-dessus et de la nécessité d’ouvrir de nouvelles avenues à notre jeunesse, la Faculté des Sciences de l’Administration, en parfait accord avec l’Université Laval, vient de lancer, en septembre 2005, le programme de « Développement international et action humanitaire » dans le cadre d’un Partenariat-Pédagogie-Action (PPA) avec une nouvelle OBNL : Managers Sans Frontières (http://www.mngsf.org).

Dans ce cadre, des étudiants en administration partiront 4 à 5 mois dans des environnements lointains et hostiles pour renforcer les capacités administratives des ONG partenaires et peut-être, ensuite, en faire un métier. Toutes les collaborations seront les bienvenues, en particulier de la part des entreprises qui souhaitent renforcer le volet humanitaire de leur implication sociale.


[1] Luc Verna, logisticien de l’action humanitaire, a travaillé dans de nombreuses zones difficiles (Afrique, Bosnie, Afghanistan, Tchéchénie, Mongolie, Zimbabwé …)
[2] Afghanistan : Espérance de vie : Femmes 45 ans, hommes 46 ans. PNB : U.S.$250 per capita. Bosnie : Espérance de vie  : Femmes 61 ans, hommes 51 ans, PNB : U.S.$600 per capita.

 
Fait à Québec le 8 octobre 2005.

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