Créer des solidarités
Le développement coopératif au Québec
2005-04-30

Par Gérard Perron

Au Québec, le développement coopératif est reconnu pour son dynamisme. À titre d’exemple, durant les 10 dernières années, le réseau des Coopératives de développement régional a appuyé le démarrage de 750 nouvelles coopératives qui ont permis la création ou le maintien de 10 000 emplois[1]. Puisque la province de Québec compte 7,5 millions de personnes au total, il est possible de conclure à l’excellente performance de la formule coopérative québécoise.

L’objectif de cet article est de présenter les différents acteurs qui participent au succès du modèle coopératif québécois, les structures qui les regroupent et les principes qui les animent. Vous serez à même de constater qu’au-delà de la mise en place de structures organisationnelles, la performance coopérative repose sur la volonté de créer des solidarités.

D’amblé, voici un bref portrait des coopératives québécoises (2003)[2] :

 

 

Total
des coopératives
Coopératives
non financières
Nombre de coopératives
3 248
2 601
Actif en $ CAN
18 $ milliards
8 $ milliards
Nombre d’emplois
77 700
37 080
Nombre de membres
7 318 400 (population totale au Québec en 2004
= 7 500 000)

Un survol des structures d’organisation 
Au Canada on compte deux regroupements nationaux : l’un pour les coopératives anglophones, le Canadian Co-operative Association et l’autre pour les francophones, le Conseil canadien de la coopération. Ce dernier regroupe huit conseils provinciaux, dont le Conseil de la coopération du Québec (CCQ). Pour sa part, le CCQ est composé de 13 fédérations sectorielles et de 11 coopératives de développement régional.

Les fédérations sectorielles sont un mode de regroupement bien connu. Elles regroupent les coopératives d’un même secteur d’activité afin de leur fournir des services et de les représenter. Voici quelques secteurs d’activités chapeautés par une fédération : agricole, alimentation, financier, forestier, funéraire, habitation, scolaire…

Les coopératives de développement régional (CDR) sont des regroupements moins connus. Elles sont la colonne vertébrale du développement coopératif québécois. Une coopérative de développement régional regroupe l’ensemble des coopératives d’une région, provenant de divers secteurs d’activités. Les CDR visent trois objectifs :
1er        Appuyer les promoteurs de projets menant à la création de nouvelles coopératives;
2ième    Regrouper les coopératives pour leur permettre d’échanger entre elles;
3ième    Représenter les coopératives auprès des principaux regroupements socioéconomiques.
 
Les cinq principaux acteurs du développement coopératif

Les coopératives de développement régional (CDR), qui sont mandatées par les coopératives de leur région et qui sont redevables à ces dernières. Onze coopératives de développement régional couvrent l’ensemble des 17 régions administratives. Nous y reviendrons ultérieurement.

Les fédérations sectorielles, qui interviennent souvent à partir d’une entente avec les coopératives de développement régional (CDR). Par exemple, une nouvelle coopérative d’alimentation bénéficie de l’expertise sectorielle de la fédération et de l’expérience en démarrage d’entreprises de la coopérative de développement régional. Il faut cependant noter que la moitié des nouvelles coopératives n’oeuvrent pas dans des secteurs où l’on retrouve une fédération.

Le gouvernement du Québec, par sa Direction des coopératives, est responsable de l’application de la loi et produit régulièrement des analyses sectorielles utiles aux développeurs. C’est aussi par cette direction que transite l’appui financier au développement coopératif.

L’autre acteur est lui aussi gouvernemental. Il s’agit d’une société d’État appelée Investissement Québec. Elle intervient au niveau du financement des coopératives, principalement en offrant des garanties de prêts aux institutions financières.

Le Conseil de la coopération du Québec, carrefour de tous les intervenants, joue un rôle de concertation et de représentation. De plus, il gère des ententes de partenariats entre le gouvernement québécois et le mouvement coopératif. Entre autres, il reçoit et répartit les sommes que le gouvernement investit dans le développement coopératif. Les ententes de partenariat découlent de la politique de développement des coopératives adoptée par le gouvernement en 2002.

Le financement d’une coopérative de développement régional

La coopérative de développement régional regroupe l’ensemble des coopératives d’une région. Mais comment finance-t-elle ses activités? Par des revenus provenant de trois sources. Premièrement, une rémunération aux résultats en création de coopératives et d’emplois. Deuxièmement, une aide financière à la concertation du milieu coopératif. Ces deux premières sources de revenus sont gouvernementales. La troisième est constituée des revenus autonomes de la coopérative provenant principalement des cotisations des membres et de la facturation de services, comme la formation, les conseils professionnels et l’organisation d’activités.

Il est intéressant de noter qu’un partenariat à long terme lie le mouvement coopératif et le gouvernement québécois. Ce dernier investit, de façon rentable, des argents dans le développement coopératif. De son côté, tout en se consolidant, le mouvement coopératif investit de l’énergie et de l’expertise dans la création d’emplois. La Direction des coopératives et le Conseil de la coopération du Québec travaillent en étroite collaboration pour l’amélioration des conditions de développement coopératif.

Les trois objectifs d’une CDR :
  • Appuyer le démarrage de nouvelles coopératives
Le principal objectif est d’appuyer les promoteurs de projets menant à la création de nouvelles coopératives. C’est l’essence de la mission d’une CDR. Les résultats sont impressionnants : dans les dix dernières années, les CDR ont appuyé la création de 750 nouvelles coopératives qui ont permis la création ou le maintien de 10 000 emplois. De plus, la plupart du temps, il s’agit d’emplois durables. Par exemple, les recherches de la Coopérative de développement régional Québec-Appalaches démontrent que 84% des coopératives qu’elle a appuyées étaient toujours en activité après cinq ans et que 76% d’entre elles l’étaient encore après 10 ans.
  • Regrouper les coopératives
La coopérative de développement régional constitue un carrefour pour les coopératives de sa région. Elle leur permet de se rencontrer et d’échanger. Les échanges peuvent porter sur la vie associative aussi bien que sur des questions financières ou commerciales. À titre d’exemple, la Coopérative de développement du Centre du Québec-Mauricie, qui regroupe 130 coopératives, organise annuellement plusieurs activités d’intercoopération. En 2004, 550 personnes participèrent aux activités suivantes : La Semaine de la relève coopérative, une conférence par un gestionnaire de coopérative, l’assemblée générale annuelle avec une conférencière du ministère du Développement économique, le tournoi de golf des coopératives, des colloques sur la capitalisation des coopératives et sur les nouvelles normes de comptabilité et le Gala du mérite coopératif.
  • Représenter les coopératives

Partout dans le monde les coopératives sont très engagées socialement. Les coopératives québécoises ne font pas exception à cette règle. Fortement impliquées dans le développement socioéconomique de leur région, elles veulent aussi être représentées sur les principales tables de décision. Les coopératives d’une région utilisent généralement leur coopérative de développement régional pour les représenter. Ce travail est considérable, mais il est généralement accompli par des coopératrices et coopérateurs bénévoles impliqués dans la CDR. Ces derniers siègent à plusieurs conseils d’administration. Par exemple, la Coopérative de développement régional Outaouais-Laurentide, qui couvre un territoire où habitent 756 000 personnes, compte des représentants du mouvement coopératif sur plus de 20 conseils d’administration et comités. Les 11 coopératives de développement régional regroupent 1100 coopératives sur l’ensemble du territoire québécois.

La contribution des coopératives au développement local et régional est de plus en plus un facteur déterminant dans la mise en œuvre des stratégies de développement économique et social sur l’ensemble du territoire. Des partenariats fructueux sont établis avec les Centres locaux de développement (CLD), les Conférences régionales des élus (CRE) et de nombreuses organisations municipales et communautaires ainsi que des institutions du secteur de la santé et de l’éducation.

L’élément essentiel du succès du modèle québécois
Le développement coopératif est fait par et pour les coopératives. Voici ce qui constitue l’essence du modèle québécois. En se réunissant sur une base régionale afin de contrôler leur développement, les coopératives se donnent la capacité d’orienter le développement coopératif selon deux priorités. Premièrement, le respect des principes coopératifs. Ainsi, les coopératives qui démarrent sont initiées aux valeurs et principes régissant internationalement les coopératives. Deuxièmement, la prise en compte des priorités locales et régionales. En effet, les coopérateurs qui contrôlent la coopérative de développement régional sont des représentants de coopératives ancrées dans leur milieu et ils connaissent les besoins de leur communauté.

Les coopératives de développement régional existent depuis une vingtaine d’années et leur succès se confirme avec le temps. Le directeur général de leur fédération, André Jalbert, affirme d’ailleurs : « Depuis six ans, la cadence s’est accélérée. Il se crée plus d’une centaine de nouvelles coopératives et 1000 emplois chaque année ».

Trois conditions qui facilitent le développement coopératif
  • Premièrement, une législation qui facilite et encadre le développement coopératif.
L’étroit partenariat entre le gouvernement québécois et le mouvement coopératif permet d’obtenir une législation qui se préoccupe à la fois de la facilitation et de l’encadrement. En ce sens, les arbitrages entre les tendances progressistes et conservatrices, présentes au sein des divers réseaux coopératifs, se font au Conseil de la coopération du Québec où chaque partie est représentée.
  • Deuxièmement, l’accès à l’appui financier et professionnel.
La fiscalité québécoise permet une certaine équité entre l’entreprise privée et l’entreprise coopérative. L’accès au capital de développement est aussi assez équitable entre les deux secteurs. Bien que certaines améliorations s’imposent, la vigilance du mouvement coopératif permet de maintenir cet équilibre. Par ailleurs, l’accès à l’appui professionnel est principalement assuré par les coopératives de développement régional. Des fédérations sectorielles, des réseaux d’organismes de développement économique, des bailleurs de fonds et des institutions financières sont également les partenaires des CDR pour compléter l’offre de services au démarrage de nouvelles coopératives.
  • Troisièmement, le réseautage

Les coopératives québécoises comptent sur deux réseaux d’appui. Le réseau sectoriel, constitué des fédérations, assure la présence de solidarités entre les coopératives qui partagent le même champ d’activités. À cet effet, nous avons mentionné au début de cet article qu’il existe 13 fédérations sectorielles au Québec. Une étude de la Direction des coopératives démontre que les coopératives membres d’un réseau coopératif bien structuré ont un taux de survie supérieur aux autres coopératives.

Les CDR constituent, pour leur part, le réseau intersectoriel. Cette solidarité régionale facilite le développement de nouvelles coopératives. Par exemple, le démarrage des coopératives de services à domicile a été appuyé et facilité par les coopératives financières du Mouvement Desjardins qui est fortement impliqué dans la CDR.

Conclusion
En jouant un rôle de concertation entre les différents acteurs, le Conseil de la coopération du Québec permet au mouvement coopératif de jouir de plusieurs réseaux en synergie. Le Québec a un fort potentiel de développement coopératif et le réseau des coopératives de développement régional permet de tirer avantage de ce potentiel et de l’améliorer. En s’impliquant régionalement les coopératives jouent un rôle important pour stabiliser le développement en région. Le contrôle du développement coopératif par les coopératives constitue certainement l’essence du succès du développement coopératif québécois.

Vous pouvez obtenir de l’information sur le développement coopératif québécois à partir des trois sources d’information suivantes :
www.fcdrq.coop
www.coopquebec.coop
http://www.mdeie.gouv.qc.ca/

Ce dossier est rendu possible grâce à la participation du
Centre des services internationaux Desjardins

Gérard Perron a occupé des postes de gestion depuis 1977. Son expertise est reconnue en développement économique régional et local de même qu’en développement coopératif. Il a écrit un livre sur la gestion participative et collaboré à d’autres ouvrages en gestion et en développement coopératif. Ses responsabilités l’ont amené à jouer un rôle de premier plan dans le développement du réseau des coopératives de développement régional et dans l’environnement du développement et de l’organisation des coopératives au Québec. En 1997 et en 2003, il est choisi « Professionnel en développement économique de l'année » au Québec. Depuis novembre 2003, il est consultant spécialisé en développement local et en développement coopératif. 

Gérard Perron has held management positions since 1977. His expertise is recognized in regional economic development as well as in co-operative development. He is the author of a book on participative management and he collaborated on other published works about management and co-operatives. His responsibilities have led him to leadership roles in the expansion of the regional development co-operatives network and in the development and organization of co-operatives in the province of Québec. In 1997 and 2003, he was selected « Economic development professional of the year » for the province of Québec. Since October 2003, he has been working as a consultant specializing in local development and cooperative development.

Gérard Perron ha ocupado deberes de gerencia desde 1977. Su maestría es reconocida en el desarrollo económico regional y local como en el desarrollo cooperativo. Escribió un libro sobre la gestión participativa y colaboró con otras obras en la gestión y  el desarrollo cooperativo. Sus responsabilidades le condujeron a un papel de primer nivel en el desarrollo de la red de las cooperativas de  desarrollo regional y en el desarrollo y la organización de las cooperativas en la provincia de Québec. En 1997 y 2003, fue seleccionado “Profesional en desarrollo económico del año” de la provincia de Québec. Desde octubre de 2003, es consultor especializado en el desarrollo local y en el desarrollo cooperativo.




[1] RND Revue Notre-Dame, Volume 102, numéro 11, décembre 2004, page 1.

[2] Gouvernement du Québec, ministère du Développement économique, de l’Innovation et de l’Exportation, Direction des coopératives, 31 décembre 2003.


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