Archives par mot-clé : Accord économique et commercial global (AECG)

À très exactement 12 mois du Brexit… que penser ?

La commotion du résultat du référendum du 23 juin 2016 au Royaume-Uni confirmant le processus de sortie de ce pays de l’Union européenne (baptisé « Brexit ») laissa ensuite flotter des mois de questionnement, voire de requestionnement. Mais lorsque le 29 mars 2017 la lettre de notification au président du Conseil européen lui fut parvenue, il n’y avait plus de doute : l’application de l’article 50 du traité de l’Union se confirmait. S’ouvrit alors la période statutaire de deux ans pour conclure les négociations de sortie. Avec mars 2018, qui se termine demain, nous sommes donc très exactement à mi parcours dudit deux ans. Ce sont donc les douze mois à partir d’actuellement qui détermineront l’avenir de l’économie du Royaume-Uni (R-U). Et peut-être aussi de l’Union européenne (UE)! Voyons-voir…

Première grande question : y aura-t-il aussi un nouvel accord d’association… associé à la sortie officielle du R-U de l’UE? Ce triller, qui se joue parallèlement, a son propre cadre d’opération. Car s’il y a le « Comment sortir le R-U de l’UE? », se pose aussi la question de comment organiser ensuite la relation commerciale entre les deux parties…

Car au-delà de techniquement réussir « le détricotage des relations complexes liées à l’appartenance à l’Union européenne », comme en parle Vincent Vicard*, ce « tricotage » n’est pas rien, parce qu’il est devenu un véritable marché unique, et que le R-U en sortira.

L’IMPORTANTE VARIABLE « UNION DOUANIÈRE »

Bien que le R-U n’était pas des fondateurs du départ (du 25 mars 1957) avec les Traités de Rome instituant par exemple la Communauté économique européenne (CEE), il « tricote » son appartenance depuis 1973. Et institué grâce à l’Acte d’union signé en 1986, visant le « marché unique », l’aboutissement de l’Europe communautaire jusqu’à l’union douanière européenne est devenu une complexe réalité, solidement liée, sur les quatre fondamentaux que sont le libre accès des marchandises, des services, des personnes, des capitaux, et ce entre tous les pays membres de l’UE.

Il y aura donc eu 1973-2019 : l’Union européenne avec le R-U.

Et on sait aussi, déjà, que l’après ne ressemblera pas aux relations commerciales qu’a cette UE avec ses autres voisins immédiats.

Pourquoi?

Parce qu’est déjà connue – et il s’agit du plus gros morceau du casse-tête – la volonté affirmée par Londres de récupérer la souveraineté sur la politique commerciale, avec notamment la capacité à signer des accords commerciaux avec d’autres pays. Ceci nécessitera donc la sortie du R-U de l’union douanière qu’est le « marché unique » européen. Donc, particulièrement, le retour de sa capacité à jouer les barrières non-tarifaires aux échanges (en passant, la bête noire de l’efficacité du système commercial international depuis les récentes années…)

S’il y a un accord R-U/UE, il ne sera donc pas semblable à celui TurquieUE, ni à l’Espace économique européen (EEE) impliquant l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein.

À l’analyse, on doit davantage attendre un accord commercial global de type classique, tel que l’AECG récemment signé entre le Canada et l’UE. (Une alternative pourrait être le modèle « à la pièce » de l’Accord Suisse-UE, mais Bruxelles a, devant Londres, déjà annoncé sa position de principe sur l’indivisibilité des quatre fondamentaux de son « marché unique » : libre accès des marchandises, des services, des personnes et des capitaux.)

Mais hors union douanière, que seront ces possibles nouvelles barrières non-tarifaires aux échanges à partir d’avril 2019 entre le R-U et les 27 de l’UE ? Voila une sous-question à la première grande question qui est très lourde de conséquences.

Au minimum, ce sera la réalité de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) qui s’appliquera. Même sans un nouvel accord commercial R-U/UE, toujours membre de l’OMC, le R-U en sera. Il devra d’ailleurs, conséquemment, redéfinir ses « listes de concessions » – à moins de décider de dupliquer celle de l’UE – pour établir ses relations avec ses partenaires de l’OMC, bref le reste du monde ?

Pourquoi l’enjeu de l’impact des barrières non-tarifaires aux échanges est très important dans l’équation ? Soyons très concret : qu’arrivera-t-il pour la production des futurs avions d’Airbus qui actuellement passe, outre par les sites en Allemagne, en Espagne et en France, par le site de Filton, au R-U ?

Il faut ici comprendre qu’en situation de « marché unique » – d’union douanière – le gain passe largement par la diminution, voire la disparition, des barrières non-tarifaires aux échanges, telle que l’absence de formalités douanières, telle que l’harmonisation de normes qui éliminent donc les coûts de certification, etc. Ce qui fait que le marché unique crée « (…) près de trois fois plus de commerce entre pays membres que ne le fait un accord commercial régional classique » (selon Mayer, Vicard et Zignago; 2017).

Trois fois plus de commerce…

Ce choix de Londres de vouloir récupérer sa pleine souveraineté commerciale à travers le Brexit est donc majeur, alors qu’il n’est pas du tout obligatoire (rappelons-nous les accords TurquieUE et avec l’EEE).

Éventuellement, il coûtera des emplois à Filton.

UN COÛT SIGNIFICATIF, SURTOUT POUR LONDRES… ET L’IRLANDE

Il en coûtera… Justement, peut-on, dès à présent, évaluer l’impact économique de ce Brexit-là?

Oui.

« Dans le cas où  le Royaume-Uni et l’UE s’accorderaient sur un accord commercial classique après le Brexit, on peut estimer qu’à long terme le commerce extérieur britannique diminuera de 36% avec l’UE et augmentera de 12% avec le reste du monde, de sorte que son commerce total diminuera de 14% » (encore selon Mayer, Vicard et Zignago; 2017).

La même évaluation, cette fois selon l’impact sur le produit intérieur brut (PIB), donne -1,8% comme coût du Brexit à l’économie du R-U, voire -2,5% si une absence d’accord ne faisait appliquer que le cadre de l’OMC (mais c’est comparativement -0,3% ou -0,5% pour l’UE globalement).

On voit donc ici (entre -2,5% et -1,8% du PIB) l’incitatif important pour Londres de s’entendre avec Bruxelles pour avoir un accord commercial pour l’après Brexit rapidement. Incitatif qui est, par ailleurs, presque similaire pour le cas spécial de l’Irlande, géographiquement piégée, qui se voit prédire le même ordre de grandeur de contre-coûts dans les deux cas de figure. Alors que le poids de ce commerce R-U/UE pour l’Union, globalement, n’est évidemment pas du tout du même ordre ; et que les coûts, ici évalués en moyenne entre -0,3% ou -0,5% du PIB, voire seulement -0,2 pour les gros pays que sont la France et l’Allemagne, ne mettent pas la même pression à négocier rapidement à Paris, Berlin et Bruxelles.

Quelles seront les règles commerciales en avril 2019 entre le R-U et les 27 de l’UE? À 12 mois du Brexit, la réponse à cette question est impossible à prédire avec justesse. D’abord, il y aura le poids de l’entente de négociation de sortie. Ensuite, il faut rappeler que le Canada ou la Corée du Sud avaient mis 7 à 8 ans de négociations avant de concrétiser leur accord de commerce classique avec l’UE. C’est dire comment l’ombre du « plancher » OMC plane lourdement sur l’immédiat post-Brexit.

Finalement, sentez-vous sagement invités à retenir que 12 mois en politique, c’est une éternité !

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* Vincent Vicard est économiste au Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), Paris (voir : L’économie mondiale 2018, un livre publié par le CEPII).

Source de l’image: www.les-crises.fr/russeurope-en-exil-le-brexit-les-medias-et-un-sondage/

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Ratification de l’AECG : la Région wallonne résiste toujours

Rien n’est encore acquis! De passage à Montréal début juin, le ministre-président de la Wallonie, Paul Magnette, a expliqué pourquoi il ne s’est toujours pas engagé à ratifier l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Europe.

Même si la Wallonie avait finalement signé l’AECG en octobre 2016, et ce après des semaines de tergiversations, il faut se souvenir que sa ratification était conditionnelle à des modifications importantes des provisions touchant notamment l’arbitrage des différends.

Le mécanisme d’arbitrage privé originalement prévu échappait aux juridictions des pays membres. Il a finalement été remplacé par un système de Cour d’investissement qui offre davantage de garanties juridictionnelles. Mais ces garanties « ne satisfont toujours pas » son gouvernement. Et il a demandé à la Cour de justice de l’Union européenne de se prononcer sur la compatibilité de l’Accord avec l’ordre juridique européen.

Précisons que la principale résistance de la Région wallone réside dans le fait que ce sont les entreprises qui peuvent faire appel aux mécanismes d’arbitrage. Alors que Paul Magnette estime qu’il est essentiel que les États, les particuliers, les organisations citoyennes diverses puissent eux aussi se prévaloir de ce mécanisme pour obtenir gain de cause. Y voyant « quelque chose qui est fondamentalement contraire au principe de l’égalité des citoyens devant la loi ».

La date d’entrée en vigueur, complète et définitive, du traité est donc loin d’être encore assurée.

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Accord Canada-Europe : les experts ciblent le 27 octobre pour sa signature

« Si la procédure évolue de manière positive, la tendance actuelle est que le Conseil de l’UE prendra le 18 octobre prochain la décision quant à la signature et entrée en vigueur provisoire de l’AECG. Formellement, c’est lors du sommet Canada-UE à Bruxelles le 27 octobre que l’accord serait signé par l’UE et le Canada », analyse l’avocate experte québécoise Geneviève Gagné, dans la dernière chronique juridique de Commerce Monde.

Et vu l’importance de l’AECG « c’est le premier ministre Justin Trudeau qui en sera le signataire », affirme-t-elle aussi.

L’important accord entrerait par la suite provisoirement en vigueur dans le premier semestre 2017, pour la portion EU-only, avec notamment l’abolition immédiate de la presque totalité des barrières tarifaires et l’accès aux marchés public.

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Geneviève Gagné
est avocate chez JoliCoeur-Lacasse,
à Québec.

L’ENJEU ALLEMAND

Au-delà du Brexit au Royaume-Uni, c’est davantage une vague de recours collectifs en Allemagne demandant à ce que soit empêchée l’entrée en vigueur provisoire de l’AECG qui occupent les experts. Au nombre de cinq, le plus important des recours regroupe plus de 125 000 procurations.

On invoque des violations de la constitution allemande advenant l’entrée en vigueur provisoire et une implication déficiente du parlement allemand, ainsi que des droits exagérés aux investisseurs étrangers et aux comités qui seront créés sous l’égide de l’AECG.

« Ces questions devront être examinées par la cour constitutionnelle allemande (…) le nombre de plaignants n’ayant toutefois aucune influence sur l’issue de la décision. Si l’AECG entrait en vigueur de manière provisoire, mais qu’un État membre faisait défaut de le ratifier par la suite, dans les faits, cela n’aurait aucun impact sur les dispositions EU-only qui continueraient de s’appliquer, seules celles de compétence nationale (environ 5%-10% de l’accord) ne trouveraient pas application. Une fois l’entrée en vigueur provisoire décidée, seule une déclaration par l’UE ou le Canada à l’effet qu’ils ne désirent plus faire partie de l’AECG pourrait l’annuler », explique encore Geneviève Gagné.

Conclusion en cette fin de septembre 2016 : Même si l’adoption de l’AECG « demeure encore soumise à une certaine imprévisibilité due aux aléas politiques », les récents développements en Europe indiquent que l’entrée en vigueur de l’AECG « est désormais plus prévisible que spéculative ».

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Accord Canada-UE : un gain de 1,4 G$ pour les produits canadiens d’ici 2022

Les exportations de produits du Canada vers l’Europe devraient augmenter de 1,4 G$ d’ici 2022 en raison de la réduction des tarifs douaniers au titre de l’Accord économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne (…) et l’agriculture, les aliments et boissons et les produits chimiques seraient les principaux secteurs bénéficiaires de l’abolition des tarifs.

Toujours selon cette nouvelle publication du Conference Board du Canada, intitulée Stronger Ties: CETA Tariff Elimination and the Impact on Canadian Exports (Des liens renforcés : Impact de l’élimination tarifaire prévue par l’AECG sur les exportations canadiennes [résumé en français seulement]), il ne faudra pas qu’attendre les baisses de douanes pour bien profiter de l’Accord.

Mais les attentistes y gagneront peu!

 « Bien que l’élimination des tarifs douaniers applicables aux produits soit généralement la caractéristique la plus évidente de tout accord de libre-échange, cela ne représente qu’une facette de l’AECG. Les secteurs d’activité et les entreprises du Canada ne retireront que des avantages modestes de l’entente s’ils restent passifs et attendent que la baisse des tarifs stimule leurs ventes », commente Danielle Goldfarb, directrice associée, Centre du commerce mondial, qui a produit l’étude.

Le poids d’un tel avertissement se fonde sur le fait que les principaux avantages de l’AECG « proviendront sans doute de la réduction des barrières non tarifaires et de la libéralisation du commerce des services », poursuit madame Goldfarb. Ce qui signifie que les entreprises qui innovent de façon proactive et adaptent leurs offres au gigantesque marché de l’UE profiteront beaucoup plus de l’Accord.

Pourquoi cet Accord est important…

  • L’UE est un marché de plus de 17 trillions $, avec des clients à hauts revenus.
  • Le Canada doit diversifier ses marchés et si les exportations de marchandises du Canada vers l’UE ont totalisé environ 33 G$ en 2013, il faut remarquer que les pierres précieuses et les métaux (dont les perles, les pièces de monnaie et les bijoux) ont représenté environ 10 G$ de ce total, presque le tiers.
  • Les entreprises canadiennes paient déjà des tarifs relativement faibles sur les exportations vers l’UE, mais les tarifs douaniers demeurent élevés dans des secteurs tels que ceux des aliments, des boissons et du tabac (9 %), des véhicules et des pièces automobiles (6,5 %), de l’agriculture (près de 5 %), et des produits chimiques, du caoutchouc et des matières plastiques (près de 5 %).

(tous les chiffres sont en dollars de 2007).

L’élimination des droits de douane n’est qu’une facette de l’AECG. Les barrières non tarifaires, par exemple les règlements, l’essai de produits, les exigences en matière d’étiquetage et de certification peuvent être encore plus restrictives à l’égard du commerce et des investissements. Un autre rapport du Conference Board intitulé Réservé aux innovateurs : Entreprises canadiennes et exportation vers l’UE : quelques constats en fait état en détail.

L’Europe est un marché très concurrentiel. Les entreprises réussiront dans l’UE si elles lancent sans cesse de nouveaux produits et adaptent leurs offres aux différents marchés de la région.

Pour bien s’y préparer, il est de bon conseil de se rapprocher du Centre du commerce mondial qui vise à aider les dirigeants canadiens à comprendre les transformations économiques et leurs implications pratiques. Ayant à son actif plus de 50 publications qui s’appuient sur des données probantes et sont lues par un large public, le Centre fait la promotion de solutions documentées pour améliorer la performance commerciale du Canada partout dans le monde. Les membres du Centre, qui proviennent tant du secteur privé que du secteur public, se réunissent périodiquement pour se renseigner sur les nouvelles recherches, les nouvelles politiques et les nouvelles perspectives commerciales.

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