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Canada : jeu électoral extrême jusqu’au 20 septembre; le gagnant ira à Glasgow en novembre

Après une semaine de ce qui constituera la plus courte campagne électorale permise – selon l’actuelle Loi sur les élections fédérales au Canada – les partis politiques étaient théoriquement prêts : car la rumeur courrait depuis des mois. Le pays a rapidement été tapissé des traditionnelles pancartes des candidats dès le jour 1. Le premier ministre sortant ayant provoqué cet appel au peuple du fait de sa demande de dissolution du Parlement, selon un privilège que lui accorde le fonctionnement du système de la monarchie-parlementaire qui est appliqué au Canada depuis au moins 1867. Cela, en rendant visite à la gouverneure générale et cheffe d’État du pays, Mary Simon, dans la matinée du dimanche 15 août 2021, plongeant immédiatement le Canada entier dans une course au vote de 37 jours, à travers 338 circonscriptions.

L’électorat canadien est donc convoqué aux urnes le lundi 20 septembre 2021 pour ce qui sera certainement une période électorale historique. D’abord parce que concurrente à une pandémie toujours virulente; aussi parce que largement non désirée autant par la population, que par tous les partis politiques constituant les quatre oppositions au Parlement du Canada. Convoqué à ce qui sera peut-être un dangereux jeu électoral extrême! Ceci pour plusieurs raisons.

D’emblée, au Canada, c’est « l’été » et une période générale de vacances jusqu’à la dite « Fête du travail », qui sonne avec chaque premier lundi de septembre. L’esprit de la population n’était donc par tellement à l’heure des débats d’idées et de choix de société. Le 15 août étant même le jour de la fête nationale des Acadiens, tout comme celle de l’indépendance de l’Inde moderne; elle, à un autre bout de la planète, mais qui retrouve une partie de plus en plus significative de ses ressortissants avec une double identité, en partage, avec le Canada.

Et si le chef du Parti libéral du Canada et premier ministre sortant, Justin Trudeau, a lancé le débat électoral en justifiant que : « C’est important de donner l’occasion aux Canadiennes et aux Canadiens de s’exprimer (…) », dans le contexte actuel, personne n’est pour autant dupe que sa véritable intention est d’aller se chercher une majorité de siège, afin de pouvoir continuer sa gouverne, mais comme gouvernement majoritaire. Dans ce Canada qui aurait normalement dû ravoir ses prochaines élections fédérales, selon le mécanisme à date fixe récemment instauré, qu’à l’automne de 2023; bien qu’en contexte minoritaire, le premier ministre conserve sa prérogative d’un déclenchement selon son bon jugement. Précisons que la tentation était belle et bien grande, alors qu’il n’a qu’à aller chercher la quinzaine de sièges aux Communes qui le sépare de cette confortable situation.

Jeux extrêmes

Ensuite, c’est alors que le variant Delta de la COVID-19 prendra probablement le visage d’une réelle et significative 4e vague pandémique à travers l’ensemble du pays – notamment avec les rentrées scolaires et académiques – que les premiers jours de septembre seront aussi ceux qui verront les chefs des principaux partis se croiser au cœur de la campagne avec les trois principaux débats télévisés nationaux (deux en langue française, les 2 et 8, et un en anglais à la chaîne publique le 9 septembre).

La question de l’urne émergera-t-elle de ça? Économie, environnement, climat, questions autochtones, qualité de vie de tous et particulièrement de groupes minorisés, immigration et intégration au marché du travail, dette publique, politique étrangère, etc. Serait-ce possible que pour une rare fois une question internationale vienne peser lourdement sur le résultat d’élections au Canada? La chute de Kaboul, en Afghanistan, s’est invitée comme un voleur imprévu. Monsieur Trudeau a dû aujourd’hui même interrompre sa campagne pour participer à une réunion spéciale du G7 sur cette crise. Avec ses 158 citoyens-soldats morts pour cette cause, plus d’une décennie d’efforts, l’électorat canadien est à l’écoute.

Mais il y a aussi les feux de forêts qui brûlent sans cesse en Colombie-Britannique, et c’était des églises un mois plus tôt; la plus importante province de l’Ouest du Canada, comptant avec une population pour qui les enjeux environnementaux et sociaux sont toujours dans les priorités des électeurs.

Les enjeux environnementaux et sociaux, nous y voilà : exactement ce dont le gagnant du 20 septembre devra aller débattre, à Glasgow, en novembre.

Le gagnant ira à Glasgow

Tous les yeux humains de la planète seront tournés sur cette ville écossaise à partir du 1er novembre 2021, alors que les délégations d’experts et les diplomates de presque toutes les souverainetés de la Terre débuteront leurs travaux de dix jours pour la COP26 : la 26e édition annuelle de la Conférence des parties (Conference of Parties) en suivi de la COP21, il y a 6 ans, qui avait vu l’édition de Paris faire naître le fameux Accord de Paris sur le climat. L’ONU convoque à nouveaux l’Humanité à une croisée des chemins!

Justin Trudeau ou Erin O’Toole? Erin O’Toole ou Justin Trudeau? Qui d’autre? Iront-ils en personne? Quand? Avec quel mandat et pour faire quoi? Car l’heure sera aux actions! Pas aux mots, car les maux sont clairement connus.

En 2015, il s’en était fallut de peu pour que les négociations achoppent. Il est dorénavant de notoriété publique que les Canadiens sur place ont fait une grosse différence, dans les négociations de coulisse, pour arracher ce qui devint le consensus rendant possible l’Accord de Paris sur le climat. Stéphane Dion, aujourd’hui ambassadeur du Canada en Allemagne, et Catherine McKenna, alors ministre de l’Environnement et des Changements climatiques, en ont fait le partage à leur prise de parole dans un atelier sur le sujet lors de la dernière édition de la conférence Americana, les 22 et 23 mars 2021.

Le 15 août au matin, encore gavé d’un record de médailles tout juste ramenées au pays par la délégation canadienne ayant concouru aux JO de Tokyo, il était à son meilleur, le ton juste, invitant ses concitoyens à lui dire quoi faire : « C’est au peuple de décider de l’avenir du pays »… Nobles mots, noble intention de la part de Justin Trudeau, alors que ses adversaires l’accusent facilement de ne rêver qu’à une majorité parlementaire pour pouvoir continuer de gouverner. De Glasgow à Ottawa, c’est effectivement le Canada en question.

Et il est cocasse de constater que le 1er premier ministre canadien, John Alexander Macdonald, était né (janvier 1815) à Glasgow, en Écosse, avant de devenir un Canadien et ensuite cet historique politicien à la tête du pays naissant, « à la britannique », de 1867 à 1873 et de 1878 à 1891. Cette écossaise de ville et même Glasgow que le prochain premier ministre élu, à la suite des élections qui permettront de le choisir le 20 septembre 2021, devra fouler pour aller y représenter un pays à la croisée des chemins, plus peut-être que l’ensemble des quelque 200 États souverains que compte actuellement l’humanité et qui y seront aussi représentés.

Du 20 septembre, jusqu’aux 11 et 12 novembre – les deux jours clés de la COP26 -, donc des intenses 37 jours de campagne passés à sillonner le Canada, d’Est en Ouest et du Nord au Sud, ne restera qu’une autre quarantaine de jours pour se préparer à aller « réussir » Glasgow avec sa COP26 à gagner. Pour ce Canada, deuxième plus grand pays au monde par sa superficie. Ce Canada souvent espoir du monde à bien des égards; pays de diversité, d’immigration, d’eau douce – liquide ou gelée – et de forêts, de ressources naturelles abondantes, puissance moyenne au potentiel d’actions diplomatiques significatives, comme son histoire l’a souvent démontré.

Question de l’urne: la route vers Glasgow?

Si le Canada vivra un jour d’élection historique le 20 septembre 2021, dès le 12 novembre son premier ministre fraîchement élu reprendra son avion de retour, après avoir participé quelques jours à la Conférence des Nations Unies sur le climat. La population canadienne est parmi les plus privilégiées des humains de la Terre, riche d’un niveau de confort et de conscience des enjeux face à son avenir à court, à moyen et à long terme. Demain il faut boire, manger, travailler, survivre; à court terme, il faut gagner sa vie, aimer et protéger ses proches ainsi que le plus possible autrui aussi, progressivement préparer sa propre fin de vie et sa mort dignement par simple respect des survivants; à long terme, il faut tenter d’être passé sur cette planète – individuellement et collectivement – sans y avoir été un passif et, en tant que membre d’une société humaine, avoir contribué à un monde meilleur. En tant qu’Humanité, c’est une espèce de responsabilité universelle ça, non?

Ce n’est peut-être pas avec toutes ses questions en tête que le premier ministre sortant, Justin Trudeau, s’est lancé dans l’enjeu électoral en cours au Canada il y a déjà une bonne semaine.

Bonne campagne à tous et espoir qu’elle ne démontre pas trop cruellement que la politique garde toujours quelque chose qui ressemble à du sport extrême.

À suivre… (RDV, ici, après les trois débats).

« COP21 : un échec annoncé », prédit Harvey Mead

C’est demain le 30 novembre que s’ouvrira à Paris la déjà historique Conférence des parties (COP21) de la stratégie de l’ONU afin de lutter contre les changements climatiques. L’optimisme est de mise, mais c’est plus complexe que simple. COMMERCE MONDE a donc demandé à un analyste respecté de partager son OPINION sur les attentes à avoir.

Harvey Mead fait partie de ces quelques Québécois rares, très engagés, avec une vision très large des enjeux environnementaux, ayant à la fois participé à la fondation de Nature Québec, mais également accepté une fonction de direction publique de haut niveau à l’invitation du Gouvernement du Québec. Il connait ainsi très bien les défis et les moyens à mettre en branle.

Merci M. Mead pour votre texte d’opinion que nous offrons à nos lecteurs avec fierté.

Par Harvey Mead (1)

Le printemps dernier, le groupe financier Mercer a publié un rapport pour ses investisseurs qui ciblait les risques et les occasions d’affaires associés au changement climatique.

Pensant à ce qui pouvait sortir de la Conférence des parties (COP) sur la question du changement climatique qui débute à Paris aujourd’hui, le rapport formule quatre scénarios pouvant guider les décisions d’investissement : (i) Transformation, dans le contexte d’une hausse maximale de 2°C de la température planétaire, (ii) Coordination (sic), en présumant d’une hausse de 3°C, (iii) Fragmentation avec dommages limités et (iv) Fragmentation avec dommages importants, ces deux derniers présumant d’un contexte d’une hausse de peut-être 4°C.

Le tout se situait dans le contexte des travaux du Groupe intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIÉC), organisme créé sous l’égide des Nations Unies. Le GIÉC avait publié les différentes parties de son cinquième rapport d’évaluation de la situation en 2013 et 2014.

Ce rapport tablait sur un consensus établi par les quelque 200 pays réunis dans les COP qui ont eu lieu tous les ans depuis deux décennies, à l’effet qu’il est essentiel de garder la hausse de température sous les 2°C. Pour rendre cela possible, il faut limiter nos émissions de gaz à effet de serre (GES), et dans son cinquième rapport le GIÉC calculait le « budget carbone » qui est en cause. Les scénarios de Mercer s’inséraient dans ce calcul.

La COP21 devant le budget carbone

Il s’agit d’un nouvel élément dans les processus marquant nos décisions d’affaires et nos décisions comme sociétés. Les représentants des gouvernements qui seront à Paris pour la COP21 pendant les 10 prochains jours se butent aux contraintes dramatiques qui sont en cause. Les responsables le savaient très bien, et depuis deux ans cherchaient par tous les moyens à inciter les gouvernements du monde à planifier leur développement pour les prochaines décennies dans le respect du budget carbone.

Depuis quelques semaines, ces responsables nous informent que les engagements obtenus auprès de pays représentant 85% des émissions globales de GES situaient les possibilités pour un accord à Paris en dehors de la limite imposée par la cible d’une hausse maximale de 2°C. Les engagements pris par ces pays nous placent plutôt devant une hausse prévisible d’environ 3°C, et il n’y a aucune raison de penser que des changements importants dans ceux-ci soient à l’ordre du jour de la COP21.

Une étude canadienne nous fournit des explications de cette situation. En juillet, Renaud Gignac et Damon Matthews ont publié leurs calculs sur les implications du budget carbone pour l’ensemble des pays sous le titre « Allocating a 2°C carbon budget to countries ».

D’une part, l’étude présente des allocations aux différents pays en fonction du budget carbone et de leur population. D’autre part, reconnaissant des désaccords profonds qui ont marqué les COP depuis celle de Kyoto en 1997, voire de Rio en 1992, elle établit les implications d’une résolution de ces désaccords. Un processus de contraction/convergence éliminerait progressivement d’ici 2050 les inégalités historiques et contemporaines entre les pays pauvres et les pays riches, permettant aux premiers de poursuivre avec modération et pour un certain temps leurs efforts de développement pendant que les deuxièmes commenceraient immédiatement et de façon importante à réduire les leurs. L’objectif serait de mettre l’ensemble des nations sur un pied d’égalité en matière d’émissions, et de potentiel (réduit) de développement économique, vers 2050.

Les pays pauvres n’accepteront rien de moins, d’après de nombreuses interventions de leur part. Les pays riches se trouvent ainsi dans une situation qui est quand même intenable, la contraction esquissée les obligeant à éliminer rapidement leur utilisation de l’énergie fossile, alors que cette utilisation se trouve au fondement même de leurs activités économiques et que les énergies renouvelables n’ont tout simplement pas la capacité de la remplacer. ( petrole.blog.lemonde.fr )

Les pays riches ont fait leurs calculs, techniques et politiques, et savent qu’ils ne peuvent répondre à l’appel du GIÉC et de la COP21. Réduire leurs émissions – et leur consommation de pétrole, de gaz et de charbon – aux niveaux requis équivaudrait à planifier une sorte de « récession permanente » pour leurs économies. ( ftalphaville.ft.com )

Le rapport de Mercer suggère que l’échec de la conférence ouvrira les perspectives pour les trois scénarios catastrophiques : l’entente « historique » en décembre 2014 qui voyait la Chine s’engager à des réductions de ses émissions à partir d’un pic de celles-ci en 2030 rendrait le scénario « Coordination » probable, avec une hausse de la température d’environ 3°C. On peut soupçonner que c’est la même chose pour les engagements des États-Unis lors de cette entente.

http://www.harveymead.org

La technologie ne sera pas à la rescousse

Les manifs, les marches, les intenses efforts de sensibilisation auprès des populations menés depuis plusieurs années par une multitude d’organismes de la société civile, avec 350.ong à la tête, ne tiennent tout simplement pas compte de cette contrainte, qui marque une situation que définit notre refus d’agir depuis des décennies. Nous savons que nous devons agir pour contrer la hausse de la température de la planète. Pour la première fois, nous pouvons même quantifier l’effort nécessaire. Mais nous n’avons pas évalué ce que cette action exige, ce que nos dirigeants ont fait.

La COP21 marque une première dans l’histoire de notre relation avec l’environnement que nous saccageons depuis des décennies. Depuis les débuts du mouvement environnemental, nous essayons de tenir compte des impacts environnementaux de nos activités tout en prenant pour acquis que nous ne pouvons pas abandonner notre « développement économique » ; une longue série d’efforts de « mitigation » et de compromis en était le résultat.

À Paris cette semaine, pour la première fois, les gouvernements du monde sont confrontés au constat que cela ne marche plus.

Nous connaissons raisonnablement bien ce qui nous attend si la température de la planète dépasse le 2°C : fonte de la glace de l’océan Arctique et début d’un processus de rétroaction qui stimulera le processus de réchauffement ; phénomènes météorologiques extrêmes de plus en plus sérieux et de plus en plus fréquents ; sécheresses dans les régions où nous cultivons nos aliments ; acidification des océans dont nous tirons d’autres aliments ; perturbations sociales à l’échelle de la planète face à des pénuries de toutes sortes. Ce n’est plus une question de mitigations.

Et nous connaissons – du moins, nos gouvernements connaissent – les conséquences des interventions nécessaires pour respecter le budget carbone et le processus de contraction/convergence qui mettrait fin aux énormes inégalités qui marquent les relations internationales depuis trop longtemps : ralentissement dramatique de la production industrielle dépendant de l’énergie fossile ; transformation de l’agriculture industrielle fondée sur un recours massif à l’énergie fossile ; baisse conséquente des revenus des populations entières ainsi que des gouvernements ; déstabilisation de l’ensemble de nos sociétés. C’est une récession permanente qui s’annonce.

La technologie à la rescousse ?

Les économistes qui oeuvrent à l’échelle internationale savent que les risques pour l’économie mondiale et pour la civilisation telle que nous la connaissons sont de plus en plus graves. Parmi eux, Jeffrey Sachs, en concertation avec le Secrétaire général des Nations Unies, Ban Ki Moon, voyait les implications de cette situation et a lancé l’an dernier le Deep Decarbonization Pathways Project (DDPP) pour prévenir l’échec de la COP21. L’objectif du DDPP : fournir le portrait des interventions technologiques qui pourraient, d’ici 2050, permettre le maintien de la croissance économique tout en respectant le budget carbone du GIÉC.

Un premier rapport en septembre 2014 laissait quelques doutes quant au succès de l’initiative, mais maintenait le cap pour un rapport plus global pour 2015, avant la COP21.

Le travail réunissait des équipes dans 16 pays représentant environ 75% des émissions de GES et 85% de l’activité économique mondiale.

En septembre 2015, le résumé exécutif de ce deuxième rapport (toujours non disponible dans sa version intégrale à la veille de la rencontre de Paris), concluait que ses efforts aboutissaient à l’abandon de l’objectif de concilier la croissance économique et le respect du budget carbone avec une probabilité raisonnable ; d’après ses travaux, cette conciliation serait « aussi probable qu’improbable », ce qui comporte un risque inacceptable.

En fait, la lecture de ces documents, qui prévoient entre autres une augmentation de l’activité économique d’ici 2050 de 350%, permet de voir jusqu’à quel point les risques déjà identifiés par les responsables du Forum économique mondial de Davos exigent des interventions inimaginables – ou presque, puisque le DDPP essayait justement de les imaginer.

Un échec prévisible

Issu prévisible, presque inévitable : les pays riches vont décider de courir le risque de continuer à mitiger les impacts de leur développement économique en espérant que les pays pauvres seront forcés à rester dans leur situation de pauvreté relative. C’est ce qui marque nos relations depuis près d’un siècle (ou plus) et il y a peut-être de l’espoir que le développement économique de la Chine et de l’Inde, pour ne mentionner que ces deux pays qui hébergent presque la moitié de l’humanité, s’effondrera.

 

(1) Auteur, L’indice de progrès véritable: Quand l’économie dépasse l’écologie, 2011 (MultiMondes)
Commissaire au développement durable, 2007-2008
Président (Chair), Table ronde nationale sur l’environnement et l’économie, 2002-2005
Président Nature Québec 1981-1989, 1994-2006
www.harveymead.org

Avant COP21–Paris inspirez-vous de Global Conference-Domaine de Chantilly

Jusqu’au pape François qui vient d’y mettre son mot. Une encyclique sur l’environnement. Ce n’est pas rien ! Le rendez-vous de Paris* de décembre 2015 sera probablement le plus important de l’histoire de la planète depuis le Sommet de la Terre, à Rio, en 1992. À l’époque, le développement durable avait la cote. Les changements climatiques et le réchauffement de la Terre sont l’urgence du moment. Mais c’est le même sujet : le respect de la Terre; notre environnement de vie, notre « maison commune ».

Si les solutions étaient simples, il y a longtemps que les consensus seraient à l’étape de la réalisation. Mais l’humanité cherche encore les bonnes recettes. C’est dans ce contexte qu’une petite poigné de Québécois prendra la route de la France, début juillet, pour participer à un événement méconnu… qui vise haut.

La Global Conference (Domaine Chantilly, 6-7-8 juillet)

Fondée sur un dialogue permanent entre acteurs d’horizons divers, sur le partage de bonnes pratiques et la valorisation de solutions concrètes et innovantes, la Global Conference est un lieu d’échanges, de savoirs et de rencontres, où les acteurs et décideurs se retrouvent dans une atmosphère conviviale pour trouver ensemble des réponses aux grands enjeux de notre temps.

La Global Conference est un laboratoire consacré à l’élaboration d’un nouveau projet de société.

Sa Xème édition, en juillet 2015, ne cache pas les ambitions des organisateurs :

Les Ateliers de la Terre souhaite être une force de proposition pour les négociations de décembre 2015 (…) s’insérant dans la dynamique de la COP21 qui représente une étape clé pour les acteurs luttant contre le changement climatique.

L’événement se tient d’ailleurs sous le haut patronage du président de la République française.

Large place pour l’économie circulaire

Il faudra juger l’arbre à ses fruits, mais déjà il faut remarquer que le programme de trois jours fait une large place au concept de l’économie circulaire. Et que l’un des deux ateliers portant directement sur le sujet compte un homme de Québec parmi les quatre intervenants invités à y présenter une conférence: Pierre RACICOT, président et fondateur de l’organisme Villes et régions Innovantes – VRIc.

Il débattra des freins à une plus large implantation de l’économie circulaire avec Jean-Louis CHAUSSADE, directeur général, SUEZ environnement (France), Xaver EDELMANN, président-fondateur, World Resources Forum (Suisse) et Thomas STERR, directeur, Institute for Eco-Industrial Analyses, Heidelberg (Allemagne).

Quelques pays d’Europe ont déjà prouvé qu’il est possible d’afficher une courbe du PIB en croissance tout en voyant celle des gaz à effet de serre diminuer. Ils sont les leaders de l’économie circulaire sur ce continent. C’est cependant la Chine qui s’est mise en tête de peloton mondialement, ces dernières années. Au moins une centaine de villes chinoises y concrétise un projet-pilote de conversion vers l’économie circulaire. Le pays a lui-même voté sa Loi sur l’économie circulaire en décembre 2008. (La France vise 2017 pour voter la sienne !)

Pascal HUDON, président de la Fédération de la relève agricole du Québec, le chef héréditaire algonquin Dominique (T8aminik ) Rankin, ainsi que Marie-Josée TARDIF
vice-présidente de Kinawat partent aussi du Québec pour ce rendez-vous à retenir, en Picardie française.

Rien de nouveau sous le ciel de Toronto

Presqu’au même moment, la ville reine du Canada, Toronto, reçoit la 9e édition du International Economic Forum of the Americas / 2015 Toronto Global Forum: Pan American Edition, les 8-9 et 10 juillet. Là aussi, trois journées de conférences et de réflexion. À parcourir la programmation, on croirait pourtant que tout roule comme à l’habitude dans nos économies développés. Après les soubresauts d’une crise, on souffle la relance. Un cycle après l’autre. Rien d’autre à signaler.

Nous tenions à vous le faire remarquer, comme si le Nouveau Monde n’avait pas autant envie de se mettre à l’agenda des changements fondamentaux que la situation mondiale commande: migrants internationaux, épuisement des ressources naturelles, climat, gouvernance mondiale, création et partage de la richesse…)

 

* COP21 : Conférence des Nations unies sur les changements climatiques, à Paris, du 30 novembre au 11 décembre 2015.

 

http://www.globalconference2015.org/fr

http://regionsetvillesinnovantes.com/?topic=freins-a-limplantation-de-leconomie-circulaire

http://forum-americas.org/toronto

 

En direct avec Pierre Racicot (bilan Jour 1):
1- le nouveau président du Bénin a démontré que son pays ne pouvait plus attendre l’action de la communauté internationale pour régler les problèmes causés par le changement climatique. L’urgence climatique, c’est maintenant : inondation des terres au bord de la mer et désertification galopante dans le nord du pays. Il compte sur Bill Gates et sa fondation pour réaliser des projets urgents ;
 
2- l’Afrique, parce qu’elle n’a presque rien, est bien placée pour appliquer un nouveau modèle d’industrialisation et d’urbanisation propre en empruntant des technologies et des procédés les plus avancés au plan de la protection de l’environnement ;
 
3- l’innovation du digital permettra de compenser l’absence d’infrastructure et permettra de mobiliser les collectivités pour rendre propres les villes et les campagnes ;
 
4- le numérique permet de démocratiser l’information, sachant que le consommateur peut choisir, il devient un acteur ;
 
5- 25 compagnies de parfum ont décidé d’assurer un développement durable à leur filière à partir des petits producteurs de racines de plante en favorisant la formation de coopérative, une formation pour protéger l’écosystème et s’accommoder d’une augmentation de presque 100 % des prix payés aux paysans ;
 
6- présentement, nous avons des réserves de semences permettant de nourrir 9 milliards de personnes ;
 
7- le monde possède toutes les technologies pour cesser de consommer du pétrole et du gaz de schiste ;
 
8- l’agriculture biologique est vue comme une solution par tous mais on attend le signal des gouvernements.
 
En somme, la porte est ouverte pour démontrer que le liant entre « les ruptures », c’est l’économie circulaire comme étant la seule option crédible et faisable pour se sortir de l’économie linéaire que nous connaissons.
Bilan Jour 2
Le thème de l’atelier du matin est : Soutenabilité : les solutions restent à inventer pour les acteurs financiers.

1- Il existe deux conceptions du financement des services publics selon l’angle Américain et Européen.
En Europe, les services publics comme la santé, l’éducation et l’aide aux pays dans le besoin doivent être financés par les pouvoirs publics. Mais les ressources ne sont plus suffisantes.
En conséquence, il faut trouver dans le système financier des revenus pour que les États appauvris puissent offrir des services à la population.
Aux États-Unis les services publics sont moins valorisés. La philanthropie des entreprises privées finance les projets pour les exclus de la société. En matière internationale, des Fondations privées comme celle de Bill Gates financent des projets pour lutter contre le sida et l’éducation des jeunes dans les pays parmi les plus pauvres de la planète.
Cette culture de la philanthropie des entreprises américaines pose parfois des problèmes puisque les projets financés peuvent servir à l’image de marque de l’entreprise d’abord.
La philanthropie finance des projets sectoriels alors que les pouvoirs publics financent des projets horizontaux comme dans le domaine de la santé. Mais il est nécessaire que l’Europe améliore la participation des acteurs financiers privés dans le développement durable.
2- Les acteurs financiers doivent s’adapter aux exigences de la nouvelle génération qui accordent de l’importance aux finalités des modèles financiers.
Alors que les taux d’intérêt sont bas, et que l’on fait pas d’argent avec l’épargne, on se dit dans ce cas aussi bien que l’argent soit investi dans des causes utiles.
Les entreprises naviguent dans un environnement fragile. Si elles veulent survivre, elles doivent démontrer leur pertinence environnementale et sociale.
3- Les acteurs financiers ne sont pas là pour financer l’aide au développement des collectivités, mais elles ont des outils pour favoriser le développement durable, par exemple les obligations vertes, la publication des performances de développement durable et de ses indicateurs de DD.
Les courtiers devraient être transparents.
4- Pour obtenir des revenus, deux options sont examinées : un prélèvement sur les transactions boursières ou un prélèvement sur les échanges de devises. Il existe un certain consensus en faveur d’une taxe sur les échanges de devises.
Bilan Jour 3

J’ai retenu du dernier jour de la conférence les éléments suivants.

Les conférenciers ont démontré les liens entre le changement climatique, l’agriculture et la santé des humains.

Agriculture biologique
1- L’industrie agroalimentaire que nous connaissons génère le gaspillage, la dégradation des sols, le gaspillage de nourriture puisque globalement nous jetons la moitié de ce que nous achetons. Par ailleurs, il est très difficile de trouver des appuis politiques et financiers pour soutenir l’agriculture qui régénère la terre, élimine les pesticides et les engrais chimiques, c’est-à-dire l’agriculture biologique.
Les agriculteurs biologiques sont soumis à des règles très strictes pour utiliser l’étiquette aliment bio.
Solutions 
a- que les aliments non bio portent l’étiquette aliment produit à l’aide de pesticides et d’engrais chimiques afin d’informer les consommateurs que les aliments ne sont pas sains pour la santé.
b- internaliser dans le prix des aliments les coûts de santé et de détérioration des sols et les émissions carbones.
Connaissance scientifique des flux de transport
2- L’établissement d’une bonne connaissance des flux de transport en temps réel va aider à organiser les transports d’une manière plus efficace et efficiente.
L’outil que les pays ont entre les mains, c’est l’Agence spatiale européenne qui a dans l’espace une vingtaine de satellites capables de suivre les bateaux, les avions, les camions et les automobiles. Ils suivent aussi l’évolution des glaces dans l’Article. Les données recueillies pourraient aider les automobilistes qui cherchent un stationnement à Paris. De fait, 30 % des déplacements automobiles à Paris sont causés par des automobilistes qui cherchent un stationnement. Les données pourraient identifier les bateaux qui jettent des déchets en mer.
Solutions :
a- éviter les déplacements par les achats en ligne, les vidéos-conférences, la signature de contrat en ligne, l’accès en ligne aux services publics;
b- favoriser la mobilité collective, la voiture partagée, le vélo et la marche.
Afrique : « très jeune » continent en émergence
3- L’Afrique n’a pas de politique économique. La conséquence est qu’elle ne profite pas d’abord de son marché et de valoriser ses ressources. L’Afrique, continent d’avenir, est écartelée. Cependant, elle a un potentiel humain et entrepreneurial extraordinaire.
Solution : Les Ateliers de la Terre va organiser durant COP 21, Le Lab qui va mettre en valeur tout le potentiel de l’Afrique afin qu’elle participe elle aussi à la transition énergétique.
Civilisation écologique en construction
4- Le président d’ENGIE, ancien groupe Suez, a montré comment SUEZ a transformé la production de ses services afin d’accélérer la transition énergétique.
L’univers de l’énergie est en rupture. On est en train de passer de l’ancien monde au nouveau monde.
D’une organisation adaptée à de grands projets, pyramidale, centralisée, basée sur l’exploitation des énergies fossiles, elle est devenue une organisation décentralisée, centrée sur les besoins énergétiques des collectivités locales, de services-conseil et d’accompagnement et investissant dans le photovoltaïque permettant la production décentralisée de l’énergie.
Les grandes entreprises européennes attendent de COP 21 des engagements clairs en faveur d’une diminution des GES soit de 40 % d’ici 2030.
Raison : les catastrophes climatiques se transformeront en catastrophes économiques. Elles préfèrent un virage énergétique ordonné sous contrôle et prévisible plutôt que les virages subis et chaotiques et anarchiques.