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L’Amérique de Trump mise sur l’intelligence artificielle

Pas question de laisser un pouce aux pays rivaux en matière de capacités technologiques. La vision d’avenir des États-Unis d’Amérique du président Donald Trump passe sans surprise par un important effort d’innovation en science grâce à l’intelligence artificielle. Et l’affirmation de ce leadership vient d’être annoncé avec l’American AI Initiative, une initiative visant à promouvoir la R&D dans le stratégique domaine de l’intelligence artificielle (IA). L’annonce présidentielle vise aussi à édifier un cadre éthique.

Cette initiative – Executive Order – du président Trump, signé le 11 février 2019, porte comme intitulé officiel : Executive Order on Maintaining American Leadership in Artificial Intelligence.

La puissance des ordinateurs, déjà capables de simuler l’intelligence humaine, ne va cesser de croître. C’est donc face à l’importance de l’IA que le président Trump a annoncé cette initiative.

« Conserver le leadership américain dans l’intelligence artificielle est d’une importance capitale pour le maintien de la sécurité économique et nationale des États-Unis ». Donald Trump

L’American AI Initiative se concentre sur 5 aspects

  • Investir dans la R&D dans l’IA par le biais des agences gouvernementales et de l’appui au secteur privé et au monde universitaire.
  • Faciliter l’accès aux ressources publiques comme les données fédérales et les modèles informatiques.
  • Développer des normes et des directives pour l’avenir de la recherche dans l’IA.
  • Renforcer la main-d’œuvre spécialisée dans l’IA en créant des programmes de bourses et de formations qui permettront aux travailleurs d’acquérir des compétences pertinentes.
  • Dialoguer avec la communauté internationale afin de développer un environnement propice à la recherche dans l’IA et respectueux de la propriété intellectuelle.

Cadre d’éthique

Personne ne doute, effectivement, que la prochaine génération d’IA aura un impact énorme sur la vie des gens. Ce, dans tous les secteurs de la vie en société. C’est pourquoi l’American AI Initiative vise non seulement le développement de l’IA, mais ouvre également la voie à l’établissement de lignes directrices et de règles « qui permettront d’éviter que la technologie ne soit exploitée de façon abusive ».

Il faudra donc fortement suivre le sens qui sera accordé au concept de « l’exploitation abusive » en matière d’intelligence artificielle.

« L’American AI Initiative » est ancrée dans le principe fondamental qu’aux États-Unis, l’IA ne doit jamais être utilisée au détriment de nos libertés civiles et de nos droits », a d’ailleurs déclaré à ce propos Michael Kratsios, le conseiller à la science à la Maison Blanche, dans une tribune libre parue dans Wired magazine.

Le débat commence!

Lire aussi: whitehouse.gov/presidential-actions/executive-order-maintaining-american-leadership-artificial-intelligence/

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Nairobi à moins de 15 heures de vol de l’Aéroport international John F. Kennedy de New York

C’est la compagnie aérienne Kenya Airways qui aura donc été la première en Afrique de l’Est à proposer des vols directs de Nairobi à destination des États-Unis. Le vol inaugural ayant été effectué à la fin d’octobre de 2018 : 14 heures 25 minutes. Nécessitant l’apport de 4 pilotes! Incidemment, certains aiment à parler d’un « nouveau décollage » pour le commerce entre les États-Unis et l’Afrique.

À l’évidence, ce nouveau vol direct reliant l’Afrique de l’Est aux États-Unis devrait resserrer les liens et faciliter de nouvelles possibilités d’investissements entre ces deux régions. Kenya Airways a d’ailleurs lancé sa première liaison directe entre Nairobi et l’Aéroport international John F. Kennedy à New York en laissant présager une hausse de 25% du commerce entre les deux pays… Mais la Kenya Airways n’est pas seule en liste. Elle rejoint simplement d’autres compagnies aériennes africaines qui proposent déjà des vols directs entre les États-Unis et le continent africain, comme South African Airways et Ethiopian Airlines, qui sont elles aussi en Afrique de l’Est.

UN PAS DE PLUS POUR L’AGOA

Il faudra voir, au fil des prochains mois, dans quelle mesure il s’agira d’une « ère nouvelle » dans les relations commerciales entre les États-Unis et le Kenya. Mais il est vrai que le président Donald Trump, qui a fait du « commerce libre, équitable et réciproque » une priorité de son gouvernement, décline une partie importante de cette vision commerciale dans l’AGOA (la loi américaine pour la croissance et les possibilités en Afrique.) L’AGOA autorise notamment le libre-échange entre les États-Unis et l’Afrique.

« It was a thrilling, epic 36 hours from departure of the inaugural @KenyaAirways flight #Nairobi to #NewYork to the return! Thank you to everyone who made it happen. Now we should work together to realize all the possibilities it offers to connect us even more closely. » Ambassador Bob Godec, October 30, 2018.

Et maintenant que le vol de New York à Nairobi ne prendra pas plus que 15 heures, le Kenya s’attend à accueillir beaucoup plus de visiteurs en provenance des États-Unis, déjà la deuxième source du tourisme de ce pays.

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Sommet Trump-Poutine : les non-dits d’Helsinki

La poussière est encore à retomber suite à l’historique premier sommet politique entre les présidents des États-Unis et de la Russie, Donald Trump et Vladimir Poutine. Toute la journée de ce Sommet Trump-Poutine, tenu à Helsinki le 16 juillet 2018, l’expectative des résultats alimentait les discussions. Mais dans ce genre de rendez-vous, c’est beaucoup dans les non-dits qu’il faut aussi rechercher les meilleures analyses et les legs possibles. Ce cas-ci ne fait pas exception.

Réglons immédiatement ce qui malheureusement monopolise la majorité des médias : l’accusation d’ingérence russe dans la dernière campagne électorale présidentielle des USA. En réalité, les services de renseignement étatsuniens faisaient un beau cadeau à leur président en dévoilant quelques jours avant son rendez-vous les fruits de leur enquête sur la question. Ils lui donnaient une carte à jouer face à son adversaire. Et le timing excluait toute occultation du sujet; on se devait de confronter la question.

Le président Trump a décidé d’en faire un cadeau à son vis-à-vis. Il lui a fait savoir que sa décision était de vouloir le croire alors qu’il dit et redit « qu’il n’y a pas eu d’ingérence russe ». Message envoyé: fin de l’histoire, passons à autre chose.

Ce que le président Trump a fait, ou tenté de faire, c’est de passer l’éponge. Il a décidé de ne pas crisper la Russie avec cette bien triste affaire. Une polémique qui traîne depuis presque deux ans maintenant. Et c’était diplomatiquement parlant la meilleure décision à prendre. Toutes les autres options contribuaient à empoisonner l’avenir de la relation WashingtonMoscou. Or les deux hommes se rencontraient justement pour tenter de l’assainir.

Et connaissant le personnage, c’est un beau cadeau que M. Trump a fait à M. Poutine. Son style laissait plutôt supposer qu’il s’amuserait à encore instrumentaliser la polémique et à jouer de boutades pour la faire rebondir et perdurer dans le flou. Trump a plutôt tenté de mettre tout son poids pour libérer Poutine d’une grave hypothèque d’image. Il espère maintenant en retirer un retour. Ce n’est certes pas ce qu’il a dit. C’est pourtant ce qu’il faut entendre… et attendre. Même 24 heures plus tard!

Et en très bon politique qu’il est, c’est sans doute ce que Vladimir Poutine attendait, lui. Message reçu! Il en doit une à Trump… ainsi va la diplomatie internationale.

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On l’a vu, ce ne sont pas les sujets internationaux lourds qui manquent pour alimenter la négociation entre les deux hommes d’États. Le contenu de leur rencontre d’Helsinki témoigne à lui seul de l’évidence que ce n’est pas qu’avec le bilan immédiat de cette journée de rencontres qu’il faut savoir juger de l’utilité de l’événement. Ce n’est que la pointe de l’iceberg d’un complexe et long processus.

Et c’est ici que le jeu de lire les non-dits s’impose particulièrement devant le devoir d’analyse.

Enjeux nucléaires civil et militaire en Iran, état de guerre en Syrie, lutte globale au terrorisme, Ukraine incluant la Crimée, IsraëlPalestine… sont tous des sujets dits.

DEUX NON-DITS

Donald Trump fut un homme d’affaires avant de passer à la politique. Et il a toujours le réflexe de vouloir brasser des affaires. Avec la Russie, il savait qu’il avait devant lui un joueur majeur en matière énergétique.

Le premier non-dit de substance de ce sommet concerne ce sujet. Non pas dans son aspect européen de la chose – l’Allemagne fut bien sermonnée à Bruxelles quelques jours avant – mais dans la perspective de Tokyo.

Avec les riches gisements de gaz et de pétrole de Kovytka, au nord-ouest du lac Baïkal en Sibérie, et leur sortie par la baie de Kozmino, sur la côte russe de la mer du Japon (ville de Nakhodka, à l’est de Vladivostok), grâce à la construction de l’oléoduc Sibérie-Pacifique*, Moscou a tenté sans succès de régler son différend frontalier avec le Japon concernant les îles Kouriles. Il ne faut jamais oublier qu’aucun traité de paix n’a encore été conclu entre le Japon et l’URSS – la Russie – suite au conflit mondial de 1939-45. Intraitable, Tokyo demande le retour complet des quatre îles de son extrême nord (c’est par le Traité de Shinoda de 1855 que la frontière passe au-dessus de Eterofu (ou Iturup), Kurashiri, Skikotan et du petit archipel des îlots Habomaïs) occupées opportunément parce que Staline ordonna à l’Armée Rouge, après la capitulation du Japon, de s’y rendre.

Dès la planification du projet de l’oléoduc Sibérie-Pacifique, devant la situation demanderesse du Japon en matière énergétique, Moscou tenta en même temps d’amadouer Tokyo, mais sans succès. Si le Japon a fait exception à sa position globale de négociation, parce qu’il a finalement accepté de participer au financement de l’oléoduc pour pouvoir s’alimenter en énergie**, il refusa autant tout compromis sur la question d’un éventuel traité de paix et demeure tiède à Moscou pour le reste de ses relations.

Tokyo refuse de mêler les deux sujets.

Mais si Moscou n’arrive pas à faire fléchir Tokyo, Washington le peut davantage.

Or, Donald Trump vient de tenter un grand coup avec la carte de la paix en Asie via la Corée du Nord. Il pourrait très bien rêver de jouer le doublé : en plus du souhaité et de plus en plus probable traité de paix Corée du Sud Corée du Nord, encourager le depuis longtemps aussi souhaité traité de paix JaponRussie. Et ainsi dégager complètement l’Asie de l’Est des stigmates de la seconde GGM en matière de frontières internationales.

La Corée du Nord est d’ailleurs le second non-dit de substance que nous souhaitons ici relever.

Dans sa quête de redonner à son pays le lustre de puissance que son passé impérial permettait, le président Poutine regarde stratégiquement vers l’Asie depuis certainement 2004. Et une partie de la politique coréenne de Vladimir Poutine apporte une pièce surprenante à l’équation. Parce que pendant plusieurs années il s’est obstiné à porter un projet (pourtant jugé « désespéré ») parce qu’il donnait un contenu à la prétention russe de jouer le rôle de pont entre Europe et Asie.

Ledit projet ? C’était de relier les deux grands réseaux ferroviaires transsibérien et transcoréen, en passant non pas par la Chine, mais par l’Extrême-Orient russe pour aboutir au port de Pusan, tout au sud de la péninsule coréenne. Tout un programme !

Or, il lui fallait, pour espérer réussir ce grand coup, en plus de la collaboration directe des deux Corée, l’apport financier du Japon (soient les deux facteurs qui consacrèrent alors le jugement « désespéré » de ce projet… et pour cause!)

Mais cette lecture juste du projet, le condamnant à une utopie, jusqu’à tout récemment, d’un appelons-le train TransEuroAsie de la Paix, l’est-elle encore tout autant en juillet 2018 ?

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« (…) le business de la Russie, c’est le business! En contraste radical avec le passé soviétique, la Russie post-impériale figure parmi les pays les moins idéologiques du monde », analysait déjà en 2007 Dimitri Trenin, un des meilleurs connaisseurs occidentaux de la Russie contemporaine aux yeux d’Hélène Carrère d’Encausse.

Dès sa première arrivée au pouvoir – initialement à titre de premier ministre choisi par Boris Eltsine fin 1999 et comme président avec l’élection de mars 2000 – Vladimir Poutine exposa clairement ce que devait être son pays : puissant, parce que respecté et tenu pour un égal par les autres grands États et participant à toutes les décisions internationales; indépendant, parce que libre de ses décisions fondées sur sa tradition et ses valeurs propres.

Littéralement en faillite en 1992-93 puis à genoux devant le FMI, le chemin de la Russie vers la prospérité fut long. Eh que oui, elle dit merci à ses salvatrices richesses en gaz et pétrole. Long chemin donc, tout comme sa reconquête de puissance.

La Russie, humiliée à bout dans l’affaire de la reconnaissance du Kosovo, ira même jusqu’à instrumentaliser une courte guerre avec la minuscule Georgie, du 7 au 12 août 2008, pour se faire comprendre et respecter, particulièrement par l’OTAN. Président tournant de l’Union Européenne, ce fut alors le français Nicolas Sarkozy qui dut s’activer pour négocier le cessez-le-feu et écouter Medvedev lui expliquer le fond des choses, vue de Moscou.

Avant que l’OTAN ne revienne encore la hanter, cette fois via l’Ukraine, ce pays-frère par ailleurs pour lequel Poutine a très mal jouer ses cartes contrairement à la Georgie, la Russie cependant n’a pas attendu les extrêmes (rappelons ici que le contrat de location de 20 ans de sa stratégique base navale de Sevastopol y tombait à échéance avec 2017) et a « récupéré » en 2014 la Crimée. Ce cadeau de Khrouchtchev fait en son contexte en 1954 qui était devenu intolérable avec les années 2010… Occupation, référendum, annexion et même connexion terrestre, car le président Poutine y a fait travailler des milliers d’ouvriers, sans aucune interruption, pendant plus de 800 jours, pour construire un double pont (route-chemin de fer) de presque vingt kilomètres pour mieux relier la Crimée avec toute la Russie. Il l’a inauguré le 15 mai 2018 et c’est devenu le plus long pont en Europe.

Certes, il est très mal vu en société de reprendre un cadeau donné, mais la Russie se sent maintenant puissante et indépendante. Puis on n’efface pas quelque cinq siècles de réflexe impérial comme ça! Parce que toute l’histoire de la grande Russie c’est bien plus que les sept décennies de l’Union soviétique (1917-1991).

La Russie de Poutine assume incidemment des sanctions de l’Occident depuis son coup en Crimée. Les sommets du G8 repassèrent à G7 l’année même; une année 2014 lors de laquelle la Russie devait même être l’hôtesse du sommet (qui se tint finalement à Bruxelles au beau profit de l’UE).

M. Poutine peut maintenant dire merci à Donald Trump juste pour l’avoir mis ainsi au sommet à Helsinki le 16 juillet 2018. Par ailleurs, le geste témoigne pareillement du non-dit que la vision de Trump de la gouvernance mondiale n’est pas unipolaire, ce qui est une bonne nouvelle pour l’humanité.

Un témoignage aussi que si l’actuel président des États-Unis d’Amérique dit haut et fort America first!, il ne dit pas America alone… Et ça, bien qu’il veuille rebrasser les cartes partout sur son parcours depuis son élection.

Finalement, c’est seulement le temps qui dira sur tous les non-dits d’Helsinki.

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* Le premier tronçon de l’oléoduc Sibérie-Pacifique, long de 2 694 km et inauguré en décembre 2009 (relié opérationnellement début 2011 par un branchement de 930 kilomètres aux raffineries de la ville de Daqing, dans le nord-est de la Chine) compte maintenant un second tronçon de plus de 2 000 km entre Skovorodino et la baie de Kozmino sur la côte russe de la mer du Japon, en service depuis fin 2012. En anglais : ESPO pour Eastern Siberia – Pacific Ocean pipeline system.

** Les exportations russes (crude oil) du terminal Kozmino pour 2016 furent de 31,8 millions de tonnes, en hausse de 4.6%. Pour 2016 toujours, ce pétrole fut exporté ainsi : Chine (69.8%), Japon (12.3%), Corée du Sud (7.5%), Malaysia (5%), Singapore (1.9%), Thailand (1.3%), USA (1%), Philippines et Nouvelle Zélande (0.6%).

Lire notre autre article sur le possible, voire probable G8 de 2020.

Lire aussi :

www.bepax.org/files/files/2011-analyse-dernier-heritage-de-la-guerre-froide-le-conflit-irredentiste-sur-l-archipel-des-iles-kouriles.pdf

http://geopolis.francetvinfo.fr/conflit-des-iles-kouriles-la-russie-et-le-japon-trouvent-une-issue-economique

www.lejournalinternational.fr/Iles-Kouriles-a-l-est-aussi-la-Russie-montre-les-crocs

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Un G7 plutôt moyen

C’est finalement le meilleur adjectif pour qualifier le bilan du G7 à présidence canadienne de 2018 : moyen-moyenne.

Moyenne, tout d’abord comme classe moyenne : parce qu’il faut retenir que c’est un des messages de base du premier ministre Justin Trudeau, président du G7 de 2018, soit celui de viser à rehausser la classe moyenne dans l’ensemble des pays du G7.

« (…) Nous devons veiller à ce que la croissance profite au plus grand nombre, de manière à ce que chacun puisse tirer profit du travail accomplit et bénéficier d’une meilleure qualité de vie. Au Canada, nous réalisons des progrès constants vers l’atteinte de cet objectif grâce à des mesures visant à renforcer et faire croître la classe moyenne, ainsi qu’à aider concrètement les gens qui travaillent fort pour en faire partie.
Dans le cadre de notre présidence du G7 en 2018, le Canada propose, au centre du programme de cette année, le défi de réaliser une croissance qui profite à tous », signait Justin Trudeau dans l’introduction d’un document de 23 pages titrant RÉALISER UNE CROISSANCE QUI PROFITE À TOUT LE MONDE.

Le Canada avait donc préparé ce rapport d’une vingtaine de pages, avec nombre de graphiques, pour mettre en évidence ce défi commun, avec des propositions de moyens pour collaborer et pour le relever. « La réussite des principales économies du monde au cours des cinquante dernières années est en grande partie attribuable aux efforts d’une classe moyenne vaste et en plein essor (…) », analyse ensuite le corps du document, qui vise le double défi de l’inégalité et de la croissance.

Or, le tableau des trois dernières décennies à cet égard est celui d’un décrochage, suivi d’un changement de donne… avec une véritable mise au plancher de la classe moyenne.

TABLEAU 1
Élargissement des écarts de revenu des ménages des pays du G7 globalement sur trois décennies (1985-2014)

Comme l’image bien le Tableau 1, si entre 1985 et 1990 l’élargissement des écarts de revenu est presque nul et sans signification, la tendance à l’élargissement devient évidente entre 1990 et 1995, pour passer pendant la décennie 1995-2005 en mode constant. En fait, il faudra la crise financière mondiale de 2007-08 pour stopper le processus de cet élargissement continuel des écarts de revenu au sein de l’ensemble des pays du G7.

La bonne nouvelle, c’est que depuis 2008, donc pour la période 2008-2014, la tendance des écarts entre les ménages à faible revenu, à revenu moyen et à revenu élevé est restée stable.

Au cours des 30 dernières années, il faut tout de même globalement retenir pour l’ensemble des pays du G7, qu’alors que les 10% des gens touchant les salaires les plus élevés ont vu leurs revenus augmenter de 40% en moyenne, les revenus des 40% des gens touchant les salaires les plus bas ont augmenté de moins de la moitié de ce taux : un retard, d’ailleurs, tout à fait dans la même tendance que pour l’ensemble de la classe moyenne, les 40 à 90% des gens touchant un revenu moyen.

Bref, sur 30 ans, les plus riches ont décroché seuls vers le haut, alors que la classe moyenne a eu, elle, tendance à toujours s’éloigner davantage du partage de cette création de richesse. Le G7 a donc vu sa classe moyenne se tasser vers l’appauvrissement relatif.

Mais le constat est aussi que les pays du G7 ne maîtrisent pas collectivement la solution à ce défi : lorsque l’on tient compte de paramètres autres que le revenu, les pays du G7 « peinent » carrément à faire en sorte que la prospérité soit largement partagée.

« Dans l’édition 2018 de l’indice du développement inclusif du Forum économique mondial, qui est une évaluation annuelle du rendement de 103 pays relativement à onze dimensions du progrès économique en plus du PIB, aucune économie du G7 ne figure dans les 10 premiers rangs, malgré notre relative vigueur économique », relève le rapport (p. 8).

Les pays du G7 ne sont donc pas les leaders qui montrent la meilleure direction.

C’est peut être pour cette raison que leur président pour 2018 a osé! Justin Trudeau n’a pas eu peur, dans ledit rapport, d’y inclure cette statistique « renversante » sur les inégalités dans l’ensemble du monde :

« En 2017, 42 personnes possédaient une richesse égale à celle des 3,7 milliards de personnes formant la moitié la plus pauvre de la population mondiale. » (p. 8)

Moyens que propose le rapport canadien :

  • Voir à aider les travailleurs à s’adapter au monde du travail.
  • Réaliser une croissance solide en investissant d’abord dans les gens.
  • Veiller à ce que chacun paie sa juste part en luttant contre les évitements et évasions fiscaux partout.
  • Mieux mesurer la croissance profitable pour tous.

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Moyen, ensuite, pour l’ampleur et le nombre des décisions prises à ce G7 de 2018.

Les journalistes avaient plutôt tendance à trouver le temps plus long que la moyenne au Centre des médias de ce G7, car les points de presse ne s’y bousculaient pas.

Un point de presse pour l’annonce de l’engagement – clairement ici sous le leadership actif de l’institution états-unienne en la matière – d’un groupe d’IFI à viser la constitution d’ici deux ans d’un fonds de 3 G$ dédié à l’entreprenariat féminin dans le monde.

Un point de presse pour l’annonce des 3,8 milliards $ qui seront consacrés à l’éducation des femmes et des jeunes filles dans les situations les plus pénibles à travers le monde.

Et ce n’est ensuite que la conférence de presse de clôture du premier ministre Trudeau qui a confirmé l’adoption d’une position sur les océans (Plan d’action de Charlevoix pour la santé des océans et des mers et des communautés côtières résilientes) avec notamment, en annexe, sa Charte sur les plastiques dans les océans, à portée finalement moyenne, car n’engageant que les dirigeantes et dirigeants du Canada, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Royaume-Uni et de l’Union européenne… Les États-Unis et le Japon se sont ici abstenus. M. Trudeau confirmant alors « fièrement » une « Déclaration commune du G7 » alors « avec l’assentiment de tous ».

Mais on sait maintenant que la moyenne au bâton en cette matière fut ensuite « twitement » recalée par le reniement de signature du président Trump, se détachant de ladite « Déclaration commune du G7 de 2018 », dans un fracassant Tweet surprise, envoyé de son avion en plein vol vers Singapour, juste après avoir quitté Charlevoix.

Donald Trump n’a pas aimé la moyenne des mots de Justin Trudeau à son égard pendant la conférence de presse de clôture de ce Sommet du G7. Il en a donc reviré son chapeau de bord.

Bien drôle de moyen, qui n’est certes pas dans la moyenne des G7 en matière de collaboration et de diplomatie entre pays alliés.

Mais l’affaire n’a pas encore fait perdre ses moyens à son hôte et Justin Trudeau a gardé depuis son calme. Il reste satisfait de son sommet. Déjà assuré d’avoir clairement bien défendu et espérant encore pouvoir « (…) renforcer la classe moyenne et favoriser une croissance généralisée (…) », comme il insistait encore dans la conclusion de son document de travail, déjà cité ci-haut !

Au final, un G7 moins que moyen ? Plus que moyen ? Jouons pour plutôt moyen. Ce que le temps, voire l’histoire, confirmera, ou pas !

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Bienvenue au « G8 » de 2020

Rien n’est anodin dans un ballet diplomatique de haut niveau tel qu’un Sommet du G7. Ainsi, la déclaration du président Donald Trump à l’égard de l’absence de la Russie à la table des participants de 2018 avec son souhait de revoir ce pays au sein du Groupe est importante. Dans le contexte actuel, c’est possiblement la manière Trump de faire savoir à ses collègues ce qu’il entend faire pour 2020. Alors bienvenue au « G8 » de 2020, quelque part aux USA.

TRUMP POURRA LE FAIRE

Le contexte, c’est que si pour 2019 c’est la France qui prend les rennes de la présidence du Groupe et qui organisera le prochain Sommet du G7, selon la routine de travaille des membres, viendra ensuite le tour des États-Unis. Et donc en 2020, alors qu’il sera à la dernière année de son actuel mandat présidentiel de quatre ans, Donald Trump pourra très bien prendre l’initiative d’accueillir à titre d’invité le président russe Vladimir Poutine.

« Oui, la marge de manœuvre du président qui organise un Sommet le permettrait », nous a confirmé le professeur John J. Kirton, directeur et fondateur du G7 Research Group de l’Université de Toronto, rencontré au Centre des médias le 8 juin, le jour même de la déclaration surprise du président Trump.

Si le consensus des 7 serait requis pour revoir participer la Russie comme membre du Groupe, et donc revenir du G7 à un G8, l’hôte Trump pourra, seul et devant lui-même, faire de la Russie SON invité et l’imposer à l’entourage des six autres participants. Un peu comme Justin Trudeau a fait à sa manière, en invitant 12 pays pour un sujet unique bien ciblé (la lutte aux déchets plastiques dans les océans), le président Trump aura aussi une marge d’initiative pour donner SA touche à son sommet, en 2020.

Le président Poutine ne pourrait ainsi probablement pas participer à toutes les séances de travail du G7 de 2020, mais il y pèserait certainement de sa seule présence et du fait de l’importance des discussions informelles en marge de la procédure et du déroulement de la réunion. On pourrait donc parler d’un « G8 » entre guillemet! Et reste aussi à voir que seront les thèmes et priorités que le président Trump, président hôte, voudra donner au Sommet de 2020. Ce qui pourrait encore jouer sur la pertinence et les possibilités de faire asseoir plus d’une fois Vladimir Poutine autour de la table.

BIENVENUE À BIARRITZ EN 2019

Quant à 2019, lors de sa conférence de presse, tenue à La Malbaie au sortir du G7 de 2018, le 9 juin, le président Macron de France a été clair sur cette question : « La Russie a été exclue par consensus du Groupe. Il y a eu les Accords de Minsk, suite à l’occupation russe de la Crimée, en Ukraine. Si la Russie respecte les Accords de Minsk, il me fera plaisir de l’accueillir en 2019 ».

En 2019, le Sommet se tiendra à Biarritz, « à la fin de l’été à une date encore à déterminer », a aussi annoncé le président Macron. Et il reste peu probable de voir Vladimir Poutine s’y pointer, pour réintégrer le Groupe des grandes puissances.

Mais pour 2020, les chances sont maintenant très grandes. Soulignons notamment que l’italien Conte avait affirmé, lui aussi sur Twitter, « être favorable » au retour de la Russie dans le groupe.

« Ils ont expulsé la Russie, ils devraient réintégrer la Russie. Parce que nous devrions avoir la Russie à la table de négociations », avait pour sa part dit le président Trump avant de quitter Washington le 8 juin au matin.

La pertinence d’avoir la Russie à cette table de négociations ne peut pas être niée fondamentalement par les autres membres du G7. Et la mise en punition de la Russie ne peut pas être éternelle. Washington et Rome semblent prêts à négocier.

La Russie, expulsée des Sommets en 2014 après avoir annexé la Crimée et avoir vu depuis les leaders du G7 lui imposer des sanctions à ce propos et rappelé, par ailleurs, à l’ordre Vladimir Poutine pour son soutien au régime de Bachar Al-Assad en Syrie, en a cependant beaucoup encore à se faire pardonner.

Très officiellement, les quatre pays européens présents au G7 de Charlevoix de 2018, soit la France, l’Italie, l’Allemagne et le Royaume Uni, sont tombés d’accord à la clôture du vendredi 9 juin pour « refuser » le retour dans le cénacle de la Russie. Emmanuel Macron, Giuseppe ConteAngela Merkel et Theresa May ont convenu que « (…) la position européenne n’est pas un retour de la Russie » tout en rappelant la « vigilance du G7 » face à Moscou et en évoquant « la possibilité d’établir un dialogue »… ce qui semble clairement une concession faite à Rome.

Et un début d’ouverture vers la vision de Donald Trump !

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