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Renégocier l’ALÉNA : Faut-il ramener le projet «Eau du Nord» ?

Non il ne s’agit pas de l’idée de Robert Bourassa avec son « Énergie du Nord » de 1985 proposant d’utiliser des eaux de la Baie-James pour répondre aux besoins en eau des populations du sud. Mais c’est en référence et par respect pour la mémoire dudit ex-premier ministre Bourassa que le projet de l’ingénieur F. Pierre Gingras porte ce nom : « Eau du Nord » et ce de son aveu même.

Donc pas question d’aménager un gigantesque barrage fermant la Baie-James d’une énorme digue pour y détourner son eau douce. Son concept est beaucoup plus économique et facile à réaliser, car plutôt que de laisser s’écouler vers la Baie-James les eaux pour les pomper ensuite jusqu’au niveau du col de Val-d’Or, on propose de les dériver immédiatement à partir de la partie supérieure de la cascade, directement dans le secteur de Matagami. Plus de 85% de l’effort de pompage s’en trouvant ainsi déjà éliminé.

Et pas plus besoin de centrales nucléaires pour l’énergie de pompage nécessaire, car les eaux seraient graduellement turbinées dans les 300 mètres de chutes de la Rivière des Outaouais déjà pourvue de plusieurs centrales hydroélectriques qu’il ne faudrait que suréquiper, pour en plus générer en même temps un important excédent d’énergie. « Ce qui suffit déjà à rentabiliser le complexe », selon l’ingénieur Gingras. Dans l’ouvrage qu’il a publié en 2010, il parlait de 14 térawatts/heure (TWh) annuellement. À fins de comparaison, l’ensemble des quatre barrages des projets du complexe de la Romaine, sur la Côte-Nord, représentent une production annuelle moyenne de 8 TWh.

Cette énergie suffirait en grande partie pour rentabiliser le projet, avant même de négocier la vente d’eau potable. En fait, son projet se justifie rien que pour l’aspect production énergétique, en oubliant même l’aspect du déplacement d’eau pour fournir le sud.

CONTOURNER L’EXPORTATION

En déplaçant cette eau, le Québec ne l’exporte pas chez l’oncle Sam ! Mais toute l’eau qui s’écoulerait ainsi dans le St-Laurent est de l’eau en moins que les Grands Lacs devraient lui fournir pour maintenir son niveau dans le port de Montréal ou le Lac St-Pierre. Donc autant d’eau que des accords ultérieurs pourraient laisser être utilisée sur place, en amont, pour les besoins du Midwest, par exemple.

La nature du territoire entier du Québec rejette en mer un débit moyen de 40 000 MCS (mètre cube seconde) ; le projet « Eau du Nord » veut en détourner 800 MCS, soit approximativement 2%. On peut l’imager aussi en pensant à environ 25 kilomètres cubes d’eau annuellement. Mais ici, on ne parle pas d’une captation en continu des eaux ; on veut stocker en réservoirs (les lacs du territoire) strictement les crues du printemps et de l’automne. Ainsi, on régularise aussi les extrêmes.

SE PRÉMUNIR CONTRE L’AVENIR

Tout le système St-Laurent-Grands Lacs est déjà en déficit historique d’eau. Pourtant, il s’agit de quantités d’eaux douces actuellement faramineuses. Si on estime que les eaux douces renouvelables du Québec – qui comporterait 10% des rivières de la planète – totalisent un débit moyen de 40 000 MCS, même au rythme de consommation généreux de 100 gallons/habitat/jour son territoire pourrait fournir 7,5 milliards d’être humains. Bref, l’Humanité entière !

Mais si les changements climatiques nous prédisent une élévation du niveau de l’océan mondial, c’est l’inverse qui menace les eaux intérieures du continent nord-américain. Avec les changements climatiques, les apports en eau de la région des Grands Lacs s’amenuiseront de 24%, selon Environnement Canada.

Faire passer une partie de l’eau du Nord par le St-Laurent, plutôt que par la Baie-James, avant qu’elle ne se jette dans les océans salés – de l’Arctique ou de l’Atlantique Nord – est donc un moyen de se prémunir contre des épreuves annoncées.

F. Pierre Gingras travaille sur son projet depuis 2004 et il n’a pas eu beaucoup de difficultés à convaincre, en 2008, l’Institut économique de Montréal pour l’appuyer. Spécialiste en génie industriel, il a œuvré pendant 31 ans dans la construction d’ouvrages hydroélectriques à Hydro-Québec, dont 17 à titre de responsable de l’unité de planification et d’estimation des grands projets.

 

Territoire dont il est question avec ce projet.

La proposition «Eau du Nord» reste-t-elle toujours bonne en l’état ?

« Ce projet demeure encore et toujours intéressant sur les plans environnement, financier et énergétique et ce, notamment pour les raisons suivantes :

  • Il permettrait, pour un coût très économique, de remplacer tous les vieux ouvrages du bassin de la Rivière des Outaouais, lesquels ne répondent plus, pour plusieurs, aux exigences actuelles (certains ouvrages peuvent déverser plus d’eau que les ouvrages situés à l’aval peuvent en déverser à leur tour) ;

  • Il constitue le projet le plus économique pour ajouter une production de plus de 3 000 MW dont l’Ontario aurait bien besoin et ce, à proximité des grands centres ;

  • Avec le démembrement du défunt projet du Complexe Nottaway-Broadback-Rupert, il n’est plus possible de stocker l’eau de la Rivière Nottaway dans la vallée de la Rivière Broadback maintenant protégée. Alors, tous ces importants volumes d’eau, spécialement en ce qui concerne les eaux des crues, seront perdus ;

  • Le bassin du St-Laurent aura besoin de plus d’eau… pour permettre aux populations des Grands Lacs de satisfaire leurs besoins. »

    F. Pierre Gingras

Pense-t-il que le Plan Nord du gouvernement du Québec (avec la Société du Plan Nord) en tient compte?

« Je suis convaincu que non. Le Gouvernement (du Québec) se base entièrement sur les prévisions et projets étudiés par Hydro-Québec, ce qui est normal d’ailleurs. On notera que jamais Hydro-Québec n’a proposé un projet spécifique dans ce Plan Nord, ce qui est normal pour des considérations politiques. Hydro-Québec n’a cité à ce jour que des budgets », de nous répondre encore l’ingénieur F. Pierre Gingras.

En cette année 2017 qui sera probablement celle qui verra aussi les trois partenaires de l’ALÉNA rouvrir une négociation sur le libre-échange en Amérique du Nord, la question de l’eau et des options possibles de sa meilleure gestion risque fortement de se retrouver sur la table des négociateurs.

Alors voici une question que se pose : Faut-il y ramener le projet « Eau du Nord » ?

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L’eau du Nord – Un projet réaliste, durable et rentable pour exploiter l’or bleu québécois, IEDM, LES NOTES ÉCONOMIQUES (hors série), Juillet 2009 : www.iedm.org/files/juillet09_fr.pdf

plannord.gouv.qc.ca

 

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Exportations d’eau à grande échelle : la Commission mixte internationale félicite les gouvernements pour la protection des Grands Lacs

C’est un enjeu majeur en Amérique du Nord à moyen et long terme : la gestion des eaux des cinq Grands Lacs, immense réserve mondiale en eau douce. Allons plus loin sans hésitation et parlons de la protection des Grands Lacs! Hors la Commission mixte internationale (CMI) a félicité, mi-janvier 2016, les gouvernements fédéraux, étatiques et provinciaux pour les énormes progrès qu’ils ont réalisés dans le bassin des Grands Lacs afin de le protéger des déviations de cours d’eau et d’y gérer les utilisations avec prélèvement.

En 2000, la CMI a demandé aux gouvernements de renforcer les moyens de défense contre les dangers posés par les transferts à l’extérieur du bassin des Grands Lacs. Ledit rapport vise à résumer les progrès réalisés depuis ce temps.

Selon le rapport de la CMI, les développements réalisés depuis 2000 constituent « en majeure partie une réussite ». Les lacunes d’ordre stratégique que la CMI a mises en évidence en 2000 ont été en grande partie comblées. Afin de maintenir cette dynamique positive, il faudra à la fois de la vigilance en matière de gestion et de nouvelles avancées scientifiques.

La plus grande réalisation depuis la publication du rapport de la CMI en 2000 a été la signature en 2008 du Great Lakes-St. Lawrence River Basin Water Resources Compact par les huit États bordant les Grands Lacs et d’un accord parallèle par ces huit États, l’Ontario et le Québec dans le but d’interdire la plupart des déviations et des exportations.

PROTECTION DES GRANDS LACS

Les États et les provinces ont pris d’autres mesures importantes en vue de protéger les eaux des Grands Lacs des déviations et des exportations.

« Les citoyens de la région des Grands Lacs ont été bien servis par leurs gouvernements, qui ont adopté une approche rationnelle et efficace pour mettre un frein aux transferts à l’extérieur du bassin. Il s’agit là d’un véritable modèle pour les bassins versants de partout dans le monde, qui met l’accent sur la conservation de l’eau et l’intendance », a déclaré Benoît Bouchard, commissaire de la section canadienne.

« Il n’y a pas de surplus d’eau dans les Grands Lacs, car seulement 1% de l’alimentation en eau de la région des Grands Lacs est renouvelé chaque année par les chutes de pluie et la fonte des neiges », a déclaré Dereth Glance, commissaire de la section des États-Unis.

En vue de renforcer les défenses de la région contre les transferts d’eau à grande échelle, la CMI recommande que :

  • les États, les provinces et les gouvernements fédéraux élaborent des méthodes visant à améliorer l’exactitude des données sur l’utilisation de l’eau et des estimations de l’utilisation avec prélèvement;
  • en plus de continuer à appliquer une approche de gestion adaptative pour la prise de décisions relatives aux déviations, aux utilisations avec prélèvement et à la gestion des niveaux d’eau des lacs, les gouvernements fédéraux, provinciaux et étatiques intègrent la résilience aux changements climatiques dans les politiques et pratiques de gestion pertinentes;
  • les États et les provinces tiennent entièrement compte des conséquences écologiques et des effets négatifs sur la qualité de l’eau qu’entraînent les prélèvements d’eau souterraine lorsqu’ils ont à établir des procédures de délivrance de permis d’utilisation de l’eau et à prendre des décisions concernant l’utilisation avec prélèvement;
  • les organismes de recherche fédéraux, provinciaux et étatiques continuent d’améliorer la cartographie et la compréhension des aquifères souterrains dans le bassin, afin de déterminer les endroits où l’approvisionnement en eau souterraine pourra se dégrader à l’avenir et de sélectionner les méthodes de gestion permettant d’éviter ces problèmes;
  • les secteurs public et privé de la société établissent une collaboration à grande échelle en vue d’améliorer l’intendance des ressources hydriques en colmatant les fuites dans les infrastructures hydrauliques publiques, en appuyant l’innovation et en augmentant le financement nécessaire pour combler le déficit régional lié aux infrastructures hydrauliques;
  • les États et les provinces envisagent la possibilité d’adopter un cadre binational de fiducie d’intérêt public comme filet de sécurité pour le Compact et l’accord de 2008.

Le CMI a constaté que de grandes lacunes persistent entre nos connaissances sur les niveaux d’eau et les débits, et sur leurs effets sur l’écosystème du bassin. En raison des incertitudes actuelles, notamment celles qui sont liées aux changements climatiques et à la simple menace de l’imprévisible, les administrations dans le bassin doivent continuellement appliquer un principe de précaution afin d’assurer, dans la mesure du possible, un approvisionnement suffisant pour toutes les utilisations à long terme de l’écosystème et du milieu socioéconomique. 

La Commission mixte internationale a été créée en vertu du Traité des eaux limitrophes de 1909 pour aider les États-Unis et le Canada à prévenir et à résoudre les différends relatifs à l’utilisation des eaux qu’ils partagent.

Pour obtenir de plus amples renseignements sur la protection des eaux dans les Grands Lacs, veuillez consulter le rapport complet.

IMPLICATION DES BASSINOIS-BASSINOISES

Dans ce contexte, il n’est pas inutile de rappeler le rôle que peut jouer le citoyen à la base. Et c’est dans cet esprit que les 26 et 27 juin 2012, une quarantaine de participants venus des quatre coins du bassin, de Chicago aux Îles de la Madeleine, du lac Champlain à la Basse-Côte-Nord, se sont réunis à Québec pour un premier rendez-vous citoyen. Ce séminaire de travail a permis d’élaborer des orientations communes, de définir les conditions d’une meilleure participation citoyenne dans la gestion intégrée des ressources en eau, et a mené à l’adoption de cet Appel citoyen : «Des solitudes au ralliement».

« Le 27 juin 2012, des représentants du SIE et du Réseau des organismes de bassin versant d’Amérique du Nord (ROBAN) ont pris la parole devant l’Assemblée générale de l’Alliance des villes des Grands Lacs et du Saint-Laurent afin de leur présenter la Symphonie ainsi que le résultat des deux jours de rencontre à Québec. Cette initiative est coordonnée par le Secrétariat International de l’eau », résumait Raymond Jost, le secrétaire général du SIE, à l’origine de cette initiative.

Cette 1ère Symphonie Grands Lacs/St-Laurent et sons Golfe avait surtout fait prendre conscience de l’interdépendance de l’ensemble du territoire : du premier des Grands Lacs au cœur du continent nord-américain, jusqu’au Golfe du St-Laurent aux portes de l’océan Atlantique. Et de l’unicité de la population habitant cet immense bassin hydrographique, pour qui le nom de « Bassinois / Bassinoises » fut alors adopté.

Lire aussi :

L’EAU c’est la vie!
1ère Symphonie Grands Lacs/St-Laurent, Québec, juin 2012

http://www.mediaterre.org/international/actu,20120719202130.html

http://www.umoncton.ca/umcs-bddzc/files/umcs-bddzc/wf/wf/pdf/1re%20Symphonie%20Grands%20Lacs%20Saint-Laurent.pdf