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Défi : survivre aux « quatre cavaliers de l’Infocalypse »

L’Empire de la surveillance. C’est le titre d’un essai d’Ignacio Ramonet de 2015 devenant doublement intéressant parce que contenant aussi une interview avec Julian Assange sur le même sujet. Les explications du fondateur de WikiLeaks sur sa rencontre de juin 2011 avec Eric Schmidt, alors président exécutif de Google et ensuite devenu patron d’Alphabet, sont révélatrices d’un malaise de société en pleine construction. Et les plus récentes années confirment effectivement que les liens entre le gouvernement des États-Unis, surtout la NSA (National Security Agency), et les dirigeants du GAFAM (Google, Apple, Facebook, Amazone, Microsoft) sont bien réels, voire proche de la collusion. Bref de gros arguments pour les tenants de la mise en place d’une efficace, réelle et menaçante société sous totale surveillance. Sommes-nous vraiment sous l’emprise d’un empire de la surveillance? Nos libertés fondamentales sont elles menacées devant la quête de sécurité? Confrontés aux menaces du mal, nos États vont-ils trop loin? Assange affirme lui même que les démocraties sont confrontées à pas moins de « quatre cavaliers de l’Infocalypse » : le terrorisme, la pornographie enfantine, le blanchiment d’argent, ainsi que les guerres contre la drogue et le narcotrafic.

Selon le Larousse, surveiller, c’est « observer attentivement quelqu’un ou quelque chose pour le contrôler ».

Chacun des quatre fléaux « infocalyptiques » doivent évidemment être combattus. Mais pour Julian Assange, ils servent aussi de « prétexte » au renforcement permanent des systèmes de surveillance globale des populations. Ramonet résume bien la chose : « Le problème n’est pas la surveillance en général, c’est la surveillance de masse clandestine. »

« Il va de soi que, dans un État démocratique, les autorités ont toute légitimité, en s’appuyant sur la loi et avec l’autorisation préalable d’un juge, de placer sous surveillance toute personne qu’elles estiment suspecte. » Ignacio Ramonet

« (…) Le problème, c’est lorsqu’ils nous contrôlent tous, en masse, tout le temps, sans aucune justification précise pour nous intercepter, sans aucun indice juridique spécifique démontrant qu’il existe une raison plausible à cette violation de nos droits », dans « Entretien avec Edward Snowden », New York, The Nation, 28 oct. 2014.

Dans son livre le plus célèbre, De la démocratie en Amérique (1835), Alexis de Tocqueville, qui observait que les démocraties de masse produisent des citoyens privés dont une des préoccupations principales est la protection de leurs droits, n’avait rien pour voir venir le monde soudainement orwélien, à la 1984, que l’Internet pose dorénavant.

Depuis le 11 Septembre, la quête de sécurité absolue que vendent de plus en plus de politiciens populistes au nom d’un État protecteur face au terrorisme est une chimère. Outre les révélations de l’état de nos États en la matière portées à la connaissance du grand public par les lanceurs d’alerte, le citoyen des années 2010, et à venir, devrait aussi se souvenir de la lucide mise en garde qu’avait lancée Benjamin Franklin lui-même, cet auteur de la Constitution des États-Unis d’Amérique : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’un ni l’autre. Et finit par perdre les deux ».

Ramonet nous offre d’ailleurs une définition d’Internet qui donne bien le ton de l’enjeu : « Pour ces nouvelles générations, Internet représente ce qu’étaient pour leurs aînés, à la fois l’École et la Bibliothèque, l’Art et l’Encyclopédie, la Polis et le Temple, le Marché et la Coopérative, le Stade et la Scène, le Voyage et les Jeux, le Cirque et le Bordel »

LA BATAILLE POUR L’INTERNET DE L’AVENIR

Mondialement, l’Internet est encore un « jeune adulte » qui profite de ses 20 ans. Né libre, il veut conserver ce caractère face à l’État. Mais devant lui le contrôle des États est puissant et rusé. Et se dresse avec plus d’un demi siècle d’expérience. Car c’est dès septembre 1945 que le président Harry Truman accepte d’entamer des négociations secrètes afin de constituer une alliance qui fera naître dès mars de l’année suivante un SIGINT même en temps de paix au profit du « Five Eyes » : USAUKCanadaAustraliaNew-Zeland.

SIGINT comme : Signals Intelligence. C’est-à-dire le renseignement d’origine électromagnétique dont les sources sont des communications utilisant les ondes (radio, satellite), un radar ou des instruments de télémesure. Donc, outre les écoutes téléphoniques, un SIGINT comporte la surveillance des courriers électroniques et des réseaux sociaux de l’Internet d’aujourd’hui.

Ramonet qualifie l’accord de 1945 d’ « ancêtre » de la NSA; elle, officiellement créée en 1952 en unifiant les différentes agences de renseignement militaires des États-Unis. Elle, aujourd’hui installée à Fort Meade, et qui utiliserait maintenant jusqu’à des insectes volants robotisés pour espionner partout dans le monde (le Courrier international en parlait dans son édition du 1er avril 2010).

Pour souligner les risques d’installation d’une « société de contrôle » l’essai d’Ignacio Ramonet rappelle aussi les mots du philosophe Michel Foucault, qui dans son livre Surveiller et punir expliquait comment un « panopticon » crée un « sentiment d’omniscience invisible ». Imaginé bien avant lui, en 1791, par le philosophe utilitariste, celui-ci anglais, Jeremy Bentham, ledit dispositif architectural permet aux gardiens, dans l’enceinte d’une prison, de voir sans être vus. Exposés en permanence au regard dissimulé des gardiens, les prisonniers vivent alors dans la crainte permanente d’être pris en faute. Ce qui les conduit à s’autodiscipliner…

Est-ce le genre de société que l’avenir nous réserve…, une surveillance constante par « contention numérique ». Effectivement : « La bataille pour les nouveaux droits civiques de l’ère numérique ne fait que commencer ».

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