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Lower Mekong initiative : 10 ans d’efforts de partenariat multinational

Née en 2009, contextuellement le 23 juillet, la Lower Mekong initiative (LMI) / l’Initiative du Bas Mékong représente maintenant une pleine décennie d’efforts d’un partenariat multinational qui vient présentement en aide à plus de 70 millions de personnes dont la vie dépend largement du long fleuve Mékong.

Créée d’abord par les États-Unis et le Cambodge, le Laos, la Thaïlande et le Vietnam – voyant s’y joindre le Myanmar en 2012 – le LMI vise à encourager une croissance équitable, durable et inclusive dans la région du Bas Mékong en croisant l’avenir de six pays différents. C’est une conséquence de la rencontre de la secrétaire d’État Hillary Clinton avec les ministres des Affaires étrangères des quatre autres pays fondateurs, à Phuket, en Thaïlande, le 23 juillet 2009. L’initiative visa directement à relever les défis du développement régional, en mettant en œuvre des projets et des programmes de renforcement des capacités avec la participation active et une étroite coopération des gouvernements. Elle encourage depuis la coopération sous-régionale intégrée et le renforcement des capacités dans tout le Bas Mékong.

La Lower Mekong initiative est structurée en six « piliers » qui gèrent les politiques et les activités de programme :

  • Environnement et l’Eau (co-présidé par le Vietnam et les États-Unis)
  • Santé (co-présidé par le Cambodge et les États-Unis)
  • Agriculture et sécurité alimentaire (co-présidé par le Myanmar et les États-Unis)
  • Connectivité (co-présidé par le Laos et les États-Unis)
  • Éducation (co-présidé par la Thaïlande et les États-Unis)
  • Sécurité énergétique (co-présidé par la Thaïlande et les États-Unis)

Elle s’implique aussi à propos de questions transversales telles que l’autonomisation des femmes et l’égalité des sexes.

Conçue pour servir de forum pour les partenaires, elle vise à développer des réponses communes aux défis les plus pressants du développement transfrontaliers. Mise en place de plates-formes pour le dialogue et la facilitation des possibilités d’échange d’expertise et de meilleures pratiques. Renforcement de la connectivité régionale, en créant des liens entre les institutions, les secteurs public et privé, et des personnes dans la région du Mékong et avec les États-Unis. Travailler avec les pays du Bas Mékong et les donateurs internationaux pour trouver des solutions pour les principaux défis régionaux, en se concentrant sur l’eau, l’énergie et le lien entre la sécurité alimentaire et l’égalité des sexes et l’autonomisation des femmes. Voilà les principaux objectifs de la LMI.

3,8 MILLIARDS $US D’AIDE PUBLIQUE EN 10 ANS

Vue de Washington, la LMI représente plus de 3,8 milliards de $US d’aide publique mise à la disposition des cinq pays partenaires en dix ans. Récemment, le secrétaire d’État en poste à Washington, Mike Pompeo, a ainsi présenté les nouveaux efforts qui sont déployés pour renforcer le secteur énergétique et la sécurité dans cinq pays riverains du Mékong :

« Nous continuerons de participer à la protection de votre souveraineté et de votre sécurité, de vous aider à prospérer et de contribuer à préserver vos cultures et votre environnement d’une grande richesse », a-t-il déclaré, lors d’un événement organisé à Bangkok, le 1er août, pour fêter le 10e anniversaire de l’Initiative du Bas Mékong.

La déclaration vient ici étayer l’attachement des États-Unis à un « bassin Indo-Pacifique libre et ouvert ». L’engagement des milieux d’affaires états-uniens étant pleinement au centre de l’objectif de Washington pour le bassin Indo-Pacifique, alors qu’aucun pays n’investit autant dans la zone que les États-Unis, dont les investissements directs étrangers, chiffrés à 940 milliards de dollars en 2018, stimulent la croissance.

Le secrétaire d’État Pompeo a d’ailleurs aussi annoncé le lancement d’un partenariat entre les États-Unis et le Japon, le Japan-U.S.A. Mekong Power Partnership (JUMMP), qui aura pour but de développer les réseaux électriques régionaux, avec un engagement initial des États-Unis de 29,5 millions de dollars.

Les États-Unis sont également déjà un partenaire de développement dans le cadre de la Stratégie de coopération économique Ayeyawady-Chao Phraya-Mekong (ACMECS) qui est un partenariat régional formé par les cinq pays du bas-Mékong.

L’un des plus longs fleuves d’Asie, le Mékong abrite un écosystème aquatique d’une grande diversité, qui offre donc des opportunités agricoles et commerciales aux régions situées le long du fleuve. Mais depuis quelque temps, le niveau des eaux du fleuve a baissé à cause des barrages en amont qui entravent l’accès à l’eau dans les cinq pays. Mike Pompeo a, à ce propos, indiqué que les États-Unis organiseraient une conférence pour le bassin Indo-Pacifique qui renforcera le soutien à une « approche transparente et fondée sur des règles ».

(Source:  share.america.gov/fr )

L’organisme opère actuellement son Plan directeur d’action 2016-2020. Non conçu pour recevoir les propositions, les demandes d’aide, ou des demandes de financement de la société civile ou du secteur privé, il est cependant toujours à la recherche d’idées de programmation et de partenariats potentiels. Il compte même officiellement son propre réseau d’amis…

LES AMIS DU BAS MÉKONG

En partenariat avec la Lower Mekong initiative, les « Amis » du Bas Mékong est un consortium d’États et de donateurs partageant les mêmes idéaux de la coordination des politiques internationales et de l’ engagement du secteur privé multinational comprenant l’Australie, la Nouvelle-Zélande, la Banque mondiale, la Banque asiatique de Développement, le Japon, la Corée du Sud et l’Union Européenne.

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https://www.lowermekong.org

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Laos : future « batterie électrique » de l’Indochine

Autrefois l’un des derniers grands fleuves sans infrastructure hydro-électrique, le Mékong pourrait bien devenir l’un des fleuves les plus endigués en Asie, alors que d’ici 2030 quelque 70 barrages devraient devenir opérationnels tout au long des presque 5 000 kilomètres de son cour. Si la Chine compte bien continuer d’y prélever sa très large part, c’est le petit Laos qui affiche la vision de devenir la « batterie de l’Asie du Sud-Est ». Mission possible… si le Mékong tient le coup !

Outre la portion en Chine, 11 projets hydroélectriques sont connus pour le Mékong : 2 chantiers de barrages actuellement en construction, plus 7 en projet, au Laos seulement, et deux projets du côté de la Thaïlande.

La Commission du Mékong estime ainsi que le Laos pourrait voir 70% de ses recettes d’exportation (2,6 milliards US$ annuellement) générées par les barrages traditionnels, lorsqu’ils seront tous opérationnels. En clair, c’est le Laos qui a l’ambition de devenir la « batterie électrique » de cette partie de l’Asie. Le pays a d’ailleurs déjà des engagements pour fournir des kilowatts à ses voisins.

Le Mékong est un fleuve stratégique. Il est en comparaison plus important que le fleuve St-Laurent dans la hiérarchie des grands fleuves du monde. Naissant dans les hauteurs des plateaux de l’Himalaya, il irrigue d’abord la province du Yunnan en Chine, puis le Laos, la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam, qui profite de sont imposant delta. Le Mékong fait vivre plus de 70 millions de personnes sur ses rives. Les Thaïlandais l’appellent « mère de tous les fleuves », alors que pour les Chinois c’est le Lancang Jiang, « le fleuve turbulent ».

Mais la multiplication des barrages hydroélectriques arrive alors que le Vietnam souffre de la pire sécheresse depuis près d’un siècle et que le Cambodge fait face à une pénurie d’eau qui pourrait compromettre plus de 1 million de personnes. Et la Chine, elle aussi, table énergétiquement sur « les fleuves de l’ouest » : selon son dernier Plan quinquennal, en 2020, elle planifie que 63% de son hydroélectricité proviendra du Mékong, du Salouen et du Brahmapoutre ou de leurs affluents, qui ont tous leurs sources en terres chinoises.

Et le gouvernement de Pékin a tous les moyens de ses ambitions. La partie chinoise du Mékong, c’est environ 20% du long fleuve. Elle compte déjà 6 barrages actifs (le plus vieux date de 1995 et le plus récent de 2012), mais 4 autres barrages y sont actuellement en construction et encore 4 autres à l’étape de projet.

Le Mékong tiendra-t-il le coup ?

Grand fleuve transfrontalier, le Mékong n’a pas jusqu’à maintenant pleinement profité de la valeur ajoutée de la coopération en matière de gestion de son potentiel.

Il faut savoir que la Commission du Mékong (Mekong River Commission – MRC), créée en 1995, n’y a pas tellement bonne réputation. On peut même penser que la récente initiative de Pékin vise carrément à la remplacer.

The MRC is an intergovernmental organisation for regional dialogue and cooperation in the Lower Mekong River Basin, established in 1995 based on the Mekong Agreement among Cambodia, Lao PDR, Thailand and Viet Nam. The Organisation serves as a regional platform for water diplomacy as well as a knowledge hub of water resources management for the sustainable development of the region.

The MRC invited China and Myanmar as “dialogue partners” in 1996 and since then has been cooperating with the two partners in technical aspects of water resource management. (www.mrcmekong.org)

La Chine a en effet créé, en novembre 2015, la Lancang-Mekong Cooperation (LMC) Initiative, pour tendre la main aux pays voisins.

The Mekong River Commission (MRC) has welcomed the First Lancang-Mekong Cooperation (LMC) Leaders’ Meeting as an important new initiative for regional cooperation. Leaders of China, Myanmar, Lao PDR, Thailand, Cambodia and Viet Nam – the MRC’s four member countries and its official dialogue partners – met last week in Sanya, a city of China’s Hainan Island, for the first time to discuss regional cooperation for sustainable development of the basin along the Mekong River, which is called in China the Lancang River. From Vientiane, 31 March 2016. (www.mrcmekong.org)

La LMC est un programme ambitieux qui couvre plusieurs domaines stratégiques d’expansion: la connectivité, la capacité de production, la coopération économique transfrontalière, les ressources en eau, l’agriculture, la lutte contre la pauvreté.

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Les 6 leaders des rives du fleuve
se sont réunis à Sanya, dans le sud de la Chine, le 23 mars 2016.

Photo: www.news.cn

Mais Pékin n’a pas le monopole dans la région. On note également la « Lower Mekong Initiative » qui est promue par les États-Unis, ainsi que le programme Coopération Japon-Mékong. La France, elle aussi, a encore une bien active présence économique dans la région: « EDF fait beaucoup d’argent au Laos avec son projet (…) Et elle rêve d’en faire plus », a par ailleurs expliqué Éric Mottet, professeur à l’UQAM, lors de sa présentation sur la politique hydroélectrique du Laos, pendant un colloque du Conseil québécois d’études géopolitiques tenu à l’Université Laval, le 31 octobre 2016, à Québec.

De Québec, on se demande immédiatement si la société d’État Hydro-Québec, qui a déjà eu une très active division à l’international, ne devrait pas rouvrir l’œil et s’impliquer en Asie… Mais avant toute chose, il faut surtout s’assurer que le Mékong puisse livrer.

« Le Vietnam avait proposé un moratoire de 10 ans sur les projets, pour privilégier les études avant tout, car ON NE CONNAÎT PAS LE MÉKONG (impacts halieutiques, sédimentaires…) ; mais le Laos a dit non et fait ses barrages », d’encore préciser le professeur Éric Mottet.

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Photo à la Une ADB : Développement hydroélectrique de Nam Theun, au Laos.

Conseil québécois d’études géopolitiques (CQÉG)

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Chine, eau et grands enjeux

« La Chine met parfois longtemps à repérer son ennemi. Mais quand elle lui déclare la guerre, elle gagne. Toujours. »

Ainsi répondait M. Gao Er Kun, directeur général de l’Eau au ministère des Ressources hydrauliques à Beijing, alors questionné sur l’état des eaux de la Chine par l’auteur académicien de France, Érik Orsenna, qui l’interviewait pour son livre L’avenir de l’eau.

« (…) Seule la pollution peut freiner notre développement. Or nous avons besoin de ce développement. Donc, nous vaincrons la pollution! », poursuivra le convaincu dirigeant de cette Chine militante.

Comme son interlocuteur Breton, le Chinois avait une formation d’économiste et leur entretien dura trois heures. Monsieur Gao avait aussi le bon souvenir d’avoir déjà visité la Bretagne, terre forte de son climat tempéré.

En ouvrant le XIe Plan quinquennal 2006-2010 pour y justifier sa détermination que tous les moyens seront mis en œuvre pour remédier à la pollution, il citera le texte à trois reprises : « À la lumière de la théorie Deng Xiaoping et de l’importante pensée des Trois Représentants, nous devons poursuivre notre réussite économique et sociale en restant fidèles aux concepts scientifiques du développement. »

« Je ne peux pas mieux vous répondre. C’est le préambule… Regardez notre 3e priorité : Économiser nos ressources et protéger l’environnement. »

« Et voyez, là, notre priorité suivante : Construire une société de conservation des ressources et d’amitié avec l’environnement. »

On peut se réjouir de constater que le concept d’éco-civilisation est au cœur du programme économique et social adopté en novembre 2013, lors de la troisième session plénière du 18e Congrès du Comité central du Parti communiste chinois. Avec l’année 2016, la Chine amorce la concrétisation de son XIIIe Plan quinquennal, adopté par son parlement en mars.

Le travail se poursuit… mais la Chine n’a rien d’un long fleuve tranquille en matière d’eau. Elle n’a absolument rien d’un pays au climat tempéré, comme par exemple la France, ou encore le Canada.

SHÉMA 1 : LES « 2 » CHINE DE L’EAU

Moitié NORD
50% de la population
17% de l’eau disponible

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Shanghai

Moitié SUD
50% de la population
83% de l’eau disponible

Le Chinois fit faire mentalement, juste au-dessus de la ville de Shanghai, un trait sur une carte pour séparer en deux la population de son pays, d’est en ouest, dans le but que son invité comprenne facilement l’enjeu fondamental de l’eau en Chine. Sept cents millions de Chinois au Sud avec 83% de la ressource; encore 700 M au Nord avec 17%.

Non seulement le Shéma 1 témoigne déjà de l’enjeu géo-démographique de l’eau en Chine avec une population et une urbanisation en déséquilibre notoire avec l’accès à la ressource, mais la nature du cycle de l’eau y rajoute à l’effort parce que 70% de la pluie tombe en été sur la Chine, principalement en juillet-août. Et s’ils n’y avaient que ces enjeux internes…

GUERRE COMME… GUERRES DE L’EAU?

Impossible de parler des grands enjeux de l’eau en Chine sans parler de la géopolitique de la chose. Très simplement parce que la Chine contrôle le robinet de tout le sud-est asiatique. Et son gouvernement sera bien tenté de se servir sans permission à demander et en toute contradiction avec les besoins croissants des voisins.

Du Pakistan jusqu’au Vietnam – avec l’Inde, le Bangladesh, la Birmanie (Myanmar), le Cambodge, le Laos et aussi la Thaïlande – les huit plus grands pays de cette région déjà surpeuplée du monde dépendent de la Chine pour l’origine de presque tous les grands fleuves qui les abreuvent.

IMAGE 1 : GÉOPOLITIQUE DE L’EAU EN CHINE

ChineWater-Wars

(Source: China Water Risk, 2016)

Oui, oui, oui, oui et encore oui!, la source de l’Indus, d’une partie du Gange, du Brahmapoutre, du Salouen, du Mékong, c’est le plateau du Tibet en Chine!

Et on repense aussitôt au fier militantisme de M. Gao Er Kun : « La Chine met parfois longtemps à repérer son ennemi. Mais quand elle lui déclare la guerre, elle gagne. Toujours »…  Alors on se le demande en mille comme en un : comment ne pas penser au risque de guerres de l’eau?

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Sources des deux images dans le texte: China Water Risk
(a non-profit initiative dedicated to highlighting these risks).

chinawaterrisk.org/about/about-us

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