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100 ans de recherche en science au Canada à souligner… ça débutera à l’Université Laval

L’année 2022 qui se pointe permettra d’analyser avec le recul d’un siècle entier, et donc de mieux comprendre, l’état de la science en langue française dans le monde. Un sujet qui a son importance, pas seulement parce que les calendriers nous invitent à souligner le centenaire de la création d’une association s’y étant dédiée depuis 1923. Mais parce que la science – mobilisée pour la lutte pandémique, toujours en cours – vient de prendre, dans toutes les sociétés, un rôle central qui lui a rarement été accordée. Savoir si la langue anglaise se maintiendra en tant que lingua terra de la recherche et des publications scientifiques dans le monde? Savoir si, concurremment, la langue française offre toujours une valeur ajoutée propre pour ceux en science qui la choisissent ? Voilà des questions qu’il faut poser.

L’Association canadienne-française pour l’avancement des sciences (Acfas) fut créée le 15 juin 1923, à Montréal, alors que cette ville était autant la métropole du Québec que du Canada en entier. Elle était loin d’être la première du genre dans le monde: le Royaume-Uni (1831), l’Italie (1839), les États-Unis (1848), la France (1872), l’Australie et la Nouvelle-Zélande (1887), l’Afrique du Sud (1902) et l’Inde (1912) avaient agit bien avant.

« […] Si nous avions jadis favorisé la recherche scientifique, nous aurions réalisé on ne sait combien d’économies, ouvert au commerce, à l’agriculture, à l’industrie des domaines nouveaux et profitables », avait clamé un Omer Héroux, le 7 octobre 1937, dans le journal Le Devoir.

Quatre décennies plus tard, un gros bout du chemin avait été fait, car en 1978, l’idée de transformer l’Acfas en une « Association québécoise pour l’avancement des sciences » (AQAS) fut tenté, mais rejetée. L’enjeu d’ainsi exclure les chercheurs francophones des autres provinces du Canada pesant lourd et imposant un meilleur réalisme. En 2001, l’Acfas est cependant renommée « Association francophone pour le savoir » à titre de dénomination « plus moderne » qui souligne encore son caractère francophone en gardant son même acronyme, et que l’on veut dorénavant imposer : Acfas.

DEUX ANS POUR EN FÊTER 100

L’Acfas, qui arrive donc à son 100e anniversaire, a décidé de le célébrer à travers deux moments forts, de mai 2022 à juin 2023, d’abord avec son 89e Congrès annuel, puis encore jusqu’au, et avec, le 90e.

Le 89e Congrès de l'Acfas se déroulera du 9 au 13 mai 2022 à l'Université Laval. Une semaine complète d'événements, de colloques et de discussions sur la recherche et les savoirs.
89e Congrès de l’Acfas
Lieux : Université Laval, Ville de Québec, Canada
Dates : Du 9 au 13 mai 2022
90e Congrès de l’Acfas
Lieux : Université de Montréal / HEC / Polytechnique Montréal, Canada
Dates : mai 2023

En 2023, on retournera d’ailleurs à ses sources, car l’Acfas fut fondée en 1923 par un groupe de professeurs de l’Université de Montréal, notamment le radiologue Léo Pariseau, ainsi que le botaniste frère Marie-Victorin.

Les colloques de l’Acfas sont conçus pour faire « rayonner les savoirs comme moteur de développement des sociétés en rassemblant, dans ce cas, les personnes choisissant de faire de la recherche avec les atouts de la langue française ». Ils sont un événement structurant au sein de la Francophonie. Mais l’Acfas demeure une organisation sans but lucratif avec des moyens conséquents. Bien que sa mission est vaste : promouvoir l’activité scientifique, stimuler la recherche, diffuser le savoir en français pour tous les domaines.

Déjà important par sa durée – de 5 jours – ce congrès, qui se déroule habituellement en mai avec la collaboration d’une université hôtesse au Canada, avait pour son édition du 80e fait exception en s’installant au Palais des congrès de Montréal, ce en collaboration avec l’ensemble des universités et des collèges de son réseaux. Et une autre exception vient de s’imposer avec le 88e Congrès, évidemment un « jamais vu » qui du 3 au 7 mai 2021 aura fait se tenir, pour la première fois, entièrement via une plateforme en ligne pour cause de conditions sanitaires pandémiques, une édition mise en place en collaboration avec l’Université de Sherbrooke et l’Université Bishop’s qui aura su impliquer quelque 6 000 congressistes. Sur le thème « Du jamais su » l’activité aura ainsi réuni 219 colloques, quelque 4 000 communications scientifiques et 556 communications libres ; les organisateurs signalent aussi plus de 6 500 publications et partages générés sur Twitter (2020 fut la première année, depuis 1933, où l’évènement annuel n’a pas eu lieu en se faisant imposer un report du 88e Congrès en 2021.)

Parallèlement au volet purement scientifique d’un tel congrès, les 12 activités « tous publics » de la programmation Science-moi! ayant eu lieu au cours de ladite semaine – réunissant quelque 3 000 personnes – visaient à relever le défi de l’importance du dialogue entre les sciences et la société. Un volet devenu particulièrement stratégique, Car rendu ici, c’est aussi la question du dialogue entre science et le monde des affaires qui se pose.

RÉUSSIR LA RÈGLE DE TROIS ? PRIX-INNOVATION-ENTREPRENEURIAT…

Si le congrès annuel de l’Acfas est considéré comme « le plus grand rassemblement scientifique multidisciplinaire de la Francophonie », ses acteurs organisent de nombreux prix et concours devenus récurrents :

  • Journées de la relève en recherche (#J2R) ;
  • concours Ma thèse en 180 secondes (#MT180);
  • concours Génies en affaires;
  • concours La preuve par l’image;
  • concours de vulgarisation de la recherche;
  • et le Forum international Science et société;
La finale internationale de Ma thèse en 180 secondes 2022 sera accueillie à Montréal, au Québec, à l'automne 2022 par l'Acfas et l'Université de Montréal.

Mais pour réussir significativement cette sorte de règle de trois que constituent les concepts de l’émulation (créer et organiser divers prix et reconnaissances faisant rayonner les meilleurs), l’innovation (créer un changement) et l’entrepreneuriat (créer une entreprise génératrice de création de richesse), il y a ici une recette que les milieux universitaires francophones canadiens ne maîtrisent pas suffisamment. Le 23 février 2017, une journée complète avait d’ailleurs été organisée, à l’Université Laval : le Forum « Connexion 2017 ». Et à l’initiative du Parc Technologique du Québec Métropolitain, du scientifique en chef québécois Rémi Quirion, de la Caisse de dépôt et placement du Québec, qui y avait envoyé son vice-président d’alors Christian Dubé, et de l’Institut de gouvernance numérique, quelque 200 personnes y démontraient déjà, par leur seule présence, l’importance de proposer des solutions à la trop grande solitude qui perdure entre les mondes de la recherche publique et celui des affaires, particulièrement au Québec.

En ayant créé AXELYS (une réorganisation des organismes de valorisation de la recherche universitaire ayant fait naître un nouvel organisme né officiellement le 1e avril 2021), l’État québécois tente de changer la donne face au dialogue, aux ponts qui doivent se multiplier entre science et monde des affaires et de la création d’entreprise.

DE l’ACFAS À l’AUF: MÊME COMBAT?

D’ailleurs, il n’y a pas que les dirigeants et membres de l’Acfas qui pourront aimer le passage des années 2021 et 2022. C’est ici la marque de 60 ans d’existence que l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF) atteignait le 13 septembre 2021. Ainsi, 1007 établissements membres à travers 119 pays, c’est-à-dire un peu plus que la moitié des pays du monde, furent conviés du 21 au 24 septembre 2021 à la 1er édition de la Semaine mondiale de la francophonie scientifique, avec la tenue  d’Assises en Roumanie, en mode hybride à la fois en présentiel et virtuel, à l’Université Politehnica de Bucarest. Un Livre blanc de la francophonie scientifique fut publié à cette occasion. Puis l’approbation de pistes de réflexion et d’action visant à « redessiner le réseau » afin qu’il favorise une conception plus globale – de la petite école jusqu’aux étapes doctorales – des systèmes éducatifs et privilégiant « l’ouverture sur le monde socioéconomique » ne sont pas sans provoquer de nouvelles attentes, voire un souffle dynamisant.

On le constate, l’AUF (qui était l’AUPELF à sa fondation à Montréal en septembre 1961 et porte le nom actuel depuis 1998) est, elle aussi, à la recherche de la bonne route vers une efficace et véritable Francophonie économique.

De la centenaire Acfas à sa cadette, mais tout autant mature organisation, l’AUF, voilà deux acteurs structurants de la Francophonie comme de la science mondialement parlant. Et à travers les moments légitimes voulant souligner des jalons symboliques du temps, arrivent aussi les occasions de faire les bons bilans. En quoi, pourquoi et comment la langue française constitue toujours une forme de valeur ajoutée propre à ceux qui en font le choix en science? Il ne manquera donc pas d’occasion pour chercher réponses et solutions face à cette grande question dans les prochains mois.

88e Congrès – Du jamais su | Acfas

Un Conseil de l’innovation pour « faire du Québec l’une des sociétés les plus innovantes au monde »

« Notre ambition est de faire du Québec l’une des sociétés les plus innovantes au monde, reconnue en tant que créatrice d’idées nouvelles, de solutions inspirantes ainsi que d’entreprises et d’organismes performants face aux grands défis sociétaux. Il faudra toutefois redoubler d’ambition, d’audace et de créativité pour y arriver (…) Ensemble, nous pourrons développer des stratégies modernes pour continuer de briller », annonce celui qui sera le premier à ce titre de l’histoire du Québec: l’innovateur en chef Luc Sirois.

En ce 10 décembre 2020, non seulement le ministre québécois de l’Économie et de l’Innovation, Pierre Fitzgibbon, aura annoncé la création du Conseil de l’innovation, mais il lui crée une gouvernance inspirante, par la nomination d’un directeur général qui agira ainsi à titre d’innovateur en chef du Québec.

Le mandat de ce tout nouveau Conseil de l’innovation et de son innovateur en chef sera de dynamiser le développement de l’innovation au sein des entreprises et de la société québécoise.

Mission:

• veiller à multiplier les retombées économiques et sociales des écosystèmes d’innovation et d’entrepreneuriat dans les secteurs clés pour l’avenir du Québec;

• veiller à soutenir la performance des entreprises ainsi que des acteurs de la recherche et de l’innovation par le partage de savoir-faire et de meilleures pratiques;

• voir à mesurer la performance du Québec en matière d’innovation par des études et des analyses comparatives pour s’inspirer des meilleures pratiques au monde.

En créant un tel organisme, le gouvernement du Québec veut fédérer l’écosystème d’innovation sur l’ensemble de son territoire et établit des liens entre les différentes organisations publiques et privées.

« (…) Les membres du Conseil ont démontré, dans leur milieu, des qualités de leadership et d’innovation remarquables. À l’écoute de leurs communautés, ils veilleront à propulser les efforts de l’innovateur en chef et de tous les acteurs de l’innovation technologique et sociale pour bâtir ensemble le Québec de demain. » Pierre Fitzgibbon, ministre québécois de l’Économie et de l’Innovation.

Sa composition rassemble des intervenants québécois tant du milieu public que du milieu privé reconnus pour leur vision stratégique et leur capacité à stimuler l’innovation. Il sera d’ailleurs présidé par Sophie D’Amours, la rectrice en poste de l’Université Laval, pour qui « le défi pour le Québec et son génie inventif, c’est de rapprocher le monde de l’entrepreneuriat de celui de la recherche en vue de faire naître l’innovation ».

« Le Conseil de l’innovation concentrera les forces de nos acteurs les plus influents en recherche et en innovation au sein d’une organisation dynamique et avant-gardiste », explique dans un communiqué celle qui en sera la première présidente, Sophie D’Amours.

Souhaitant contribuer à la promotion d’une société « toujours plus innovante, éclairée et éclairante« , celui qui depuis bientôt dix ans agit à titre de scientifique en chef du Québec, Rémi Quirion, explique ainsi sa vision en la matière: « Conjuguer recherche, innovation et entrepreneuriat est essentiel pour faire face aux grands défis de la planète et de l’humanité. Avec la mise en place d’un innovateur en chef et d’un Conseil de l’innovation, nous faisons un pas de plus pour transformer la science en retombées sociales, économiques et industrielles au Québec« .

Rémi Quirion

En plus de la présidente du C.A. et de son d.g./innovateur en chef, le Conseil de l’innovation sera composé des membres suivants :

Rémi Quirion, scientifique en chef du Québec;

Frantz Saintellemy, président et chef de l’exploitation de l’entreprise LeddarTech;

Richard Chénier, d.g. de Centech;

Muriel Dubois, première v-p de Sollio Groupe coopératif;

Chantal Trépanier, fondatrice, associée et membre du C.A. de l’entreprise Cognibox et présidente du C.A. de l’Association québécoise des technologies.

Mais le communiqué précise déjà que d’autres membres seront nommés « sous peu » afin de compléter le nouveau conseil. Précisant aussi que durant sa première année d’opération:  » M. Sirois et le Conseil collaboreront avec le Ministère pour animer le processus de consultation lié à la mise à jour de la Stratégie québécoise de la recherche et de l’innovation (SQRI), qui arrive à échéance en 2022. « 

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Vivre avec covid-19: des géographes de l’université Laval offrent une carte interactive aux québécois

Alors que la planète entière tente de s’adapter à la vie en pandémie, des géographes d’une université canadienne ont récemment mis en ligne, à grande échelle, un outil interactif permettant de suivre l’évolution de la COVID-19 avec une appropriation populaire qui s’approche, bon an mal an, du succès de foule.

Il y a deux semaines, Stéfano Biondo, cartothécaire au Centre GéoStat de la Bibliothèque de l’Université Laval, et Benoît Lalonde, géographe de la santé et responsable de travaux pratiques et de recherche au Département de géographie de la même université, chacun d’eux ayant eu l’idée de rassembler les tonnes de données déferlantes à propos de la COVID-19 de les présenter sous forme de cartes interactives pour que les citoyens puissent visualiser, en un coup d’œil, l’état de la situation, eux-mêmes géographiquement rapprochés, et constatant d’autant plus facilement cette dualité, purent rapidement conjuguer lesdites initiatives et en produire une version unifiée: le tableau de bord sur la distribution géographique et temporelle de la COVID-19 au Québec, qui fait maintenant oeuvre virale sur la toile du web.

« Depuis sa mise en ligne le 22 mars, il y a eu 114 000 visites sur le site. Depuis quelques jours, nous recevons quotidiennement 20 000 visites, avec une pointe entre 13h et 14h, au moment où les dernières statistiques sont annoncées en point de presse par le gouvernement », de signaler Stéfano Biondo en interview avec le journaliste scientifique Jean Hamann, faisant également remarquer que l’animation qui présente l’évolution temporelle du nombre de cas dans toutes les régions du Québec est particulièrement prisée, alors qu’elle a déjà été consultée plus de 70 000 fois.

Comment expliquer un tel succès?

Bien qu’il existe d’autres cartes de la COVID-19 au Québec, elles sont plus statiques, alors que l’outil du duo BiondoLalonde est actuellement le seul réunissant autant d’information en un lieu unique, offrant autant de fonctions interactives.

QUAND LA PUISSANCE D’UNE CARTE PARLE

La recette de cette initiative passe évidemment par le bon usage de certains outils des TIC et dans ce cas-ci les deux géographes ont utilisé le logiciel ArcGIS.

À Montréal, les données des cas de COVID-19 sont maintenant accessibles par arrondissement, ce qui permet une représentation géographique beaucoup plus détaillée de l'évolution de la maladie.
À Montréal, les données des cas de COVID-19 sont maintenant accessibles par arrondissement, ce qui permet une représentation géographique beaucoup plus détaillée de l’évolution de la maladie.

En croisant les données sur la COVID-19 avec des données géographiques et démographiques du domaine public, le tableau de bord qu’ils ont créé ensemble (la version 2.0) permet dorénavant aux usagers de sélectionner les cartes remarquables qu’ils souhaitent consulter.

Et il y en aura plus… La possibilité de choisir l’échelle de représentation des informations deviendra encore plus importante à mesure que les données à l’échelle des Municipalités régionales de comté (MRC), des arrondissements et des quartiers deviendront accessibles. Parce que les deux universitaires ont déjà intégré ces données locales pour la métropole québécoise, Montréal, et le feront pour la région de sa capitale, Québec, dès que les données seront disponibles.

Selon Benoît Lalonde, la popularité de l’outil interactif s’explique par le fait que les gens aiment surtout être en mesure de comprendre, d’interpréter et de communiquer ce que les cartes représentent. Évidemment, il faut ajouter à ça la nature singulière de la maladie qui sévit, devenue pandémie, une singulière et historique crise de santé publique mondiale.

Pour son collègue Stéfano Biondo, l’affluence de visiteurs résultant d’un tel contexte est une évidente source de pression, mais aussi de motivation: «Dans un contexte de confinement, la réalisation de cet outil nous donne une raison d’être sur le plan professionnel, en plus de nous donner l’impression de faire notre part pour la société.»

Pour utiliser la carte interactive:  https://ulaval.maps.arcgis.com/apps/opsdashboard/index.html#/775aaa4e3a124d6499aeb63bfe8e4ffb

Lire aussi:

https://nouvelles.ulaval.ca/recherche/visualiser-geographiquement-la-covid-19-au-quebec-187ce4e98f3880bd7961e296d39d0bcb?sourceOrganizationKey=ulaval

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HOMMAGE au père de la nordicité: Louis-Edmond Hamelin (1916-2020)

L’Université Laval et la ville de Québec en premier lieux, le Québec, le Canada et le monde entier aussi, se souviendront du géographe et professeur Louis-Edmond Hamelin comme d’un pionnier de l’histoire du XXe et du XXIe siècle de la « norditude » de l’Amérique. Et par effet de continuité, pionnier également de la conscience du monde nordique pour la planète entière.

REVIVEZ NOTRE INTERVIEW
AVEC LE PÈRE DE LA NORDICITÉ

Lisez l’interview qu’il avait accordé au Cyberjournal CommerceMonde
en janvier 1999 : ENTREVUE

Sur la route des chercheurs qui inventent

Nous reproduisons ici l’essentiel d’un texte de la journaliste Nathalie Kinnard, initialement publié dans la revue Contact de l’Université Laval.

Dans les nombreux laboratoires d’un important campus comme celui de l’Université Laval, à Québec, des femmes et hommes de science cherchent… et trouvent! Leurs inventions, dans une variété de domaines, changent nos vies et améliorent la société.

Eurêka! C’est probablement ce qu’a crié Tatjana Stevanovic, professeure au Département des sciences du bois et de la forêt, lorsqu’elle a réussi à produire, pour la première fois, de la fibre de carbone à partir de résidus forestiers.

Tatjana Stevanovic fait partie de ces chercheurs qui, en plus d’inventer un produit, ont osé prendre la route des affaires pour pousser leur décou­verte hors du laboratoire universitaire. Tout comme l’ont fait les professeurs Clément Gosselin, du Département de génie mécanique, Guy Boivin, du Département de microbiologie-immunologie et infec­tiologie, Francesca Cicchetti, du Département de psychiatrie et de neurosciences, et Réal Vallée, du Département de physique, de génie physique et d’optique de la même université.

Ensemble, ces scientifiques cumulent 91 brevets, LA garantie officielle qu’une découverte est une invention avec un potentiel de commercialisation. Certains d’entre eux ont même tenté leur chance du côté de l’entrepreneuriat.

Voilà donc cinq chercheurs, cinq parcours avec une trame commune: la recher­che, l’avancement des connaissances et la formation de la relève; et en bonus, leurs découvertes se taillent une place sur les marchés!

DE LA LIGNITE DANS NOS AUTOMOBILES?

La lignine, cette molécule extraordinaire qui permet aux arbres de se dresser vers le haut, fascine Tatjana Stevanovic depuis son doctorat. «La lignine est un matériau naturel très riche en carbone, qu’on trouve en abondance sur la terre et, pourtant, on ne lui avait décou­vert presque aucune application à haute valeur ajoutée», explique la chercheuse. Les papetières s’en débarrassent même comme d’un déchet lors du processus de fabrication du papier. Au mieux, la lignine est brûlée pour générer de l’énergie.

Après plusieurs années de recherche, avec son équipe de recherche, elle a mis au point un procédé qui utilise l’éthanol et l’eau comme solvants pour extraire la lignine pure des copeaux de bois. «J’ai tout de suite entrevu les possibilités de valorisation de ce produit naturel, notamment comme source renouvelable de carbone. Nous avons réussi à faire fondre la lignine, à la filer, à la stabiliser thermiquement et à la mettre en bobine: une première!», révèle-t-elle. Ce matériau deviendra intéressant pour l’industrie automobile afin de remplacer la fibre de carbone produite à partir de ressources pétrolières, qui sert à renforcer châssis et carrosserie.

La compagnie LEVACO, une société d’investissement, s’est rapidement intéressée au procédé de Tatjana Stevanovic. Elle a incité la chercheuse à breveter ses travaux. Avec l’aide de SOVAR, la société de valorisation de la recherche associée au campus de l’UL, elle dépose, en 2016, une demande au Canada, aux États-Unis et dans quelques pays européens. Pourquoi le brevet? «C’est d’abord un geste sentimental pour voir un jour le fruit de mes recherches prendre vie et, éventuellement, les commercialiser», répond-elle.

Jusqu’à maintenant, la production de cette lignine sous forme de fibres de carbone reste complexe et réalisable seulement en laboratoire. L’équipe du professeure Stevanovic travaille toute­fois à une solution qui permettrait une production en industrie. Son rêve? Rendre la fibre de carbone issue de la lignine encore plus résistante pour qu’elle soit utilisée dans le domaine aérospatial.

UNE MAIN ROBOTISÉE INTELLIGENTE

L’invention de Clément Gosselin et de son équipe du Laboratoire de robotique, elle, a déjà une portée aérospatiale. En fait, la main robotisée qu’ils ont conçue a failli se retrouver sur le bras spatial canadien!

«Nous avons développé une main intelligente qui s’adapte, telle une main humaine, à la forme des objets, afin d’effectuer des tâches dangereuses pour les individus. Elle bouge grâce à un système mécaniquement intelligent, contrôlé par ordinateur, qui permet d’effectuer des mouvements de saisie autonome», explique l’ingénieur.

Tout de suite, la compagnie MDA, qui a notamment fabriqué le bras spatial canadien, a compris le potentiel de cette invention et a incité le chercheur à breveter ses différents concepts de robotique. MDA a pris une licence pour les applications spatiales alors que trois étudiants du laboratoire ont décidé de fonder la compagnie Robotiq pour exploiter les applications terrestres. Comme il estime n’avoir pas tellement l’esprit entrepreneurial, le professeur Gosselin était enchanté que les étudiants qu’il supervise prennent cet aspect en main.

Quelques années plus tard, le chercheur a travaillé avec la multinationale GM pour concevoir des robots collaboratifs qui peuvent assister les travailleurs sur les chaînes de montage. Encore une fois, c’est le partenaire industriel qui le pousse à breveter ses travaux. Clément Gosselin avoue que le processus de brevets est parfois long et coûteux. Toutefois, si l’innovation est commercialisée, le chercheur reçoit une partie des profits, de l’argent qui peut être réinvesti. Notamment réinvesti en recherche! «Ce n’est pas tant le profit qui importe que le gain en visibilité et en crédibilité», analyse-t-il. Son laboratoire est aujourd’hui considéré comme un pionnier dans le domaine des mains robotisées. Loin de s’asseoir sur ses brevets, Clément Gosselin travaille déjà sur le prochain concept robotique, sans viser nécessairement le brevet: «Pour moi, le brevet est un plus, pas une fin

VERS UN ANTIGRIPPE EFFICACE?

Pour Guy Boivin, titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur les virus en émergence et la résistance aux antiviraux et chercheur au Centre de recherche du CHU de Québec-Université Laval, le dépôt du brevet est plutôt le début du travail. Le professeur vient d’ailleurs de déposer une demande pour protéger sa dernière découverte: les propriétés antivirales de deux médicaments existants. «Nous avons trouvé que l’étiléfrine et le diltiazem, utilisés respectivement comme stimulant cardiaque chez les personnes souffrant d’hypotension et comme traitement de l’hypertension et de l’angine de poitrine, avaient une activité antivirale contre la grippe», explique-t-il.

Ce n’est pas la première fois que Guy Boivin trouve une utilité cachée à des médicaments commercialisés pour une tout autre raison. Avec son équipe, il a conçu une approche qui permet de vérifier l’effet de différents médicaments sur les gènes des cellules respiratoires humaines.

C’est lors d’une année d’étude de recherche au sein de l’Université Claude Bernard Lyon 1 que Guy Boivin a démystifié l’aventure des brevets.

«Mes collègues lyonnais m’ont encouragé à breveter notre plateforme de repositionnement appelée Flunext, qui trouve une nouvelle utilité à des médicaments sur le marché. J’ai d’ailleurs survécu à ce processus parfois lourd grâce à leur expertise», se rappelle-t-il.

Avec ces mêmes collaborateurs, le microbiologiste-infectiologue a fondé, en 2017, la compagnie Signia Therapeutics, basée en France, qui se spécialise dans le repositionnement de médicaments pour traiter les infections respiratoires virales. «Nous avons pris des licences sur nos brevets auprès de nos universités, ce qui nous a permis de générer rapidement près d’un million de dollars en capital», signale le chercheur. Il voit la création d’une compagnie comme un levier auprès des industries pour, notamment, financer les essais cliniques. Dans les prochains mois, il prévoit d’ailleurs créer une filiale québécoise de Signia Therapeutics pour accéder aux programmes de subvention nord-américains et commercialiser ses antiviraux de ce côté de l’Atlantique.

MIEUX TRAITER LA MALADIE DE PARKINSON

Francesca Cicchetti, comme Clément Gosselin, dit ne pas posséder la fibre entrepreneuriale. Elle préfère s’allier à un partenaire industriel plutôt que de créer sa propre entreprise. Des compagnies pharmaceutiques s’intéressent d’ailleurs au dernier brevet qu’elle vient de déposer avec ses collègues pour ce qui pourrait devenir le premier biomarqueur de la maladie de Parkinson.

Au Québec, plus de 25 000 personnes souffrent de cette maladie neurodégénérative, la plus répandue après l’alzheimer. Actuellement, on détecte la maladie de Parkinson à l’aide de tests cliniques qui vérifient la présence et la sévérité de symptômes comme des tremblements, de la rigidité et des problèmes cognitifs. Toutefois, seules des analyses post-mortem de tissus cérébraux peuvent confirmer le diagnostic. Dans l’espoir de dépister la maladie plus rapidement et plus efficacement, Francesca Cicchetti et les membres de son équipe ont comparé le sang de personnes atteintes avec celui de sujets sains. Après maintes analyses, ils ont trouvé que le sang des malades contient plus de microvésicules extra­cellulaires. Plus encore, il existe une correspondance entre le nombre de microvésicules présentes, en particulier celles provenant des globules rouges, et les stades de la maladie.

Tout de suite, la neurobiologiste a voulu protéger la propriété intellectuelle de cette découverte. Ce n’était pas sa première demande de brevet. En 2011, elle en avait déposé une pour la cystamine, un médicament qui, chez l’animal, arrive à renverser certains aspects pathologiques associés au parkinson, tels que les troubles de motricité. La cystamine étant déjà utilisée dans le traitement d’autres maladies, l’innovation tient dans sa nouvelle application. C’est une compagnie pharmaceutique qui a approché la chercheuse pour lui demander de breveter sa découverte.

Le processus ne fut pas facile. Les États-Unis lui ont donné des maux de tête, car un autre chercheur aurait déposé le même genre de demande peu de temps avant elle.

Bien que Francesca Cicchetti ait pu obtenir le brevet dans plusieurs pays, la protection de sa découverte aux États-Unis, un des marchés les plus importants en pharmacie, demeure toujours impossible. Loin de se laisser abattre, la professeure fait actuellement des demandes de subventions pour faire ses propres essais cliniques et espère trouver un nouveau partenaire industriel. La patience est souvent de mise sur la route de l’innovation! 

ATTEINDRE LA VITESSE… LASER!

Directeur du Centre d’optique, photonique et laser (COPL), Réal Vallée cumule les brevets et les démarrages d’entreprises dérivées : «Pas pour faire de l’argent. Pour moi, breveter, c’est valoriser et transférer mes recherches vers une entreprise qui pourra les transformer en produit commercialisable.» Certaines innovations, nuance le professeur, ne se révèlent intéressantes commercialement que plusieurs années après l’obtention d’un brevet. Cette réalité ne le décourage pas.

Parmi les percées scientifiques auxquelles le chercheur et son équipe ont contribué, mentionnons un système d’usinage utilisant un nouveau type de laser à fibre qui peut découper, souder ou percer très précisément des matériaux polymères. Ou encore, des capteurs optiques microscopiques qui peuvent commander les neurones en les activant et en les désactivant afin d’étudier le tissu cérébral, suivre la progression de maladies neurodégénératives ainsi que les effets de traitements.

«Également, avec mon équipe, j’ai une demande de brevet en cours pour un système compact de laser à fibre femtosecondes, conçu notamment pour des applications biomédicales», signale Réal Vallée.

Une femtoseconde, c’est un millionième de milliardième de seconde. Le chercheur explique qu’à cette vitesse, la lumière du laser agit de façon si précise, lorsqu’elle entre en contact avec un matériau ou un tissu humain, qu’elle ne cause pas de déformation de la matière attribuable à la chaleur. Des caractéristiques pratiques en médecine. «On peut aussi utiliser notre laser comme scalpel sans risque de dommages collatéraux pour nos tissus», précise encore le professeur Vallée.

Si le chercheur a beaucoup d’idées d’entreprises sur la table pour les travaux réalisés au COPL, il a aussi compris que sa force, c’est la recherche. «Mon rôle, c’est d’appuyer de jeunes entrepreneurs. Je viens ainsi renforcer la gamme d’entreprises en photonique et je m’assure que nos travaux soient valorisés», soutient-il. C’est ainsi qu’il agit en tant qu’actionnaire minoritaire dans l’entreprise FEMTUM, démarrée par deux étudiants du COPL pour commercialiser le nouveau type de laser à fibre ultrarapide. Le chercheur peut ainsi se concentrer sur la prochaine innovation en photonique, tout en gardant un œil paternel sur celles sorties de son laboratoire.

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Source : http://www.contact.ulaval.ca/article_magazine/ces-chercheurs-qui-inventent/

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