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Laos : future « batterie électrique » de l’Indochine

Autrefois l’un des derniers grands fleuves sans infrastructure hydro-électrique, le Mékong pourrait bien devenir l’un des fleuves les plus endigués en Asie, alors que d’ici 2030 quelque 70 barrages devraient devenir opérationnels tout au long des presque 5 000 kilomètres de son cour. Si la Chine compte bien continuer d’y prélever sa très large part, c’est le petit Laos qui affiche la vision de devenir la « batterie de l’Asie du Sud-Est ». Mission possible… si le Mékong tient le coup !

Outre la portion en Chine, 11 projets hydroélectriques sont connus pour le Mékong : 2 chantiers de barrages actuellement en construction, plus 7 en projet, au Laos seulement, et deux projets du côté de la Thaïlande.

La Commission du Mékong estime ainsi que le Laos pourrait voir 70% de ses recettes d’exportation (2,6 milliards US$ annuellement) générées par les barrages traditionnels, lorsqu’ils seront tous opérationnels. En clair, c’est le Laos qui a l’ambition de devenir la « batterie électrique » de cette partie de l’Asie. Le pays a d’ailleurs déjà des engagements pour fournir des kilowatts à ses voisins.

Le Mékong est un fleuve stratégique. Il est en comparaison plus important que le fleuve St-Laurent dans la hiérarchie des grands fleuves du monde. Naissant dans les hauteurs des plateaux de l’Himalaya, il irrigue d’abord la province du Yunnan en Chine, puis le Laos, la Birmanie, la Thaïlande, le Cambodge et le Vietnam, qui profite de sont imposant delta. Le Mékong fait vivre plus de 70 millions de personnes sur ses rives. Les Thaïlandais l’appellent « mère de tous les fleuves », alors que pour les Chinois c’est le Lancang Jiang, « le fleuve turbulent ».

Mais la multiplication des barrages hydroélectriques arrive alors que le Vietnam souffre de la pire sécheresse depuis près d’un siècle et que le Cambodge fait face à une pénurie d’eau qui pourrait compromettre plus de 1 million de personnes. Et la Chine, elle aussi, table énergétiquement sur « les fleuves de l’ouest » : selon son dernier Plan quinquennal, en 2020, elle planifie que 63% de son hydroélectricité proviendra du Mékong, du Salouen et du Brahmapoutre ou de leurs affluents, qui ont tous leurs sources en terres chinoises.

Et le gouvernement de Pékin a tous les moyens de ses ambitions. La partie chinoise du Mékong, c’est environ 20% du long fleuve. Elle compte déjà 6 barrages actifs (le plus vieux date de 1995 et le plus récent de 2012), mais 4 autres barrages y sont actuellement en construction et encore 4 autres à l’étape de projet.

Le Mékong tiendra-t-il le coup ?

Grand fleuve transfrontalier, le Mékong n’a pas jusqu’à maintenant pleinement profité de la valeur ajoutée de la coopération en matière de gestion de son potentiel.

Il faut savoir que la Commission du Mékong (Mekong River Commission – MRC), créée en 1995, n’y a pas tellement bonne réputation. On peut même penser que la récente initiative de Pékin vise carrément à la remplacer.

The MRC is an intergovernmental organisation for regional dialogue and cooperation in the Lower Mekong River Basin, established in 1995 based on the Mekong Agreement among Cambodia, Lao PDR, Thailand and Viet Nam. The Organisation serves as a regional platform for water diplomacy as well as a knowledge hub of water resources management for the sustainable development of the region.

The MRC invited China and Myanmar as “dialogue partners” in 1996 and since then has been cooperating with the two partners in technical aspects of water resource management. (www.mrcmekong.org)

La Chine a en effet créé, en novembre 2015, la Lancang-Mekong Cooperation (LMC) Initiative, pour tendre la main aux pays voisins.

The Mekong River Commission (MRC) has welcomed the First Lancang-Mekong Cooperation (LMC) Leaders’ Meeting as an important new initiative for regional cooperation. Leaders of China, Myanmar, Lao PDR, Thailand, Cambodia and Viet Nam – the MRC’s four member countries and its official dialogue partners – met last week in Sanya, a city of China’s Hainan Island, for the first time to discuss regional cooperation for sustainable development of the basin along the Mekong River, which is called in China the Lancang River. From Vientiane, 31 March 2016. (www.mrcmekong.org)

La LMC est un programme ambitieux qui couvre plusieurs domaines stratégiques d’expansion: la connectivité, la capacité de production, la coopération économique transfrontalière, les ressources en eau, l’agriculture, la lutte contre la pauvreté.

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Les 6 leaders des rives du fleuve
se sont réunis à Sanya, dans le sud de la Chine, le 23 mars 2016.

Photo: www.news.cn

Mais Pékin n’a pas le monopole dans la région. On note également la « Lower Mekong Initiative » qui est promue par les États-Unis, ainsi que le programme Coopération Japon-Mékong. La France, elle aussi, a encore une bien active présence économique dans la région: « EDF fait beaucoup d’argent au Laos avec son projet (…) Et elle rêve d’en faire plus », a par ailleurs expliqué Éric Mottet, professeur à l’UQAM, lors de sa présentation sur la politique hydroélectrique du Laos, pendant un colloque du Conseil québécois d’études géopolitiques tenu à l’Université Laval, le 31 octobre 2016, à Québec.

De Québec, on se demande immédiatement si la société d’État Hydro-Québec, qui a déjà eu une très active division à l’international, ne devrait pas rouvrir l’œil et s’impliquer en Asie… Mais avant toute chose, il faut surtout s’assurer que le Mékong puisse livrer.

« Le Vietnam avait proposé un moratoire de 10 ans sur les projets, pour privilégier les études avant tout, car ON NE CONNAÎT PAS LE MÉKONG (impacts halieutiques, sédimentaires…) ; mais le Laos a dit non et fait ses barrages », d’encore préciser le professeur Éric Mottet.

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Photo à la Une ADB : Développement hydroélectrique de Nam Theun, au Laos.

Conseil québécois d’études géopolitiques (CQÉG)

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