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L'immigration mobilise de plus en plus l'attention à Québec

SOMMAIRE

par Daniel Allard

Si la capitale du Québec accueillait ses immigrants avec le même soin que met l'Université Laval pour faciliter l'arrivée de ses étudiants étrangers, sa performance en matière d'intégration y gagnerait assurément beaucoup.

« Il y a dix ans, les limites, les irritants au développement des entreprises étaient des choses comme la paperasse. Maintenant, c'est de trouver la main-d'oeuvre ». Un commentaire très révélateur de ce qui est en train de se passer à Québec. Surtout qu'il vient d'Alain Kirouac, le directeur général de la Chambre de commerce et d'industrie du Québec métropolitain. L'organisme qui a d'ailleurs pris l'initiative d'organiser, le 27 février 2002, un colloque de sensibilisation sur le thème de « L'intégration des immigrants au marché du travail dans la région de Québec ».

L'analyse de la situation démographique laisse entrevoir un avenir difficile, si la grande région de Québec ne compense pas son trop faible taux de natalité et la croissance du vieillissement de sa population, par le recours à l'immigration. Voilà une solution théoriquement toute trouvée. Mais Québec est une région pour ainsi dire encore trop novice en la matière.

Pour preuve, en énumérant l'ensemble des services à la disposition des étudiants étrangers à l'Université Laval, le recteur François Tavenas, conférencier lors du colloque, a involontairement mis en lumière une réalité troublante: l'université est mieux équipée pour accueillir des gens qui arrivent à Québec pour une session, une année, au plus quelques années, que ne l'est la région pour accueillir des gens qui font le choix de s'installer définitivement à Québec!

L'université est mieux équipée
pour accueillir ses étudiants étrangers de passage,
que la région pour accueillir ses
nouveaux citoyens
permanents!

« Nous savons très bien accueillir les touristes, apprenons à faire de même pour les immigrants », a lancé monsieur Tavenas, riche d'avoir été lui-même un immigrant, lors de son arrivée à Québec à la fin des années 60.

S'agit-il d'une suite du colloque? Reste que l'expertise lavalloise semble déjà prendre le chemin d'un appui concret à la Ville de Québec, dans ses démarches pour améliorer la situation. Fin mars, dans le cadre de la signature d'une convention créant le Comité conjoint permanent entre l'Université Laval et la Ville de Québec, on apprenait que cette entente - un contrat d'une durée de cinq ans - pourrait aussi inclure les politiques d'accueil des immigrants.

BEAUCOUP DE MATIERES À RÉFLÉCHIR

Les résultats d'une importante étude ont aussi été présentés lors du colloque de février. L'intégration des immigrants au marché du travail dans la région de la capitale nationale: Bilan et pratiques d'entreprise a été réalisée par Michel Audet, Jérôme Fradette et Aziz Ramzi. L'étude de 65 pages dresse bien l'état de la situation.

Devant une grande région de Québec qui affiche les moins bonnes perspectives de croissance démographique de toutes les agglomérations urbaines de la province, l'immigration est de plus en plus présentée comme un « véritable choix de développement ». Mais une enquête SOM-Le Soleil de septembre 2001 révèle que 20% des personnes sondées croyaient que les immigrants étaient trop nombreux dans la région et 50% qu'il y en avait suffisamment. Si, pour les scientifiques, il est accepté que l'immigration représente une valeur ajoutée pour l'économie du pays d'accueil, l'opinion générale de la population de Québec est très différente. Même si la population de la région métropolitaine de recensement (RMR) de Québec compte 2,6% d'immigrants, contre 18% à Montréal, 21% à Calgary, 35% à Vancouver et 42% à Toronto.

Tableau 1

ÉVOLUTION DU NOMBRE D'IMMIGRANTS AYANT CHOISI LA GRANDE RÉGION DE QUÉBEC COMME DESTINATION DEPUIS 1996 (Région de Québec en 1er colonne et Région de Chaudière-Appalaches en 2ième colonne)

1996 1420 + 99

1997 1359 + 48

1998 1337 + 43

1999 1333 + 31

2000 1162 + 32

2001 1758 + n/d

(Source: MRCI, 2002)

La Ville de Québec, en adoptant son premier Plan triennal d'immigration (2001-2003) affirme tout de même son objectif d'attirer de 9 000 à 11 000 nouveaux immigrants au cours de ces trois années. On vise donc à doubler, et même plus (voir le Tableau 1), le nombre de nouveaux arrivants par année. Mais « il pourrait être problématique pour la nouvelle Ville de Québec qu'un flux aussi grand d'immigrants ait lieu, car cette dernière ne dispose pas actuellement des infrastructures d'accueil nécessaires pour en assurer l'administration et l'intégration », soulignent les chercheurs.

En même temps, ils questionnent aussi la pertinence de trouver dans la région de Québec autant d'organismes publics qui encadrent les communautés culturelles. « Pourquoi tant d'organismes pour desservir une si petite clientèle? (...) Les diverses personnes immigrantes interrogées nous ont pour le moins affirmé qu'il y a parfois dédoublement des fonctions entre les divers organismes et qu'elles regrettent le manque de coordination entre ces derniers. De plus, chez les employeurs, l'idée du guichet unique semble être vastement partagée et plusieurs voyaient celui-ci comme un progrès majeur dans l'intégration des immigrants dans la région », précisent-ils.

UN SITE INTERNET POUR SOIIT QUÉBEC

Services d'orientation et d'intégration des immigrants au travail de Québec (SOIIT) a maintenant un site Internet. Il a été officiellement lancé lors de la journée porte ouverte de l'organisme, le 20 mars 2002.

www.soiit.qc.ca

Il faudrait aussi mieux ouvrir les portes de l'administration publique. C'est le secteur public qui constitue « la véritable carte maîtresse de la région de la capitale nationale dans l'atteinte des objectifs qu'elle s'est fixés », souligne l'étude, en rappelant que 75% des immigrants qui ont déposé leur candidature en avril 2001, dans le cadre de la campagne de recrutement du gouvernement du Québec pour la fonction publique, ont échoué aux examens, comparativement à 50% chez les Québécois de souche.

VENDRE LES AVANTAGES DE LA MAIN-D'OEUVRE IMMIGRANTE

La main-d'oeuvre immigrante peut être un avantage compétitif pour les entreprises. Elle est reconnue comme une valeur ajoutée pour les organisations qui savent l'utiliser à son plein potentiel. Les chercheurs Cox et Blake (1991) soutiennent qu'une gestion efficace de la diversité culturelle peut créer un apport précieux pour l'entreprise dans pas moins de six domaines:

les coûts;

l'acquisition de ressources;

le marketing;

la créativité;

la résolution de problème;

la flexibilité organisationnelle.

Un message qui ne semble pas encore bien passer auprès des dirigeants d'entreprises de Québec. Le petit échantillonnage de 14 organisations sondées par l'équipe de Michel Audet pour la réalisation de leur étude exclut une généralisation automatique, mais 10 sur les 14 étaient évaluées négativement quant à leurs stratégies de gestion de la diversité culturelle.

Voilà pourquoi l'une des plus importantes recommandations des auteurs concerne la sensibilisation des dirigeants d'entreprises aux enjeux ici en cause, en les dotant entre autres d'outils de gestion incitatifs qui donnent le goût de tenter des expériences. Le développement des opportunités de stages, parmi les moyens les moins coûteux et les plus efficaces à la disposition des entreprises, la formation des responsables des directions des ressources humaines, le réseautage, afin que l'information circule et que les bons coups contaminent le plus de monde possible, sont également recommandés.

Il y aurait aussi avantage à faire savoir que la proportion d'immigrants possédant un diplôme universitaire est nettement plus forte qu'ailleurs. Plus de 40% des immigrants de Québec possèdent une scolarité de niveau universitaire, dont 30,8% un grade universitaire. Tout comme le fait que l'on prévoit la création de quelque 21 300 nouveaux emplois dans la région de Québec d'ici 2004.

FAILLES COUTEUSES DANS LA RECONNAISSANCES DES DIPLOMES

Les difficultés en matière de reconnaissance des acquis sont l'un des obstacles le plus fréquemment mentionné dans le domaine de l'intégration à l'emploi des immigrants. Malheureusement, cette problématique reposerait en partie sur les lacunes des méthodes de reconnaissance en vigueur, des outils d'évaluation mal adaptés et le manque de ressources affectées à cette activité. Des failles dans le système qui sont d'ailleurs très coûteuses. Le Conference Board du Canada a fait savoir, l'an dernier, que la non-reconnaissance des compétences priverait le Canada de revenus variant entre 4,1 et 5,9 milliards $ par année. En fait, si le Canada se dotait d'un système officiel permettant une évaluation plus juste des compétences de chacun, environ 540 000 personnes, dont évidemment beaucoup d'immigrants, pourraient gagner en moyenne entre 8 000$ et 12 000$ de plus annuellement.

SÉLECTION DES IMMIGRANTS
UNE COMPÉTENCE FÉDÉRALE-PROVINCIALE PARTAGÉE

L'article 95 de la Constitution canadienne stipule que la compétence en matière d'immigration est partagée. L'Accord Canada-Québec de 1991 donne ainsi comme responsabilité au Québec de « sélectionner les immigrants de la catégorie des indépendants, de même que les réfugiés et les personnes en situation semblable, à l'exception des personnes à qui le statut de réfugié est reconnu au Canada à la suite d'une demande d'asile. » De sorte qu'entre 1995 et 1999, c'est 51,5% des immigrants qui furent soumis à la sélection québécoise et 48,5% à celle du gouvernement fédéral.

MEME LES CITOYENS S'EN MELE

À l'automne 2000, le gouvernement du Québec proposait pour la première fois à la Ville de Québec d'appuyer ses efforts de régionalisation de l'immigration par une offre de collaboration et une contribution financière. Le gouvernement, ainsi que son ministère des Relations avec les citoyens et de l'Immigration (MRCI), reconnaissent maintenant la Ville de Québec comme second pôle d'immigration au Québec. Deux ententes en matière d'attraction et d'intégration ont été signées entre le MRCI et la ville, la seconde le 13 décembre 2001. Beaucoup d'éléments nouveaux qui intéressent de plus en plus les citoyens. L'un d'eux a d'ailleurs usé de la période des questions d'une séance du conseil municipal, en février, pour exposer ses idées et recommandations.

« Si le bilan de la région en matière d'immigration est faible, je ne suis pas de ceux qui croient que c'est parce que la capitale a un gros problème d'attitude à l'égard des immigrants et de l'immigration. (...) Pour ma part, je situe davantage le problème du côté de la stratégie de la capitale et de sa région pour attirer les immigrants. Elle m'apparaît déficiente à certains égards. » Et il donne deux exemples dans le domaine des interventions structurantes:

Le site Internet du MRCI (www.immq.gouv.qc.ca), même après la signature de deux ententes avec la ville, ne positionne et ne met toujours pas en valeur Québec comme second pôle d'immigration au Québec. Pour inciter à immigrer au Québec, le site du ministère met en valeur les pages Web <Vivre au Québec>, <Investir au Québec>, <Vivre à Montréal> et <Investir à Montréal>. « La ville ne devrait-elle pas demander au ministère d'y ajouter deux pages: <Vivre à Québec> et <Investir à Québec>? », suggère Luciano Dorotea.

Le même site du MRCI présente une liste de 18 intermédiaires financiers autorisés à oeuvrer dans le programme des immigrants investisseurs. « Pourquoi sur les 18 aucun n'est de Québec (17 sont à Montréal et 1 à Longueuil)? », reproche-t-il aussi.

Luciano Dorotea réclamait déjà, dans les années 70, à titre de président d'un organisme qui regroupait une vingtaine d'associations des communautés culturelles de la région métropolitaine de Québec, que le gouvernement régionalise l'immigration au Québec. Un grand bout de chemin a été fait depuis. Il espère maintenant que ses interventions pousseront la ville à faire encore plus.

PROJET PILOTE DE RAPPROCHEMENT INTERCULTUREL DANS LE QUARTIER MAIZERETS

En juin 2001, le programme de rapprochement interculturel " Main dans la main, dans la diversité " était lancé en tant que projet pilote dans le cadre du plan d'action de la Ville de Québec en matière d'immigration. Dans le quartier Maizerets, parce qu'il connaît actuellement une bonne croissance de sa population immigrante. Un organisme communautaire, Mosaïque Ethnique Internationale, avec qui la ville travaille en partenariat, pilote ce projet de 20 000$, financée à 15% par la ville et à 85% par le MRCI. Sur six mois, une série d'activités à caractère social dans le but de faciliter l'intégration de la population immigrante à son nouveau milieu de vie : cafés-rencontres, conférences thématiques, visites guidées, documentation sur les ressources du milieu, fêtes populaires, etc.

***

Dans ce débat de société sur la place des immigrants, le mot de la fin revient certainement au grand chef d'orchestre du colloque de la CCIQM du 27 février 2002: « On doit accueillir avec respect les gens qui viennent mettre leur intelligence au service de notre collectivité », aime répéter Gilles Jobin, qui reprend ainsi chaque fois fièrement une phrase apprise de son père.

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