Chronique de Louis Balthazar

« IT'S THE ECONOMY, STUPID »

par Louis Balthazar

On s'accorde généralement pour affirmer que les milieux de la finance et de l'économie, aux États-Unis, favorisent davantage le Parti républicain que le Parti démocrate. Toutes proportions gardées, bien entendu. Il se trouve passablement des personnalités du monde des affaires pour appuyer les Démocrates. Mais ces derniers sont aussi soutenus, dans une certaine mesure par les leaders syndicaux, par les organisations qui prônent des réformes sociales, par tout ce qui est coiffé de l'adjectif « liberal », c'est-à-dire tout ce qu'on peut classer à gauche de l'échiquier politique.

Donc, pour simplifier, c'est devenu un cliché, au pays de l'Oncle Sam, de dire que le Parti républicain est le parti des affaires, de la finance, en somme le parti de Wall Street. On en a souvent conclu que les Républicains sont de meilleurs gestionnaires que les Démocrates.

À la lumière des événements récents, on est en droit de se demander s'il n'y a pas lieu de remettre en cause ces jugements conventionnels.

UNE ÉCONOMIE PROSPERE SOUS BILL CLINTON

Bill Clinton, le Démocrate, inquiétait beaucoup de monde dans les milieux économiques au moment de sa candidature en 1992. Il incarnait une propension à des réformes qui n'allaient engendrer que désordre, aux yeux de plusieurs. En conséquence, toute la droite républicaine, fort bien financée, faute de défaire ce candidat dangereux à la présidence, trouva les moyens d'étouffer ses principales réformes, surtout le redouté projet d'assurance maladie. Clinton lui-même, d'ailleurs, crut bon et plus sage de se rapprocher du centre. Il s'était rappelé constamment au cours de sa campagne présidentielle que la première préoccupation des Américains était d'ordre économique (« It's the economy, stupid ! ») et qu'on ne gagnait rien à créer trop d'antagonismes chez les riches dans un pays où ces derniers sont assez nombreux pour donner le ton. Il avait rapproché le Parti démocrate du centre. Au point où on parlait désormais des « New Democrats » pour caractériser le parti de Bill Clinton. Il a entrepris une réforme plutôt conservatrice de la sécurité sociale, qui réduisait les contributions de l'État. Malgré tout, il demeurait immensément populaire auprès des populations défavorisées, chez les Afro-Américains et toutes les populations issues de l'immigration récente. Ajoutez à cela que Clinton était entouré d'une équipe remarquable, dont les meilleurs économistes des États-Unis.

La synthèse populaire à la Bill Clinton s'est traduite par un succès inespéré sur le plan économique. En dépit de tous ses déboires personnels et malgré la hargne obsessive des ses adversaires au Congrès, les huit années de la présidence démocrate ont été marquées d'un progrès sans précédent de l'économie la plus puissante du monde. Jamais les États-Unis n'ont été épargnés pendant aussi longtemps de la récession et de la stagnation des marchés. Il est vrai que le président démocrate, après un premier succès auprès du Congrès qui lui a valu la mise sur pied de l'ALÉNA, n'a pu obtenir le Trade Promotion Authority, dit aussi Fast Track, c'est-à-dire l'autorisation de soumettre d'autres projets libérés des amendements sans fin des législateurs. Mais il peut s'enorgueillir d'être celui qui a réordonné les finances publiques et laissé en héritage au gouvernement américain un énorme surplus budgétaire, tel que le pays n'en avait pas connu depuis longtemps.

GEORGE BUSH, GESTIONNAIRE À TOUTE ÉPREUVE?

Voici que lui succède le Républicain George W. Bush, avec l'appui d'une bonne partie des milieux des affaires et de la finance. Bush est d'ailleurs issu directement de ce milieu. Il est détenteur d'un M.B.A. de Harvard. Il se présente comme un gestionnaire à toute épreuve. Il a promis une coupure de taxes massive devant profiter surtout aux plus riches, ce que lui a reproché vivement son adversaire démocrate, Al Gore. Ces reproches n'ont pas été suffisamment entendus dans la population pour assurer la victoire du successeur de Clinton. C'est Bush qui est apparu comme le grand défenseur de l'entreprise privée. Il amène d'ailleurs avec lui au gouvernement des hommes qui ont une excellente expérience de la direction d'entreprises et qui ont su en tirer de grands bénéficies personnels. On ne peut qu'espérer que l'économie de tout le pays en profite.

Mai voilà que les coupures de taxes promises et bientôt accordées font un trou énorme dans le budget du gouvernement américain. Voilà aussi que, profitant de la panique de l'après 11 septembre, il parvient à obtenir une augmentation massive des dépenses militaires qui vont désormais se rapprocher des 400 milliards $ pour la prochaine année fiscale. Cela rappelle les années Reagan, alors que ce grand pourfendeur des dépenses gouvernementales au cours des années quatre-vingt, en raison de tous les crédits accordés au Pentagone et au complexe militaro-industriel, portait le déficit budgétaire à des profondeurs inconnues jusqu'alors. Plusieurs ont jugé par la suite que les « Reaganomics » étaient en partie responsables de la récession qui s'est manifestée sous son malheureux successeur, Bush père. Voilà donc que Bush, le fils, est en voie de commettre les mêmes erreurs. Le gouvernement américain, sous administration républicaine, renoue avec le déficit budgétaire.

George Bush promettait de favoriser le libre-échange. Or, le voici, tout conditionné par les échéances électorales, qui se comporte comme le pire des protectionnistes: tarifs spéciaux sur l'acier pour gagner des votes dans l'Ohio et la Pennsylvanie, tarifs sur le bois d'œuvre pour complaire au puissant lobby de ce secteur, généreuses subventions aux fermiers qui en seront reconnaissants au Parti républicain. Le Congrès s'apprête à accorder au président la liberté qui faisait défaut à Clinton. Mais comment croire que Bush est encore libre-échangiste?

Au surplus, les Républicains au pouvoir, sans doute trop fiers de leur propre expérience administrative, n'apparaissent pas aussi bien entourés d'économistes compétents que l'était Bill Clinton. Le secrétaire au Trésor lui-même demeure en retrait au moment de la plus grave crise qu'aient connue les marchés boursiers depuis longtemps. Scandales sur scandales font les manchettes (voir la chronique ci-contre de Benoît Routhier). Le président lui-même, et plus encore son vice-président Dick Cheney, ex-président de la firme pétrolière Halliburton, font l'objet de soupçons en raison de transactions passées fort avantageuses qui auraient pu constituer des délits d'initiés. Ce sont les investisseurs eux-mêmes, entendez ceux qui demeurent en dehors des groupes privilégiés, qui sont durement touchés et perdent confiance dans le marché.

À moins qu'une bonne petite guerre
vienne brouiller les cartes
à nouveau!

Non pas que le capitalisme américain soit en danger. Disons plutôt que la majorité des capitalistes ont des comptes à régler avec les plus puissants parmi eux. Cela s'est déjà vu, il y a environ un siècle. À l'époque, c'est un président républicain, Théodore Roosevelt, l'exception qui confirme la règle, qui sut prendre le taureau par les cornes au point de s'aliéner tous les grands patrons d'entreprise de l'époque. C'est à lui que les États-Unis doivent les lois antitrust et le retour des espérances des petits et moyens actionnaires et investisseurs.

Pour le moment, George W. Bush, sans doute en raison de ses allégeances, n'apparaît pas être en mesure de suivre les traces d'un président dont il se dit pourtant admirateur. Faudra-t-il le retour des Démocrates au pouvoir pour que le pays reprenne confiance au marché? Les milieux économiques réviseront-ils leur préférence traditionnelle? Nous en aurons une bonne idée à l'occasion des élections législatives cet automne.

À moins qu'une bonne petite guerre vienne brouiller les cartes à nouveau!

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