Chronique de Louis Balthazar

UNE SOUVERAINETÉ BIEN FRAGILE

par Louis Balthazar

Depuis le 11 septembre 2001 et tout ce qui s'en est suivi, notre dépendance par rapport au géant voisin nous est apparue plus évidente et peut-être plus inquiétante que jamais. Il aura fallu aussi que cela se produise à un moment où le gouvernement américain semble vouloir tout mettre en œuvre pour se faire détester. Sur combien de points Washington est-il seul à avoir raison! Commerce international, traités sanctionnés par l'immense majorité des États et répudiés par les États-Unis, parti pris pro-israélien à peine atténué par une diplomatie hésitante, politique manichéenne et simpliste à l'endroit d'une liste noire de pays ennemis, lutte antiterroriste de plus en plus globalisante et quoi encore!

Et le Canada dans tout cela? Nous voulons de moins en moins entériner les décisions malencontreuses de notre puissant voisin. Mais en avons-nous les moyens? Avons-nous seulement le choix? Voyons comment se manifeste le nationalisme des Canadiens.

UN NATIONALISME LIMITÉ

Nous avons célébré, l'hiver dernier, la spectaculaire victoire de l'équipe de hockey nationale sur les États-Unis! Le Canada recevait enfin la médaille d'or qu'il convoitait depuis des années. Nos journaux titraient à grandes manchettes et tous les médias traduisaient notre fierté! Quelle bouffée d'air frais! Comme il faisait bon d'être Canadien! On a même annoncé, au Canada anglais, la fin des tendances centrifuges au Québec, puisque les Québécois ont applaudi avec ferveur à la grande victoire nationale.

Que s'est-il passé la semaine suivante? Ces athlètes que nous avons portés sur les nues, ces symboles de notre indomptable identité, sont retournés à leur travail bien rémunéré dans la ligue dite nationale de hockey. La plupart d'entre eux sont au service d'organisations américaines et les autres, employés par des équipes canadiennes, ont continué de se faire payer en dollars US et à s'intégrer à un système très nord-américain. Voilà qui en dit long sur notre supériorité dans le sport national!

Les Canadiens ont aussi eu lieu d'être très fiers, dans le passé, de leurs forces armées et de leur bonne performance dans le domaine du maintien de la paix. Nous avons été les premiers à offrir des contingents aux Nations Unies et avons fait partie de presque toutes les missions de pacification sous l'égide de l'organisation internationale. Signe des temps peut-être : en Afghanistan, les Britanniques nous ont fait entendre, à toutes fins utiles, que nous n'avions pas notre place dans une mission qui se voulait essentiellement européenne. Nous avons dû nous rabattre sur une participation à la force américaine qui devait poursuivre la guerre dans la région de Kandahar. Voilà que les Européens nous rappellent que nous appartenons au continent nord-américain. Nos soldats ont donc combattu avec les Américains, sous commandement américain et en suivant des règles établies par des Américains. En matière de traitement des prisonniers, par exemple, la population canadienne a dû constater notre incontournable complicité avec les normes américaines. Nos soldats ont même été victimes d'erreurs de manœuvre fatales de la part du commandement américain. Certains s'en sont scandalisés, mais il fallait bien y voir un effet direct de notre alliance nord-américaine. Nous apprenions d'ailleurs à peu près au même moment qu'on avait décidé, au Département de la Défense à Washington, de mettre sur pied un Commandement intégré de la défense nord-américaine, le North Com. Là encore, des inquiétudes se sont manifestées. Devons-nous aller de l'avant et offrir notre collaboration en matière de défense terrestre comme nous l'avons déjà fait depuis 1958 pour la défense aérienne dans le cadre de NORAD et partiellement pour ce qui est des opérations navales? Au moment d'écrire ces lignes, le gouvernement canadien hésite toujours. Des experts se font forts de nous rappeler que, dès 1940, en vertu de l'Accord d'Ogdensburg, les forces armées de nos deux pays sont déjà passablement intégrées. Depuis ce temps, un Comité conjoint permanent de la défense commune existe et veille à maintenir une collaboration militaire étroite entre les États-Unis et le Canada. Il serait donc plutôt étonnant que nous parvenions à nous soustraire à ce nouveau projet américain.

DES AMÉRICAINS SANS ÉGARD

Pour rendre encore plus pénible cette collaboration obligée, voilà une administration américaine qui nous traite avec moins d'égards que jamais. Il aura fallu deux longues journées avant que le Président Bush nous offre ses excuses pour la bavure militaire en Afghanistan, au moins une semaine avant que le Congrès américain en fasse autant. C'est le même président qui avait omis de mentionner le Canada parmi les alliés les plus fidèles des États-Unis. Nous apprenons en plus que la population américaine, d'après un sondage, oublie que nous sommes les partenaires les plus intimes. La populaire émission de télévision de CBS, Sixty minutes, donne une bien piètre image de nos lois en matière d'immigration et de la facilité avec laquelle des indésirables pénètrent notre frontière, en oubliant de mentionner que la situation n'est guère meilleure aux États-Unis. On sait bien que pas un seul des terroristes du 11 septembre n'était passé par la frontière canadienne.

SOMMES-NOUS TOUT À FAIT IMPUISSANTS?

Tout ceci nous donne l'impression d'être engagés dans une situation particulièrement désagréable qui nous fait craindre le pire pour ce qui fait notre qualité de vie au Canada, au Québec. Comment en sortirons-nous? Comment relever le défi d'une identité collective distincte tout en vivant une relation aussi contraignante? Car il s'agit bien d'une relation plus contraignante que nous voulons bien le croire. Inutile de rêver d'une souveraineté canadienne absolue dont on peut se demander d'ailleurs si elle a jamais existé. Il nous reste cependant des marges de manœuvre. Dieu merci, notre voisin n'est pas engagé dans le totalitarisme, quoiqu'on dise. Parlez-en aux Finlandais. C'est souvent de l'intérieur de l'univers nord-américain que nous ferons valoir nos intérêts, notre attachement à certaines valeurs qui ne sont pas celles de l'establishment américain. Retenons surtout ceci. Dans ce pays voisin où la démocratie a pu permettre des renversements de régime assez spectaculaires, nous pouvons trouver des alliés sur à peu près toutes les causes qui nous sont chères, que ce soit dans des dossiers commerciaux comme le bois d'œuvre, en matière d'environnement, de politiques sociales, de défense, de sécurité, de politique internationale et même en matière culturelle.

Il est bien vrai que les grandes orientations de l'administration Bush ont de quoi nous inquiéter. Elles ont aussi de quoi inquiéter cette majorité d'Américains qui n'ont pas accordé leur confiance à ce gouvernement. Les forces d'opposition, aux États-Unis mêmes, finiront bien par briser ce ralliement populaire qui a suivi la grande épreuve du 11 septembre. Il se trouvera sûrement beaucoup d'Américains pour se féliciter de ce que le pays voisin conserve toujours une marge de souveraineté et puisse ouvrir la voie vers d'autres façons de vivre l'Amérique.

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