entrevue

Entrevue avec Jacques Langlois
Chef de l'opposition à l'hôtel de ville de Québec

Priorité #1 de l'international: l'immigration
Il veut une Politique d'ici six mois
 

Depuis le 1er janvier 2002, la Ville de Québec est une ville « nouvelle », avec trois fois plus de citoyens et un conseil municipal de 39 élus en plus du maire, élu lui aussi au suffrage universel. Lui-même maire jusqu'aux fusions, « l'homme de Beauport » est devenu chef de l'opposition à Québec. Une opposition qui est d'ailleurs majoritaire au Conseil municipal et qui a beaucoup de pouvoir. Après bientôt une année dans les nouvelles structures, la tentation du bilan est à l'agenda. Jacques Langlois a accepté de rencontrer COMMERCE MONDE le 12 novembre 2002, dans son bureau sentant encore le tapis neuf du 4e étage de l'hôtel de ville, pour faire le point sur les enjeux des relations internationales pour Québec la capitale.

Entrevue réalisée par Daniel Allard
(Cette entrevue est une commandite de la Commission de la capitale nationale du Québec.)

(Commerce Monde) Quel niveau d'importance accordez-vous au dossier des relations internationales d'une ville comme Québec? Votre parti a-t-il une position claire sur ce sujet?

(Jacques Langlois) « Ce qui est très clair, c'est que Québec est une capitale nationale et une ville du patrimoine mondial. Ce n'est pas la seule en Amérique du Nord, mais on ne peut pas faire fi de cela et elle a un rôle à jouer sur le plan international: économique, culturel, jumelages, relations interpersonnelles, etc... Mais un rôle selon ses moyens, aussi!

Notre parti reconnaît ces qualités et, pas voie de conséquence, des obligations reliées à cela. »

(C. M.) Après cette nouvelle année de fonctionnement, le Bureau des relations internationales (BRI) de Québec n'est plus l'ombre de ce qu'il était sous l'ancienne ville. Est-ce que cela vous préoccupe beaucoup?

(J. L.) « C'est une période de transition. Au niveau des organismes économiques, on est aussi en période de ré-enlignement. Il y a la nouvelle CODEM (Corporation de développement économique métropolitaine), qui devra sans doute changer de nom, mais par rapport à laquelle le rôle de la ville, comme le BRI notamment, va venir en complément, mais pas en duplication...

Qu'ils attendent que la CODEM se positionne de façon définitive, c'est normal. Même si ce n'est pas normal en soi que le BRI stagne, c'est normal du fait que nous soyons dans une nouvelle ville que le Bureau fasse une réflexion, avant de repartir plus fort, mais dans des créneaux qui sont les siens, et non pas en duplication de ce que d'autres peuvent faire... Ils ont eu du travail! On ne dit pas que le BRI n'a rien fait. Ils ont eu à organiser la Semaine de Québec à Bordeaux... Mais c'est comme s'ils attendaient de voir le créneau qui va leur être confié à long terme. »

(C. M.) Trouvez-vous qu'il a été géré adéquatement jusqu'à maintenant? Le d.g. de la ville, Monsieur de Belleval, semble être très confortable dans la fonction de directeur par intérim du BRI. Trouver-vous cette situation normale?

(J. L.) « (...)Tant qu'on n'a pas donné une nouvelle direction au BRI, il faut quelqu'un de temporaire! C'est normal et qui de mieux que le d.g. pour le faire? Ce n'est pas négatif, au contraire, ça démontre tout de même une préoccupation face au BRI... On ne l'a pas confié à de petits fonctionnaires, c'est le d.g. lui-même qui en assume la responsabilité... Pour l'instant, on est capable de vivre avec ça... »

(C. M.) Le budget qui est actuellement accordé aux relations internationales est-il approprié selon-vous?

(J. L.) « Par rapport aux responsabilités qui ont été confiées, j'ai envie de vous dire que cette année, le budget apparaît insuffisant! Ils ont dû piger dans des contingences pour finir l'année, selon ce que l'on voit dans les chiffres... Le budget d'activités du BRI pour 2002 était de l'ordre de 83 000$ et ils sont à 105 000$. En chiffres absolus, ce n'est pas beaucoup, mais en proportion, c'est quand même important... à peu près le quart du budget.

(...)D'une façon générale, quel budget faut-il? C'est difficile, en ce moment, d'établir un budget. Il faudra voir lorsque la mission sera redéfinie... »

(C. M.) Québec est même partenaire avec Sao Paulo et Rio de Janeiro, de par les alliances qu'avait Saint-Augustin-de-Desmaures. Quelle approche privilégiez-vous pour mettre de l'ordre dans les quelque 40 liens officiels de Québec avec des villes dans le monde?

(J. L.) « Il y a du ménage à faire. Il y en a 42 au total. Qui est actif? Qui l'est moins? Tout cela doit ne servir qu'à dynamiser les relations de la nouvelle ville avec l'extérieur. Il ne faut pas que ce soit un motif à voyages, mais un motif à échanges! Donc, est-ce que c'est toujours rentable? Il faut faire une évaluation; lesquelles seront privilégiées. Faut-il toutes les conserver? En abandonner?

D'autres part, les prévisions démographiques pour la Région métropolitaine de recensement (RMR) donnent un +800 habitants d'ici 2015. C'est rien! Ou bien on fait des enfants, ou bien on favorise l'immigration. Alors, est-ce qu'il est pensable qu'à travers ces ententes-là, ces liens d'amitié, il soit possible de susciter suffisamment d'intérêt pour susciter suffisamment d'immigration?

Donc il va falloir se donner des objectifs avec ses ententes et une stratégie pour en tirer avantage. Et ce qu'on peut penser, à court et moyen terme, c'est de favoriser l'immigration vers Québec...

Non, le ménage n'est pas commencé, d'après-moi. C'est à faire! Il va falloir se doter d'une Politique, d'orientations concernant ces ententes. Je pense que le Conseil doit le faire. Il faut sortir une résolution à partir d'une proposition à l'interne. Je pense que c'est Jacques Joli-Coeur qui a cette responsabilité au Conseil. Il devra nous soumettre un scénario, un plan de match... Mais une chose est certaine, l'argent est rare et il faut s'assurer que cela soit rentable... Sans en faire un débat au Conseil, je m'attends à des séances de travail là-dessus pour brosser nos stratégies de maintien et de développement de ces ententes-là...

Non, il n'y a pas de commission spécifique du Conseil sur ce sujet. Mais le Comité exécutif peut créer un comité ad hoc, par exemple, et ça nous sommes ouverts là-dessus.

(...)Effectivement, on vient d'ajouter St-Pétersbourg. La question à se poser, c'est: qu'est-ce que St-Pétersbourg peut nous apporter de plus? C'est pas juste de dire: « J'ai rencontré le maire de St-Pétersbourg à Bordeaux et il trouve important qu'on se revoit! » Moi, je pense qu'il faut arrêter cette manière-là. Avec ça, tu multiplies et tu saupoudres.

On a un problème de démographie. Alors si c'est ça l'immigration qui est une priorité, développons une stratégie propre à la ville avec des jumelages en conséquence. Si c'est le problème auquel on veut s'attaquer, il va falloir cibler dans le monde des endroits qui peuvent nous aider à générer une immigration plus massive sur Québec et développer des ententes avec ces gens-là. Peut-être au détriment d'ententes actuelles qui sont devenues mois d'actualité ou moins nécessaires. Albany (New York), ville jumelée avec Québec, n'échange plus depuis un certain temps. Abandonnons cette formule-là au besoin.

(...)La pire chose à faire, c'est de prendre pour acquis les anciennes ententes... Il faut que cela soit gagnant, avec des retombées en fonction de nos attentes... Il ne faut pas fonctionner avec le passé, mais avec l'avenir... On est en affaires publiques... il faut dépasser les ententes sentimentales.»

(C. M.) Combien de jumelage, c'est-à-dire des relations au plus haut niveau, Québec devrait avoir d'après vous?

(J. L.) « Le nombre dépend de l'efficacité à atteindre et de la stratégie que l'on veut développer... C'est très difficile d'établir un nombre idéal. Allons-y a contrario: la ville ne devrait plus traîner des ententes qui ne rencontrent plus ses objectifs... »

(C. M.) Le maire L'Allier n'en reconnaît actuellement que quatre (Calgary, Bordeaux, Namur et Xi'an), préférant maintenant oublier Albany. Etes-vous satisfait ce ces acquis?

(J. L.) « On n'est pas rendu au stade d'évaluer les retombées de ces jumelages... Avant, il faut faire la grille de nos attentes et après on verra si certains doivent être accélérés, d'autres maintenus et d'autres abandonnés. Je ne peux pas porter de jugement de valeur sur ces jumelages-là tant que je ne sais pas pourquoi on les fait, pourquoi on les a faits et si les objectifs qu'on avaient ont été atteints partiellement ou pas du tout... Nous on veut évaluer.»

(C. M.) Le maire L'Allier est, par exemple, de nouveau fier de dire qu'il accepte l'invitation de son homologue de Mobile, en Alabama, pour assister à l'inauguration du monument à Pierre LeMoyne d'Iberville soulignant le 300e anniversaire de la ville, reçu aux frais du maire Dow (Québec n'assumera que le transport et les imprévus, environ 1 400$ pour une fin de semaine). Êtes-vous d'accord avec cette façon de procéder? N'est-ce pas un peu faire des relations internationales par en arrière, sans s'en donner véritablement les moyens?

(J. L.) « Il n'est même pas allé, il est allé à New York à la place... Ce qui est important, ce n'est pas ce que ça coûte, c'est ce que ça rapporte. Si ça rapporte, c'est facile d'évaluer. Si ça ne rapporte rien, c'est toujours trop cher!

(...)Il faut avoir une stratégie. Ces échanges-là, il faut qu'ils rapportent. S'il n'y a pas un intérêt de manière à bâtir quelque chose de sérieux, ça donne quoi?

(...)Je dis rapporte dans le sens de rapporter à la Ville, sur le plan soit économique, soit culturel, soit démographique... C'est pour cela que je dis, avant de continuer, il faut une stratégie, une Politique sur les échanges internationaux.

(...)« Ils m'ont invité, ça coûte rien, j'y vais! » M. le maire: peut-être que vous auriez été plus utile ici à travailler avec les organismes du milieu! S'il y a des motifs, un intérêt à l'intérieur d'une stratégie, on y va, sinon...»

(C. M.) À Bordeaux par exemple, une ville comparable à Québec, l'équivalent du BRI compte 9 personnes. Que devrait être le BRI idéal pour Québec?

(J. L.) « À partir du moment où on établi une mission, une stratégie, on est en mesure de décider des ressources à consacrer. Il n'y a jamais assez de monde lorsque ça rapporte et toujours trop quant ça ne rapporte pas! Donc, suivant les performances du Bureau, on sera à même de savoir si les budgets sont corrects ou pas. Il va falloir bonifier ce Bureau-là pour qu'il soit capable de livrer ce qu'on va lui demander de livrer...»

(C. M.) Dès janvier, le maire L'Allier avait fait connaître son projet de mettre en place, avec plusieurs autres partenaires de la région, un Secrétariat général aux relations internationales. Pensez-vous que c'est encore une bonne idée?

(J. L.) « Ca arrive souvent, ça! Le maire, des fois, il a des bonnes idées, puis il les échappe! J'étais là, lors de ce discours... Moi, j'ai hâte que nous soyons invités à une séance de travail et qu'on en discute de comment structurer ce Bureau-là.

(...)Je ne sais pas si une agence extérieure est une bonne solution, plutôt qu'un service imputable au Conseil... Si c'est dans la mission de la ville d'avoir une représentation internationale, il serait logique que la ville garde le contrôle sur son organisme qui va la représenter... L'idée du maire, je ne sais pas si ce n'est pas simplement l'ajout d'une structure? Et moi, l'ajout d'une structure, j'aime mieux qu'on travaille à l'intérieur des murs... »

(C. M.) Quelles devraient être les priorités en matière de relations internationales pour la nouvelle ville de Québec?

(J. L.) « (...)Selon-moi, la priorité #1 de l'international, avec ce que l'on sait, c'est la démographie, c'est fondamental, améliorer notre immigration.

Ensuite, l'économique, c'est un classique. On peut en parler, mais la CODEM aura cette responsabilité...

En #2 la représentation culturelle de la ville sur le plan international, c'est fondamental. Diffuser le fait que nous sommes une capitale et une ville du patrimoine et se présenter aux endroits où nous pouvons en faire la promotion.»

(C. M.) Justement, le discours de l'administration actuelle parle beaucoup de l'importance de l'immigration. Mais les résultats demeurent encore très loin des objectifs. Qu'en pensez-vous?

(J. L.) « D'abord, on ne sait pas qu'on en veut [des immigrants] clairement! Cela n'a pas été exprimé que l'item immigration est un élément majeur de notre représentation internationale. Moi, je n'ai pas vu cela nul par dans une Politique. Que le maire mette ça dans une Politique et qu'on bâtisse une stratégie en conséquence.

Deux, il n'y a pas d'ententes signées sur ce point, à ce jour, par rapport à nos jumelages, par exemple. Il va falloir le faire...

Trois, si le gouvernement du Québec a de la misère à nous donner les chiffres [du nombre d'immigrants qui arrivent], on a un problème. Il va falloir que quelqu'un suive ça!

(...)On a une entente avec le gouvernement [MRCI], mais ils ne sont même pas capables de nous donner des statistiques. Ce n'est pas la meilleure façon d'opérer, c'est clair. Je pense que c'est à nous autres de le faire. Que la Ville y mette les ressources. C'est l'avenir. Il va falloir travailler là-dessus sérieusement. »

(C. M.) Dans le temps, comment vous voyez ça?

(J. L.) « À partir de janvier, il va y avoir la CODEM et beaucoup de choses vont se mettre en place. On va leur donner encore six mois. À l'été, il faut qu'on se soit fait une tête sur l'international pour que les décisions se prennent avec un plan clair sur la table. »

(C. M.) Qui a ce dossier de l'international comme responsabilité dans votre équipe du côté de l'opposition pour faire face à monsieur Joli-Coeur?

(J. L.) « Pour l'instant personne en particulier. On va faire comme pour les autres dossiers. Quand il y aura un document sur la table, on va mettre un responsable sur le dossier. Pour l'instant, il n'y en a pas de document, alors la question ne se pose pas. Que M. Joli-Coeur en propose un document et on va s'en occuper. »

 

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Depuis cinq ans, 30 entrevues exclusives ont été publiées dans
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