entrevue

Entrevue EXCLUSIVE

François Tavenas fait son bilan


 

Depuis cinq ans, le recteur de l'Université Laval a aussi fait sa marque comme personne très impliquée au niveau de la région de Québec. Entre autres président du conseil d'administration du Parc technologique du Québec métropolitain et président du Comité Québec-Capitale, sa connaissance des enjeux du développement économique dépasse largement le contexte universitaire. À quelques semaines de terminer son mandat de recteur pour relever de nouveaux défis, François Tavenas a accepté d'accorder une entrevue à COMMERCE MONDE, le 9 mai dernier.

Entrevue réalisée par Daniel Allard

(Commerce Monde) Ce n'est peut-être pas un hasard, votre mandat de recteur a été fortement marqué par une plus grande internationalisation de l'Université Laval, alors même que la région de Québec se préoccupe plus que jamais de son rayonnement à travers le monde. Trouvez-vous que la région de Québec maximise son potentiel à ce propos ?

(François Tavenas) " Du côté économique, il nous reste encore beaucoup de progrès à faire... La SPEQM a fait beaucoup pour le rayonnement en termes d'activités économiques, la Ville de Québec aussi, les missions que le maire Jean-Paul L'Allier a dirigées, en Chine, en France, ont déjà eu des effets et vont en avoir encore. Le principal défi pour la région de Québec, il est là: de capitaliser sur toutes les possibilités que nous avons de nous affirmer sur la scène internationale.

Ce n'est pas juste vrai dans le domaine de l'optique, c'est vrai dans le domaine de l'informatique, des nutraceutiques, des biotechnologies médicales, de la géomatique...

Prenons justement la géomatique. La région de Québec est un véritable leader dans ce champ technologique qui est relativement nouveau. On a ici trois ingrédients essentiels au développement: des programmes de formation, des entreprises spécialisées dans le domaine et un gouvernement qui comme utilisateur de géomatique s'est donné un plan d'utilisation qui est intéressant. Il se trouve, de ce fait-là, que le Québec est en avance sur le plan international. Les besoins en géomatique sont énormes, en particulier dans les pays d'Amérique latine, en Europe de l'Est. On a travaillé depuis deux ans sur des propositions concrètes avec divers États du Mexique pour faire une offre intégrée de services, mais on n'a pas encore réussi à ramasser tout ça. Il y a vraiment moyen de faire un bon coup, de mettre Québec sur la map... Mais il manque une convergence de volonté.

Et c'est probablement quelque chose qu'on retrouve dans bien des domaines dans les dossiers de développement de la région...

C'est certain que la situation à la SPEQM, avec la vacance à la direction générale depuis quasiment un an, c'est sûr que ça n'aide pas. James Donovan fait un excellent travail dans l'intérim, mais il est intérimaire. Et puis toute la réflexion sur la réorganisation des organismes de développement économique, ça ralentit les choses. Mais je pense que c'est vraiment une question de s'asseoir et de faire avancer les choses, car on a vraiment des beaux dossiers. "

(C. M.) Comment amélioreriez-vous la situation actuelle à Québec en matière de rayonnement international ?

(François Tavenas) " Tout le monde reconnaît dans la région le besoin d'avoir une cellule de coordination en matière internationale. Il y a un bon consensus pour dire que cette cellule doit être sous la responsabilité de la Communauté métropolitaine. Mais est-ce que ça va être avec la SPEQM? Avec une SPEQM élargie? C'est le sens de la réflexion actuelle...

Dans mon esprit, il faut qu'un joueur coordonne de façon globale... Il nous faut l'équivalent d'un Montréal International...

Du côté de l'Université, j'ai toujours dit que ce n'est pas l'Université qui va structurer la région; organisez-vous et après on va être là... Nous, notre rôle, c'est d'arriver en appui à une stratégie régionale."

(C. M.) Si vous pouviez choisir deux ou trois nouvelles villes à jumeler avec la Ville de Québec, quelles seraient ces villes et pourquoi?

(F. T.) " Je ne vous répondrai pas avec des noms de villes comme tel, mais des paramètres. Ce serait des jumelages avec des villes qui ont les mêmes caractéristiques que Québec: des villes patrimoniales, touristiques, universitaires et axées sur les entreprises de haute technologie..."

(C. M.) C'est quoi, selon-vous, la principale clé pour assurer l'avenir du développement de la région de Québec?

(F. T.) " Il n'y a pas une clé, il y en a plusieurs. Prenons ça autrement. C'est quoi les principales faiblesses?

C'est d'abord qu'il n'y a pas à Québec de joueurs économiques dominants... de gros joueurs capables d'entraîner les autres derrière eux. Les grosses entreprises de la région, c'est ou bien des implantations locales d'entreprises multinationales (Ultramar, Stadacona), dont les centres de décision sont ailleurs, les centres de recherche sont ailleurs. Ils n'ont pas le potentiel de leader naturel dans la région. Donc, on n'a pas l'équivalent d'un Bombardier. Et ça c'est un facteur limitant. Le potentiel de sous-traitance n'est pas-là. Le leadership du milieu industriel privé n'est pas-là.

Si on veut compenser, il faut rassembler les joueurs économiques et leur faire jouer un rôle plus actif. Or, de ce côté-là, on est obligé de constater que les entreprises manufacturières de la région n'ont pas éprouvé jusqu'ici le besoin de se regrouper et de se faire entendre comme tel. Elles sont membres des chambres de commerce, mais ne sont pas actives. Les Germain Lamonde, Louis Garneau, dans les chambres de commerce, ils ne sont pas-là. J'espère qu'ils vont y être. On a besoin de ces gens-là pour jouer un rôle plus actif.

C'est le premier obstacle. La deuxième faiblesse de la région, c'est les circuits de financement du développement économique. Oui, on a maintenant la Caisse de dépôt qui vient de s'implanter..., le Fonds de solidarité est aussi présent, Investissement Québec. Par contre, la place financière du Québec, c'est Montréal... Comment lutter contre ça? En renforçant à nouveau la mise en commun de l'expertise... Pas nécessairement un guichet unique, mais en améliorant la concertation, pour que les gens se parlent, renforcir l'informel...

La dernière chose, c'est qu'il y ait plus d'unité d'action... Une meilleure concertation entre tous les organismes de la région. Et je fonde beaucoup d'espoir dans l'exercice qui est en cours..."

(C. M.) Optique-photonique, biotechnologie, agroalimentaire, etc., les secteurs prioritaires de la région sont bien connus. Voyez-vous de nouveaux secteurs vers lesquels la région de Québec devrait également porter son attention, ou vous pensez plutôt que la région ne devrait pas chercher à augmenter le nombre de créneau qu'elle développe pour se concentrer sur ceux déjà reconnus?

(F. T.) " Si on développe bien les créneaux qu'on a déjà, il y a de quoi se faire plaisir. Si déjà on exploite notre plein potentiel dans ces domaines-là, on a de quoi accompagner beaucoup de développement économique et un beau développement de la région...

Évidemment, il y a parmi ceux-là un domaine - je vous le disais au début - où l'on n'exploite pas du tout notre potentiel, c'est celui de la géomatique. On est superbement bien placé pour le développer, mais on a l'impression qu'on tourne en rond."

(C. M.) Qu'est-ce qui devrait le plus préoccuper les gouvernements à Québec et à Ottawa face au rôle qu'ils peuvent jouer dans le développement de la région de Québec?

(F. T.) " En ce qui concerne le gouvernement du Québec, j'ai souvent dit que le gouvernement du Québec a mal à sa capitale. Il a de la misère à s'approprier sa capitale. Il y a des progrès qui ont été faits depuis une couple d'années, mais il n'a pas encore réussi à s'affirmer un vrai rôle pour la capitale. Les rencontres avec les ministres et les sous-ministres les vendredis et les lundis à Québec ce n'est pas possible...

Le gouvernement a aussi une responsabilité particulière parce qu'il est le plus gros employeur de la région. Il a une responsabilité d'acteur du développement économique régional qu'il n'assume pas suffisamment encore.

Du côté du gouvernement fédéral, je suis assez positif par rapport à ce qui a été fait. Les mesures de financement de la recherche universitaire ont été très bénéfiques à la région. Les actions de Développement économique Canada sont très positives... Je n'ai pas de récrimination particulière. Il y a des dossiers sur lesquels le fédéral devra cependant être impliqué plus fortement, comme la problématique du transport en général..."

(C. M.) Lorsque vous entendez les ténors de la politique affirmer que Québec va devenir une capitale mondiale de la photonique, qu'est-ce qui vous vient immédiatement à l'esprit?

(F. T.) " Si on veut réussir nos coups, il faut savoir viser juste. Affirmer la région comme un des lieux forts du domaine de la photonique, sans aucun doute on a ce qu'il faut... Mais s'affirmer capitale mondiale. Un instant! On est présent dans ce qui représente peut-être 5 à 8% du champ de l'optique-photonique et des télécommunications... Ce n'est pas en étant un fort joueur dans 5% du champ d'action qu'on peut prétendre être capitale internationale du domaine. On a des belles cartes à jouer. Un beau rôle à jouer, mais dans une stratégie de niche...

Le domaine de la géomatique, c'est presque celui dans lequel on aurait le plus de chance de pouvoir s'affirmer comme capitale mondiale, si on le voulait, si on part assez vite. Le premier qui va se présenter là, il va définir son territoire et les autres vont courir derrière. J'en parle encore, parce que j'ai vraiment le sentiment qu'il y a là un énorme potentiel, mais..."

(C. M.) N'y en a-t-il pas trop pour un seul secteur?

(F. T.) " Non, je ne dirais pas qu'il y en a trop. Seulement de faire attention de ne pas se laisser obnubiler par juste un. Il y a 2-3 autres secteurs qui ont un potentiel tout aussi intéressant [que l'optique-photonique] et il faudrait les exploiter: nutraceutique, géomatique."

(C. M.) Vous quittez le siège de recteur le 5 juillet. Le maire de Québec vous a-t-il offert de prendre la direction du Commissariat général aux relations internationales qu'il tente de mettre en place?

(F. T.) " Personne ne m'a rien proposé à ce moment-ci... Je reste à l'écoute."

(C. M.) Seriez-vous intéressé?

(F. T.) " Ca correspond sans aucun doute au genre de choses que j'ai faites depuis un certain temps. C'est quelque chose qui pourrait être intéressant. On va voir.

Plusieurs personnes me disent qu'il serait bien que je puisse rester dans la région. Je leur réponds : il n'en tient qu'à vous!"

(C. M.) Et l'option de vous lancer en politique?

(F. T.) " Pas du tout! Ça, c'est très clair, pour aucune considération."

(C. M.) Merci de nous avoir reçu.

***

Depuis quatre ans, 27 entrevues exclusives ont été publiées dans COMMERCE MONDE:

 
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