ENTREVUE

Entrevue avec le maire de Québec,
Jean-Paul L'Allier

Un Commissariat aux relations internationales verra finalement le jour en février

 

En ce début de l'an deux de la nouvelle ville de Québec, le maire Jean-Paul L'Allier a accepté de faire le point avec COMMERCE MONDE, lors d'une entrevue exclusive, le 16 janvier 2003.

Entrevue réalisée par Daniel Allard
(Cette entrevue est une commandite de la Commission de la capitale nationale du Québec.)

(Commerce Monde) Il y a un an, presque jour pour jour, vous faisiez connaître votre projet de mettre en place un Commissariat général aux relations internationales. Le temps passe et une certaine impatience résonne dans la région. Pour finalement réorganiser la région en matière de représentation internationale, que comptez-vous faire, quand et comment?

(Jean-Paul L'Allier) « Tout va être finalisé et annoncé d'ici un mois. Ça va exactement dans le sens de ce que j'ai indiqué il y a un an. Il fallait que j'attende la mise sur pied de la CODEM, selon qu'elle inclut ou non la ville de Lévis, pour finaliser l'organisation du Commissariat aux relations internationales. C'est un dossier que je prépare moi-même, personnellement, en ce sens que parmi les membres du Comité exécutif, je suis celui qui est responsable des relations internationales. C'est donc dans les quelques semaines qui viennent... on a à peu près terminé nos travaux.

Il reste à passer ça au Comité exécutif et au Conseil municipal, mais aussi au chef de l'Opposition [Jacques Langlois], parce que j'en ai convenu avec lui. Ensuite, on va confirmer les nominations de personnel déplacé, de personnel emprunté ou le personnel engagé(...)

Un commissariat avec priorité d'intégrer les efforts que la région peut faire en matière de développement à l'international, mais évidemment sans prendre la place de qui que ce soit, en leur donnant un endroit pour qu'ils puissent faire converger leurs ressources, leurs besoins, leurs demandes, pour qu'on fonctionne en ordre plus efficace. Alors il va y avoir une place où les grands partenaires (l'Université, les chambres de commerce, etc.) vont pouvoir se retrouver et des secteurs opérationnels. Ça va être d'abord au sein de la Ville de Québec, mais ça va associer la CODEM.

Je suis très content de la façon donc ça s'enligne. Ça a déjà été vu par la direction générale de la ville et on n'est pas dans les nuages. Et un mois après la création de la CODEM, on n'est pas hors des délais(...)

Le Commissariat est à la ville, mais il va avoir un lien solide avec la CODEM. »

(C. M.) Est-ce que votre nouveau commissariat va remplacer l'actuel Bureau des relations internationales de la Ville de Québec?

(J.-P. L.) « D'une certaine façon, ça va l'intégrer(...) Dans la mesure ou la Communauté métropolitaine n'a pas eu le mandat de former la CODEM, on ne va pas lui demander de s'occuper du garage si elle ne peut pas s'occuper de la maison. »

(C. M.) Donc, ça va être interne à la ville?

(J.-P. L.) « Ce ne sera pas interne à la ville. Ça va être rattaché administrativement à la Ville de Québec, mais ça va être ouvert à tous les milieux qui, d'une façon ou d'une autre, utilisent les relations internationales dans son fonctionnement, dans son développement. Ça va être un centre à la fois de convergence et de services, de recherche et de développement. »

(C. M.) Avez-vous besoin d'aller chercher des appuis des deux gouvernements supérieurs pour faire ce que vous voulez?

(J.-P. L.) « Des appuis, oui, on va aller en chercher lorsqu'on aura quelque chose à leur montrer de définitif. J'ai été en contact avec les gens du Québec pour commencer. Parce qu'on ne peut pas aller à Ottawa directement. Et on veut prendre le même chemin que lorsqu'il y avait le GRI dans la région [Groupe pour le rayonnement international de la région de Québec] pour que les deux niveaux de gouvernement contribuent pour mettre des ressources au niveau de la région.

Parce qu'actuellement, le gouvernement fédéral ne fait rien pour la région. Zéro exposant zéro! Il faut le dire. Ils ont un job à faire eux aussi. Ça fait 15 lettres qu'on envoie sur les fêtes du 400e et on nous dit on vous appellera! C'est un gouvernement hostile, à ce moment-ci, à la région de Québec. Le gouvernement Chrétien est hostile pour tout ce qui passe pour la Ville de Québec. J'espère que ça va changer et rapidement(...) »

(C. M.) Le maire de Bordeaux, Alain Juppé, s'en vient à Québec en février. Il a fait un très beau cadeau surprise à Québec en baptisant sa première ligne de tramway « Le Ville de Québec ». Vous sentez vous en dette envers ce geste? Avez-vous l'intention de le lui retourner?

(J.-P. L.) « Essayez d'imaginer qu'on fasse ça à Québec, au niveau d'un équipement, au nom d'une ville extérieure! Il faut mesurer le degré d'intolérance qu'il y a dans la région au niveau des relations internationales. Imaginez qu'il y aurait un métro à Québec, qu'on n'avait pas avant, et que la première rame s'appellerait «Le Ville de Bordeaux »? On en mangerais tu toute une? C'est ça, le niveau de tolérance dans la région. Il suffit qu'on ait une mission, que le maire fasse son travail en allant présider une assemblée au nom de ses membres, etc. puis tout de suite il y a un 10% de la population qui nous tape dessus. Moi, j'ai choisi de ne pas m'aligner là-dessus pour fonctionner. Ça ne me dérange pas. Mais il faut constater que l'on vit dans une région où les efforts d'ouverture au monde, à l'international, s'ils se font à l'université, s'ils se font dans l'entreprise, ils ne se font pas d'une façon plus générale dans l'opinion publique, qui elle-même est faussée par les préjugés les plus éculés et les plus bêtes.

[Le geste du maire de Bordeaux] c'est un geste de politesse. Ça fini là! Si je me sentais en dette, il faudrait que je le rembourse, mais j'ai rien à rembourser. On travaille ensemble depuis 40 ans, on fait des choses utiles à nos deux villes; j'ai plein de documentation sur la Ville de Bordeaux qui nous aide énormément - en matière de transport en commun - qui va nous faire sauver je ne sais pas combien d'argent, parce qu'on a accès à leur dossier. Ça ne veut pas dire qu'on va faire ce qu'ils font, mais ça peut nous éviter des erreurs(...) »

(C. M.) Et pour la Chine, nous sommes en 2003, il y aura les forums économiques comme prévu?

(J.-P. L.) « On attend encore une délégation d'une vingtaine de personnes qui doit venir pour préparer l'organisation des forums économiques qui se dérouleront effectivement à Xi'an et à Changchun, à la fin du mois de septembre. On leur propose de venir à Québec en mai, afin qu'ils puissent, en même temps, participer à FuturAllia [un événement international de maillage de PME qui origine de Poitiers, en France], un événement majeur pour la région. 2-3000 entreprises qui sont attendues... et si ça se passe bien, on travaille afin que la présence en sol canadien de FuturAllia soit toujours à Québec. Qu'à toutes les x années, ce soit toujours à Québec. Ils veulent s'ancrer quelque part, alors c'est important ça(...)

Maintenant qu'au niveau de la région on peut faire converger les ressources, il va falloir qu'on avance de ce côté-là. Le budget en matière internationale est resté dans les mêmes proportions de ce qu'il était avant les villes fusionnées.* Les autres villes restaient alors accrochées à celui de l'ancienne Ville de Québec. La population a plus que doublé, il va falloir que le budget augmente de 25-30% si on veut effectivement desservir tout le monde adéquatement. Cette année, dans le budget, ce n'était pas une priorité, mais dès l'an prochain il va falloir y voir systématiquement. Et on est capable de démontrer que c'est non seulement utile, et non seulement souhaitable, mais que c'est absolument incontournable et urgent. Si la deuxième ville du Québec ne fait pas son travail de ce côté-là, elle ne fait pas son job!»

* [Le poste budgétaire « Relations internationales et protocole » est de 468 253$ pour 2003; il était de 425 632 en 2002.]

(C. M.) Dans notre entrevue du numéro de novembre dernier, le chef de l'opposition, Jacques Langlois, a clairement dit qu'à ses yeux la priorité de la Ville de Québec en matières internationales devrait être l'immigration. C'est une surprise pour vous?

(J.-P. L.) « (...)Je sais que là-dessus il est plus ouvert que la majorité de ses collègues. L'immigration va être un secteur qui va être associé au Commissariat. Tout ça se fait ensemble. On ne pourra plus partir dans des missions sans avoir fait l'évaluation d'opportunité. Si dans l'opportunité il y a zéro pour l'immigration, ça va faire perdre des points. Ça ne veut pas dire que la mission ne se fera pas, mais elle va perdre des points.

Et pour ça, il faut se connecter sur le Québec et sur le fédéral. Quelle est la priorité du gouvernement du Québec pour Québec? C'est le néant total! Quels sont les pays cibles? (...) Il faut que le gouvernement nous prenne en compte(...) »

(C. M.) Et quels sont les moyens que vous considérez qu'ils vous manquent pour faire ce que vous voulez en matière d'immigration?

(J.-P. L.) « Avoir les moyens que ceux dont c'est la responsabilité de développer l'immigration, d'en parler positivement, efficacement. Et deuxièmement, de faire en sorte qu'une Politique d'immigration soit aussi une politique fortement accrochée sur le milieu du travail. Je ne peux pas faire arriver ici des familles: bravo, on est content; maintenant, je me foutre de toi, trouve-toi un job!(...)

Une vraie Politique d'immigration, c'est dans l'accompagnement vers le marché du travail(...) Et sur ça, on a du chemin à faire dans la région(...) »

(C. M.) Ca faisait partie de votre campagne électorale, l'idée de créer une Maison internationale. Qu'en est-il?

(J.-P. L.) « On a eu une réunion encore hier là-dessus. C'est le mandat de madame Lise Poirier de travailler là-dessus avec Yves Dallaire. Quelle forme ça va prendre? Qui va payer? C'est tout ça qui se discute. Mais il faut le faire avec les communautés culturelles. Il faut trouver un lieu aussi. On prend-tu une église, une école? Etc.(...) »

(C. M.) La nouvelle Ville de Québec s'est retrouvée avec une quarantaine d'ententes de coopération diverses avec autant de villes à travers le monde. Plus du double qu'avant les fusions. Qu'en est-il de la revue de tout ça?

(J.-P. L.) « Ca va être un des mandats du Commissariat de classer ça. Il va y avoir des jumelages qu'on va ramener au niveau de pacte d'amitié. Des choses comme ça. D'autres on garde plus un contact épistolaire et documentaire. »

(C. M.) Même des jumelages? Vous parlez ici d'Albany?

(J.-P. L.) « Albany, c'est effectivement un jumelage qui est mort. On ne va pas faire l'injure aux Américains de leur dire qu'on ne veut plus leur parler, mais je suis en contact avec la consule générale, qui a essayé d'identifier d'autres villes. C'est elle qui m'a conseillé de le faire et on regarde ailleurs aux États-Unis et il y a deux villes qui veulent se rapprocher de Québec: une en Louisiane et une autre dans un autre État.

Les Américains ne sont pas portés là-dessus. Ils ne veulent pas de jumelage. Ce n'est pas dans leur façon de travailler. Les Américains, il faut que tu fasses partie d'associations internationales (et que le siège soit dans une ville américaine) qui acceptent des villes de l'étranger. Là tu peux leur parler et faire des tas d'affaires avec eux (...)

C'est dans cette optique là que la rencontre internationale des chambres de commerce organisée par la Chambre de commerce de Sainte-Foy [maintenant la Chambre de commerce régionale des entrepreneurs de Québec] est excessivement importante. Les chambres de commerce américaines vont toutes être là [l'événement se tiendra au Centre des congrès de Québec, en septembre 2003]. »

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Depuis cinq ans, 31 entrevues exclusives ont été publiées dans
COMMERCE MONDE
Aubut, Marcel
Beaudoin, Louise (MRI)
Benessahraoui, El Habib (IEPF)
Bouilhac, François (DG au MICST)
Boulanger, Pierre (SPEQM)

Boutros Boutros-Ghali (sec. gén. Francophonie)
Cannon, Lawrence (AmériContact)

Charbonneau Jean-Pierre (prés. ass. nat. du Québec)
Charest, Jean (Chef du PLQ)
Cliche, David (gouv. du  Québec)
Coulombe, Serge, (GATIQ)
De Celles, Pierre (ÉNAP)
Denis de Belleval
Dorotea, Luciano (Ville de Québec)

Gaudreault, Ross (Port de Québec)
Hamelin, Louis-Edmond (Sommet Nordicité)
Joli-Coeur, Jacques (maire suppléant Québec)
Lafleur, Andrée (CCIEQ)
Lafleur, Michel (SPEQM)
Lagacé, Line (SPEQM)
L'Allier, Jean-Paul (Ville de Québec)
Lalande, Georges (Candidat mairie)
Langlois
,
Jacques (Chef de l'opp. à l'hôtel de ville de Québec)
Marcoux,G. et A. Michaud, (Centre de foire)
Masse, Marcel (Dél. gén. du Qc.à Paris)
Myrvoll, Siri (OVPM)
Petrella, Ricardo
(mondialisation)
Picard, Bruno (Ambassadeur en Rép. Dom.)
Denis Ricard
(OVPM)

François Tavenas (Université Laval)


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Commerce Monde #33